Proche de s’engager avec l’OM début juillet pour 4,5 millions d’euros, le transfert n’aura finalement pas lieu. Le joueur de São Paulo FC était disposé à partir mais l’accord n’a pas été trouvé avec le fond d’investissement propriétaire de ses droits. Lui, c’est Paulo Miranda. Le natif de Castro au Brésil est inconnu dans l’Hexagone. L’occasion pour nous de vous présenter ce talent, son parcours atypique et ce qu’il aurait pu apporter à la défense olympienne à quelques heures du clasico.
Né le 16 août 1988 à Castro, Paulo Miranda a connu une enfance difficile comme il le déclarait à son arrivée au « Tricolor » (surnom du club de São Paulo) : « Il était très compliqué pour moi d’avoir une paire de chaussures de foot à l’époque où j’étais encore un enfant ». Issu d’une famille modeste, Paulo Miranda a aussi perdu son père dès l’âge de 11 ans. « Cela a été une épreuve très dure à surmonter » confie-t-il. Sa carrière démarre chez les jeunes à Iraty lors de la saison 2007-2008. Défenseur central de formation, il est ensuite transféré au Desportivo Brasil, toujours en catégorie jeune où il reste trois saisons. Lors de la première, il est prêté à Palmeiras, autre grand club de Sao Paulo, avec lequel il disputera seulement deux matchs. Par la suite, ce sera la traversée du désert. Paulo Miranda revient au Desportivo Brasil lors de la saison 2009-2010 mais son entraîneur de l’époque ne lui fera jamais confiance. Il ne disputera pas un seul match avec l’équipe première ! L’année d’après, il est de nouveau prêté à Oeste, club qui va le révéler. Le Brésilien s’impose en tant que titulaire, dispute 41 matchs et inscrit même le premier but de sa carrière chez les professionnels en compétition officielle. Cette saison réussie à Oeste attire l’attention des grands clubs du pays et c’est l‘Esporte club Bahia qui s’offre les services du défenseur. Sous ses nouvelles couleurs, Paulo Miranda est titulaire. Dur sur l’homme et à l’aise dans le jeu aérien du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, il dispute 31 matchs et s’impose définitivement. Sao Paulo FC est le premier club à manifester son intérêt et c’est donc logiquement que Miranda rejoint le club soberano.
L’explosion au « Tricolor »
En arrivant du côté du Morumbi, Paulo Miranda n’oublie pas pour autant les galères de ses premières saisons en professionnel. « C’était très dur pour arriver jusqu’ici et vous pouvez être sûr que mon dévouement sera énorme pour honorer ce maillot » annonce-t-il. Dès les premiers matchs, il montre qu’il déborde d’envie. Parfois même un peu trop, à la limite du correct. La polyvalence, voilà un autre de ses atouts. Sérieux, solide, le défenseur confirme avec l’équipe paulista. Au bout de six mois, c’est la consécration ! Il remporte la Copa Sudamericana 2012, l’équivalent de l’Europa League, et le prix Lance (quotidien sportif brésilien) du meilleur arrière droit du championnat brésilien. L’Europe lui fait les yeux doux dès le mercato hivernal, et après avoir envisagé un départ, il renouvelle finalement son contrat qui se terminait à la fin de l’année. Collectivement, cet opus 2013 est un échec pour Miranda. Sur le plan personnel, c’est autre chose, il a su s’imposer et pérenniser sa place de titulaire dans un groupe doté de talents au milieu des Ganso, Luis Fabiano ou encore Jadson. Mais son fort potentiel ainsi que sa régularité lui auraient-ils permis de s’imposer à l’OM ? Rien n’est moins sûr.
L’investissement sud-américain, un pari risqué
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte, au-delà de la valeur intrinsèque de Paulo Miranda. L’adaptation est probablement la donnée la plus importante de l’équation. Quitter le cocon brésilien et tout ce que cela implique (langue, famille, culture … et samba) pour débarquer sur des pelouses à la limite du praticable en moyenne six mois par an, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Les Sud-Américains ayant déjà tenté l’expérience du rêve européen sont légion, et le bilan est souvent mitigé, voire mauvais. Prenons l’exemple de Lucas Moura, ancien coéquipier de Miranda à São Paulo. Aussi talentueux soit-il, le Brésilien du PSG commence seulement à prendre ses marques en France, après presque un an de présence dans notre bonne vieille Ligue 1. On l’a souvent vu perdu sur nos pelouses, ne trouvant pas ses marques, comme à la recherche d’un drapeau « Ordem e Progresso » en tribune. Au rayon des flops de ces dernières années, il y a aussi un certain André Felipe Ribeiro Souza, pépite brésilienne reléguée au rang de remplaçant du remplaçant en six mois à Bordeaux. Arrivée dans la peau d’un cador sur les bords de Gironde en 2010 et ce malgré son jeune âge, il n’aura fallu que 8 matchs et 0 but à André pour valider son retour au Brésil. Même si certains s’en sont parfaitement sortis, à l’image de Cris à Lyon, la liste des fantômes sud-américains passés par la Ligue 1 est longue, très longue. Nous aurions pu vous parler d’un autre défenseur, Cleber Anderson, mais en football, certaines choses ne se font pas. Autre détail qui a son importance, le style de jeu européen, et plus particulièrement français. Certes, notre championnat est souvent décrié pour son manque de spectacle et d’attractivité (si on occulte nos deux multinationales de la capitale et du Rocher), mais ce n’est pas une légende, les défenses sont loin d’être à la ramasse. Même s’il est difficile pour nos clubs de rivaliser sur la scène européenne avec les monstres sacrés, on ne peut pas nier le fait qu’être formé au poste de défenseur en France, c’est l’assurance d’un certain savoir-faire. Alors oui, quand on débarque d’un pays où le terme footballeur ne s’applique qu’aux joueurs à partir du milieu de terrain, l’organisation et la rigueur peuvent poser problème.
La défense marseillaise est à l’image du groupe, imprévisible et irrégulière. Suite aux gros investissements réalisés cet été avec entre autres les arrivées de Florian Thauvin et de Dimitri Payet, il est clair que le recrutement d’un défenseur n’était pas une priorité. Le secteur est déjà bien fourni avec trois défenseurs centraux (Diawara, Mendes, Nkoulou) et Rod Fanni, capable d’évoluer aussi bien dans l’axe qu’à droite. Dans ce contexte, l’arrivée de Paulo Miranda à l’OM aurait causé de nouveaux maux de tête à Elie Baup, même si on a coutume d’appeler cela des « problèmes de riches ». Problèmes de riches, certes, mais problèmes quand même. Après un début de saison compliqué, Nicolas Nkoulou retrouve le niveau qui est le sien et reste l’élément indéboulonnable de la charnière défensive phocéenne. À ses côtés, Souleymane Diawara est revenu en force après une année blanche la saison dernière. Avant sa blessure qui l’a écarté des pelouses pendant un mois, le Sénégalais a montré un visage plus que séduisant, digne du niveau qu’il avait lors du titre en 2010. Une fois Souley blessé lors de la 4e journée face à Monaco, Lucas Mendes s’est à son tour illustré dès son entrée en jeu face au club de la Principauté, avec un but à la clé. Depuis, le Brésilien qui ne sourit jamais s’est de nouveau installé dans la peau d’un titulaire, et Baup semble satisfait. Cela nous donne donc un Nicolas Nkoulou intouchable, et deux hommes que sont Diawara et Mendes pour le poste de deuxième défenseur central. Sachant par ailleurs que Diawara ne compte pas rester longtemps remplaçant, et oui, il a toujours eu les dents longues le Souley. Mendes, lui, joue tranquillement en se gardant bien de laisser paraitre la moindre émotion. Dans ce contexte, que faire de Miranda ? Baup aurait pris le pari de le faire jouer, en laissant deux titulaires en puissance sur le banc ? Quasi impossible. Seul un départ aurait permis au Brésilien de signer, et peut-être de s’imposer. Miranda peut jouer à droite, très bien, et quid de Rod Fanni ? Malgré son irrégularité, l’ancien Rennais est un cadre, aussi bien sur la pelouse que dans le vestiaire. De plus, son retour en Equipe de France parle pour lui, sans être flamboyant, Rod reste une valeur sûre du championnat.
Après ce petit tour d’horizon, on est donc tenté de dire que l’OM a fait le bon choix en ne recrutant pas ce joueur méconnu, même s’il présente des caractéristiques intéressantes. Les finances marseillaises sont de nouveau saines (parait-il) et Baup dispose d’un groupe capable de jouer les premiers rôles en championnat, pas de quoi s’affoler… Pour le moment.
Par Bastien Poupat et Thomas Mekhiche