Pris à la gorge dès l’entame, le Bayern a vite étouffé face au pressing agressif du FC Porto de Julen Lopetegui. Au-delà de la terrible faillite de Dante et Boateng, ce surprenant Porto-Bayern était l’affrontement de deux coachs prônant le même football. Même face au Bayern, Porto a joué. Et a mieux joué.
À des niveaux différents, Pep Guardiola et Julen Lopetegui ont chacun participé au rayonnement du football espagnol ces dernières années. Le premier, par le triomphe qu’on connaît avec le Barça ; et le second en menant la génération Alcantara au titre continental U21 en 2013. Quand 2 coachs dotés de cet ADN se rencontrent ; au-delà de la garantie d’un grand spectacle, on est sûr de voir s’affronter deux équipes à la philosophie similaire.
Julen Lopetegui et Pep Guardiola. (DR)
Si Porto a gagné (la première manche de) ce « derby idéologique » en grande partie grâce à la faillite individuelle de Dante, les Portistes ont surtout mieux appliqué la « méthode » espagnole.
Si Porto a gagné, c’est parque les hommes de Lopetegui ont mieux utilisé la largeur, et mieux géré celle de l’adversaire. Les Portistes ont mieux pressé, et mieux géré le pressing adverse. Grâce à une vertu dont ils ont plus fait preuve que le Bayern : l’intelligence situationnelle. La capacité à faire le bon choix, au bon moment, selon l’attitude défensive de l’adversaire.
Intelligence situationnelle : le jeu long et la passe difficile
Sur le coup d’envoi, donné par Porto, le Bayern imprime immédiatement un gros pressing. Maicon ne peut pas jouer court, il ne s’embarrasse pas : une passe en retrait pour son gardien, un long ballon vers Brahimi, et le pressing du Bayern est annihilé.
Sur la deuxième possession de Porto, Casemiro se retrouve sous une énorme pression. En première intention, il va chercher son latéral avec son mauvais pied. Au contraire, en face, Dante et Neuer ne cherchent jamais la passe difficile et font preuve de beaucoup moins de spontanéité sur la séquence suivante.
Si le Barça de Guardiola savait faire reculer ses adversaires, c’est aussi par la qualité de son jeu long, et la capacité des Piqué, Marquez, Yaya Touré à l’utiliser à bon escient (revoir : Barça 2009 – créer le 4 contre 4 en attaque).
Porto s’est montré très agressif sans le ballon, mais Jackson Martinez était plus chargé de défendre sur Xabi Alonso, que d’attaquer les centraux. Incapable d’utiliser sa liberté pour gagner du terrain, Dante a plombé son équipe dès les premières minutes par ses mauvaises décisions et ses bavures techniques.
Le pressing et le plan défensif de Porto
Sans le ballon, Porto s’organise en 4-1-4-1. Jackson est chargé d’isoler Xabi Alonso, derrière lui, l’équipe est agressive et le bloc est haut et compact :
- verticalement : avec ligne défensive haute, et tout le monde derrière le ballon
- horizontalement : l’ailier opposé toujours au marquage du central opposé (Brahimi sur Boateng, plutôt que sur Rafinha, si le ballon est chez Dante). Ce plan était d’ailleurs presque une « isolation » de Boateng, visant à faire aller le ballon chez Dante, joueur le plus servi par Neuer.
De la liberté pour un central, et un bloc qui coulisse intelligemment pour charger l’autre défenseur. (imgflip)
Le plan de Porto était à la fois prudent – étant donné la relative liberté des centraux bavarois – et audacieux, vu la hauteur du bloc. Quand le Bayern a réussi à casser la première ligne de pressing, les joueurs de Lopetegui ont su fermer la liaison entre le milieu et l’attaque allemande en coulissant, et en s’échangeant parfaitement les marquages (voir vidéo suivante).
Au milieu de terrain, le pressing était maximal, et ces couvertures se devaient d’être parfaitement assurées. La relative liberté laissée au central qui avait le ballon, n’était qu’un leurre : grâce à un jaillissement bien senti de Quaresma, Dante commet l’erreur fatale et Porto mène 2-0 après 9 minutes de jeu.
Il n’était pas rare de voir Danilo ou Alex Sandro venir couvrir Quaresma, Herrera, Oliver ou Brahimi. Le Bayern forcé à jouer en retrait, laissait le temps au bloc portugais de se reformer. Sur ce point, l’absence de purs ailiers (Ribery et Robben blessés) a particulièrement pénalisé les Bavarois. Le marquage de Götze, qui se déplaçait sur la largeur, était échangé entre Casemiro (6) Danilo (arrière droit) ou Alex Sandro (arrière gauche) selon le schéma ci-dessous.
Le marquage de Matio Götze, échangé entre Casemiro et les 2 latéraux de Porto. (imgflip)
Derrière, Muller et Lewandowski était bien seuls face à la défense à 4 du FCP. Les latéraux Danilo et Alex Sandro, disciplinés et prêts à resserrer dans l’axe, étaient comme 2 libéros dans cette double supériorité numérique.
La largeur, ennemie du losange
Après ce début de match catastrophique, le Bayern va logiquement prendre le contrôle du ballon, Porto appliquant plus bas sur le terrain, son plan défensif initial, en profitant du double surnombre derrière.
Parfaitement marqué par Herrera, Thiago Alcantara aurait pu, ou dû, être le joueur clef du 4-3-1-2 de Guardiola. La réduction du score viendra d’un dribble casseur de ligne de l’Espagnol, mais la discipline défensive de Porto empêchera cette situation de se reproduire.
Organisé dans un système à 2 attaquants, les Bavarois n’ont jamais gêné Porto en utilisant la largeur. Défensivement, ils ont également manqué de latitude, ce qui a permis à Porto de se créer une énorme occasion par Herrera sur un centre de Danilo, puis à Alex Sandro de trouver Jackson pour sur le troisième but.
Lewandowski et Muller devaient – en théorie – défendre sur les latéraux de Porto. Le troisième but résume bien les failles du Bayern, et le visage tactique du match : Lewandowski est légèrement en retard sur Alex Sandro ; le latéral portiste utilise intelligemment le jeu long et Boateng commet une énorme bévue. Une séquence qui interroge aussi sur la ligne basse du Bayern, qui n’aura fait concéder qu’un seul hors-jeu à Porto.
Pour Guardiola, ce 4-3-1-2 est incontestablement un échec, et la pluie de blessures qui s’abat sur le Bayern s’est payée très cher.
On ne peut pas reprocher au Catalan de ne pas avoir diagnostiqué les limites techniques de Dante. Depuis le début de son mandat, Alaba, Benatia, Javi Martinez et Badstuber ont brillé à son poste. Privé de chacune de ces alternatives (Badstuber sur le banc, mais trop court physiquement), le Barcelonais a peut-être vu partir en fumée le fruit de ses expériences.
Si ce système a totalement échoué, les absences de Robben et Ribery – en plus de celles citées plus haut – ont précipité sa mise en place.
Combattre le jeu par le jeu (et la rigueur)
Avec 7 joueurs latino-américains, le FC Porto ressemble à un vainqueur de la Copa Libertadores, invité en Ligue des Champions.
Doté d’une équipe très talentueuse, Julen Lopetegui a créé un collectif ultra-compétitif. Oliver Torres est sûrement le meilleur exemple de cette jeunesse dorée que le coach espagnol a su discipliner, proposant au Bayern un plan défensif sans faille, en plus d’être incroyablement audacieux.
Opposé à un des gros favoris du tournoi, Lopetegui n’a pas renié ses idées, et a défié Pep sur son terrain : celui du jeu.
Quand les Portistes ont reculé, la discipline des marquages et le surnombre du back4 sur Lewandowski et Müller ont fait prendre confiance à Martins Indi et Maicon, bien couverts par Danilo et Alex Sandro, qui n’ont pourtant pas le pedigree d’Arbeloa et Zabaleta sur le plan défensif. Le talent au service de la discipline. Ou l’inverse…
Porto devra confirmer cet avantage au retour, malgré la pléiade de suspendus (notamment ses 2 latéraux) pour valider un nouveau rendez-vous avec l’Histoire, 11 ans après son dernier sacre… Dans un style totalement différent.
Victor