Dans son édition du mardi 25 février, l’hebdomadaire France Football a dépeint – au travers d’un dossier à charge – le monde des tribunes françaises sous un angle caricatural, abject et réducteur.
Parce que ce types de raccourcis – effectués par des journalistes désinformant plus qu’informant leur auditoire – ne doivent plus être tolérés, La Grinta monte au front. Afin de réhabiliter un peu, ce qui est détruit depuis déjà longtemps : un idéal.
Lassant. Usant. Les années passent, les vieilles rengaines demeurent. Mardi, France Football consacrait sa Une aux supporters français sous un titre pour le moins éloquent : « Insupportables ». Le sous-titre parlait quant à lui « d’ultras et leurs excès, représentant la plaie de notre football de clubs, et le tourment de nombreux dirigeants ».
Entre méconnaissance et manipulation
Durant les dix pages qui suivront, la logique du journal changera peu ou prou de l’axe annoncé en première page. En résumé : pas d’effort de recherche ou d’investigation, pas d’approche nouvelle de la question, des redites, la description caricaturale d’une culture, des raccourcis à foison, et une présentation totalement partiale et partielle du sujet de manière à aboutir à des conclusions déterminées d’avance. N’en jetez plus, la coupe est pleine. A aucun moment, l’hebdomadaire ne prendra la peine de définir son thème, d’expliquer le phénomène ultra et, plus généralement le mouvement supporter dans son ensemble. Démarche volontaire afin d’orienter l’opinion du lecteur, ou réelle méconnaissance ? Entre les deux, notre cœur balance. Pas de retour aux origines du phénomène, pas ou peu d’allusion à l’évolution de la philosophie ultra, ses moyens d’expression, sa mise en place, aucun mot sur la scène à l’étranger, bref, être ultra se résumerait pour les rédacteurs dudit papier à «être généralement des fauteurs de trouble, fanatiques dévoués et inconditionnels, organisés mais parfois incontrôlables ». Chapeau ! Cette description aura fait bondir plus d’un connaisseur, et désabusé plus d’un non initié.
Désinformation, raccourcis et partialité
Comme souvent, et classiquement, les rapprochements entre violences dans et autour des stades, utilisation d’engins pyrotechniques et consommation d’alcool seront effectués par les rédacteurs. Sans préciser par là que ces faits gonflent « artificiellement » les chiffres de la délinquance en tribunes tant ils sont éloignés des vrais faits de violence qui eux, doivent naturellement être combattus. Les fumigènes font parties intégrante de la culture ultra et, plus largement de la culture supporter quelque soit la tribune, le pays, le continent. Le nier ou, omettre de le préciser est un non-sens. Depuis toujours, les supporters demandent une concertation sur le sujet, une doléance qui leur a toujours été refusée malgré des résultats encourageants constatés à l’étranger, notamment en Scandinavie. Une somme de détails que « la Bible du football » n’a pas jugé bon de préciser. Tout comme l’immobilisme le plus complet depuis l’édition du fameux « Livre vert du supporteurisme », censé symboliser des axes de réflexion sur le monde des tribunes. Et pour cause, France Football – s’il consacre une large partie de son article à parler de violence – a omis un point essentiel dans son dossier : la répression, et le refus total de dialogue de la Ligue et des pouvoirs publics avec les associations de supporters. Oubli fortuit, n’en doutons pas.
Mais qui n’est malheureusement pas isolé. Et oui, si l’hebdomadaire aime à nous parler du budget sécurité des clubs, ou à donner la parole au défenseur de la veuve et de l’orphelin cf « Il faut accepter d’être en guerre contre ces gens-là », Antoine Boutonnet (Responsable de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme), il n’est pas fait mention du rôle associatif des groupes des supporters, des quêtes de jouets organisées au moment de Noël pour les plus démunis, des collectes de denrées alimentaires pour les nécessiteux, des valeurs de respect et de travail inculquées à des jeunes désabusés, ni même – point quand même légèrement dérangeant – du rôle premier des supporters : l’art du tifo et le soutien à l’équipe, à domicile comme à l’extérieur.
L’immersion au sein du « gang des ultras »
Mais tout cela ne représente finalement pas grand-chose à côté du dernier versant du dossier censé retranscrire « L’équipée sauvage » vécu par le journaliste au moment de se déplacer avec des supporters niçois pour le match Montpellier-Nice. Une équipée réalisée – le courage étant une valeur essentielle – anonymement et à l’insu des individus concernés.
Un récit aux formules et aux moments choisis, dépeignant – généralisation oblige – les supporters tels des débiles, alcooliques et violents. La méconnaissance d’un sujet dont on ne connait ni les codes, ni les habitudes conduit inévitablement à ce genre de raccourcis… Notons par ailleurs que dans ce dangereux cortège de Niçois sanguinaires figuraient une mère et son enfant de 9 ans. Pas vraiment la frange dure de l’ex-Brigade Sud dépeinte par le journaliste en question dans son récit.
Si l’unique objectif au travers de ce dossier était une nouvelle fois de jeter un peu plus l’opprobre sur une culture et un style de vie au bord de l’asphyxie, la mission de l’un des plus grands titres de presse spécialisée est réussie. Un ensemble indigeste, basé sur du sensationnalisme, sans qu’aucun effort journalistique n’ait été réalisé en amont. Nous sommes en 2014, se farcir ce genre d’enquêtes à peine partisanes n’est plus acceptable. Et comme si avec ça, notre gros et beau gâteau n’était pas parfaitement parfait, nous avons eu droit quelques heures plus tard sur l’antenne de TMC à la belle cerise bien pulpeuse. À savoir un reportage sur le hooliganisme et les supporters. Au terme de quelques minutes, émaillées d’une somme indéchiffrable d’âneries, nous avons préféré éteindre notre télévision. Avec un profond sentiment de dégoût, et l’envie de vous dire d’être curieux, toujours, pour ne pas vous laisser duper par ceux qui font exprès de ne pas savoir.
Je dis oui !