Dans le troisième club de Madrid, une bataille politique se joue depuis trois mois. Celle qui oppose les Bukaneros, les ultras d’extrême gauche du club, au président du club, Martin Presa. Résultat : presque plus de chants ne résonnent dans les tribunes du stade de Vallecas.
La scène se passe lors du match de Coupe du Roi entre le Rayo Vallecano et Getafe. Les Rayistas mènent déjà 2-0 dans ce « petit derby » entre les deux équipes de la région madrilène qui n’intéressent pas le monde entier. Lass, attaquant du Rayo, sort du terrain pour être remplacé. Pour une raison que le public ignore, il en vient aux mains avec son entraîneur sur le banc de touche, avant d’être renvoyé aux vestiaires par l’arbitre sous les huées du public. Signe que quelque chose ne tourne pas rond dans le club du quartier populaire de Vallecas.
Ça fait maintenant près de trois mois que les Bukaneros, les fameux ultras d’extrême gauche du Rayo, ont décrété une grève des encouragements qu’ils suivent scrupuleusement, vêtus de noir, à chaque match à domicile – quant aux déplacements, n’y pensez même pas. Aucun chant ne part du petit virage du Campo de Futbol de Vallecas. La grève, entamée en septembre à l’occasion du match contre le Deportivo La Corogne (où nous étions), est dirigée contre les deux grands ennemis des ultras : le président du club, Martin Presa, et « El Mister » Javier Tebas, président de la Liga.
Un président à des années-lumière des valeurs du Rayo
Dans leur carnet de bord (cuaderno de bitacora), qu’ils publient sur leur page Facebook depuis le début de la grève, les Bukaneros taclent régulièrement Tebas. Ils lui reprochent des mesures, hélas trop courantes dans les stades européens, visant à restreindre la liberté des supporters. Fouilles à l’entrée des tribunes, augmentation du prix des places… tout comme les matchs programmés le lundi, contribuant à vider les stades des « petites équipes » au nom des profits des diffuseurs. Car, bien entendu, ce ne sont jamais le Real et le Barça qui jouent le lundi.
Les Bukaneros en ont surtout après leur président, Raul Martin Presa. Autour du stade, les autocollants « Presa vete ya! » (qu’on pourrait traduire par « Presa casse-toi ! ») sont partout. Il faut dire que le président est à des années-lumière des valeurs de solidarité portées par le Rayo. Son fait d’armes le plus récent ? Avoir acheté, dans l’opacité la plus totale, une franchise en North American Soccer League, plus précisément à Oklahoma City. Une décision personnelle que le club refuse de commenter, et qui a fait grincer les dents des ultras. Vu la situation financière du club du sud-est de Madrid, c’est compréhensible.
Autre exploit de Presa : avoir tenté, avant l’aventure nord-américaine, l’aventure chinoise. C’est ainsi que les maillots à la frange rouge sont affublés, comme ceux de la Real Sociedad d’ailleurs, d’un sponsor chinois du nom de Qbao. En cherchant un peu ce que faisait cette entreprise, surprise : leur page Web n’est même pas traduite en espagnol. Et même en anglais, difficile de comprendre ce que produit cette entreprise. Objectif du club : faire vendre des maillots dans ce pays, que tous les grands clubs de la planète voient comme un immense marché de 1,3 milliard de consommateurs potentiels à conquérir. Pour permettre la diffusion des matchs du Rayo dans la République populaire, le club a même acheté Zhang Chengdong, obscur footballeur chinois, pour attirer des téléspectateurs en Asie. Entre foot populaire et sport-business, la direction du club a apparemment choisi.
En attendant un changement, les Bukaneros pourront rester longtemps silencieux dans leur virage.