En 3 mois, la France a appris à connaître l’OM de Bielsa. Ses marquages, ses centres, ses surnombres. Marseille a enchainé huit succès, mais à Gerland, face à la qualité de Gourcuff et Lacazette, l’OM a craqué, en continuant à produire. Le Parc constitue une épreuve encore plus dure pour cette équipe qui fatigue. Les principes de Bielsa feront-ils le poids face au talent du PSG ?
Quelle approche défensive pour l’OM face au 4-3-3 ?
Difficile de trouver dans le parcours des Phocéens cette saison, un point de repère pour anticiper leur organisation défensive pour ce « clasico ». En Ligue 1, Marseille n’a pas encore joué de 4-3-3 à pointe basse (4-1-2-3), et encore moins avec un 9 qui décroche. Le match est surtout inédit pour les hommes de Bielsa dans la mesure où ils n’ont encore abandonné la possession à aucun de leurs adversaires. Dans ce domaine, ils sont seconds au classement moyen avec 56,2% de possession, derrière Paris, 62,5%.
L’organisation la plus proche de celle de Paris, c’est à Rennes, en Coupe de la Ligue que l’OM l’a croisée. Le cœur du jeu olympien fut calqué sur celui des Bretons : 4-2-3-1 pour épouser les formes du 4-3-3 de Montanier. Positionnés devant la défense, Imbula et Lemina avaient respectivement marqué Doucouré et Konradsen, alors que Barrada (placé numéro 10), chargeait Benjamin André, pointe basse du milieu breton. Lors de leur affrontement en Ligue 1, c’était l’inverse : Habibou jouait proche de Toivonen dans un poste de 10, alors que Pajot et Fernandes jouaient relayeurs. L’OM défendait donc (par la force des choses) en 4-1-4-1, pour s’adapter à son adversaire. L’indiscipline de son marquage aurait d’ailleurs pu lui coûter cher en première mi-temps. Ce sera forcément une clé du match face au talent parisien dans le 1 contre 1 (Lucas, Pastore, Verratti…). Cela dit, Bielsa pourrait réserver une surprise.
Car l’animation est plus importante que la disposition. Et pour trouver Bielsa à l’épreuve d’une équipe qui possède (beaucoup), il faut remonter plus loin dans sa carrière. Bilbao, novembre 2011. Ce jour-là, son Athletic tient en respect le grand Barça de Guardiola (2-2). Les deux équipes offrent un superbe spectacle et les Catalans égalisent sur un cafouillage à la dernière minute. La recette ? Pressing haut sur les coups de pieds arrêtés, et marquage individuel strict.
On le sait, l’adaptation au onze adverse est un principe de base chez le technicien argentin. Un défenseur axial de plus qu’il n’y a d’attaquants en face, et du marquage partout ailleurs. Face à Barcelone, il avait laissé Llorente s’époumoner face à Mascherano et Piqué et – variante – avait aligné un triangle à pointe basse au milieu. Un 4-1-4-1 face au 4-3-3. Sur les côtés, les latéraux avaient suivi leur adversaire direct à la trace sur tout le terrain. Théoriquement, Bielsa aurait « dû » aligner un milieu en 2-1 face au milieu en 1-2 du Barça.
Quel rôle défensif pour Payet et quel pressing shape pour le milieu marseillais ? Un triangle à pointe haute calqué sur l’organisation de Paris, avec Payet sur Verratti ? Ou un triangle à pointe basse avec Payet et Imbula en individuelle sur les relayeurs parisiens, et Lemina en couverture ? À voir.
Forcément, la qualité individuelle et collective du Barça avait influé sur le choix conservateur de Bielsa à l’époque. Fera-t-il preuve de la même prudence face à Blanc que face à son inspiration numéro 1 ? Les nombreuses absences (Ayew, Morel et Romao), l’enjeu de la partie, et le fait de jouer au Parc pourraient l’y pousser. Techniquement, Cavani n’est pas Messi et, c’est surtout une (hypothétique) présence d’Ibra qui pourrait précipiter le choix d’un 6 de soutien pour la défense. Avec le suédois, Paris passerait à 2 axiaux en phase offensive (Ibra et Cavani), l’OM devrait alors faire le (sur)nombre avec une troisième tête.
Deux entraîneurs
Bielsa-Blanc, c’est un duel de contraires qui s’attirent : un entraîneur qui s’adapte tout le temps, contre un entraîneur qui ne s’adapte jamais. Un entraîneur qui réfléchit trop, contre un entraîneur qui ne réfléchit pas assez. Blanc veut le ballon et joue en 4-3-3, donc Cavani l’avaleur d’espace se retrouve parfois dans le rond central. Bielsa s’adapte à tous ses adversaires, donc N’Koulou pourrait le traquer sur tout le terrain dans ce décrochage contre-productif. Même raisonnement pour le match Mendy-Lucas, le Brésilien se trouvant dans une inconfortable position de relayeur quand Van der Wiel (en l’occurrence Aurier) prend(ra) le couloir. Iraola avait suivi Adriano jusqu’à ses déplacements intérieurs à San Mames…
Paris et l’OM sortent tous deux de prestations inquiétantes le week-end dernier, concédant chacun la bagatelle de 17 tirs. À Lorient, comme à Nicosie, Blanc s’est trouvé sans réponse face à un 4-4-2 en zone des plus basiques (13 tirs à 2 à la mi-temps !). Dans le même temps, l’OM a fini sur les rotules face au modeste RC Lens par excès d’adaptation, Bielsa reconduisant le 3-3-3-1 qui met les latéraux au contact des relayeurs adverses. Laissant N’Koulou prendre un bouillon préoccupant face au jeune Guillaume, et perturbant sa transition défense-attaque. Impossible de deviner qui sortira vainqueur, du moins dans la maitrise collective, de ce duel des extrêmes sur le plan tactique.
Les duels et le nombre
D’une façon plus basique, la clé sera tout simplement les duels. Là, la qualité individuelle bien supérieure de Paris peut faire la différence. À gauche, en souplesse par Pastore, ou plus certainement à droite, en percussion, en explosivité, et en talent par Lucas. D’autant plus que l’aile gauche de Mendy est le côté fort de l’OM en phase offensive, et que Morel ne sera pas là pour couvrir le latéral français. Le duel entre le jeune Pauliste et l’ancien Havrais pourrait bien constituer le facteur X du match. La tendance de l’OM à se projeter en nombre en phase offensive (pour réceptionner les centres de Mendy) pourrait ouvrir des boulevards à Paris en contre-attaque. On se souvient de ce rush mémorable de Lucas lors du dernier « clasico ». Le Brésilien s’est également montré très en jambes mercredi soir face à l’Apoel.
Un match dans lequel Paris s’est d’ailleurs montré tranchant en attaque rapide. La meilleure illustration de cette verticalité retrouvée du PSG est l’ouverture du score de Cavani. Quelques pa-passes puis Pastore qui décale rapidement Van der Wiel qui centre en première intention. Carlao se troue et Cavani réalise un enchaînement de haut niveau avec un défenseur (l’autre, Guilherme) sur le dos. Pardo se montre assez collaboratif mais le pragmatisme de Paris paye. Cela dit, sur cette séquence, Paris ne crée aucun surnombre et Bielsa n’aurait pas renié cette situation de 2 contre 1 dans l’axe face à l’avant-centre uruguayen. Entre Carlao et Pardo ça fait deux erreurs individuelles et c’est déjà trop. Même chose sur l’ouverture du score salvatrice de l’aller : c’est dans une situation de 1 contre 3 que Cavani réalise un enchaînement de haute volée pour créer un miracle.
Bielsa face au talent
Contrairement à ce qui pourrait se produire en 4-2-3-1 pour Paris (Et si ?…), ajouter verticalité et 4-3-3 n’offrira pas de surnombre au PSG dans la surface de l’OM. À contrario, Luiz et Silva devront dealer avec le nombre marseillais dans la boite et l’aide devra venir des latéraux et du milieu si les centres pleuvent (l’OM en produit 27 par match en moyenne). L’absence d’Ayew et de son jeu de tête se fera sentir quand ils arriveront de la droite.
Bielsa n’est pas Guardiola et il ne cherche pas le surnombre au milieu. Imbula, Verratti, Payet, Pastore sont autant d’artistes capables de créer à partir de rien. D’éliminer, de renverser et de casser les lignes. Là encore, les duels seront au cœur du débat.
L’enjeu est toujours le même quand une équipe de Bielsa rencontre le talent individuel : qu’on parle de Gourcuff en 2014 ou Michael Owen en 2002. S’il y a erreur d’un défenseur ou crise de technicité d’un attaquant, alors il y aura danger. S’il y a rigueur dans le marquage, concentration et fiabilité au duel, alors, il y aura match. Ce « clasico » est passionnant car inédit : Paris sera à l’épreuve du marquage, et l’OM sera à l’épreuve du talent.
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