Paul-Bastien Lasne, formé à Bordeaux, a effectué ses premières apparitions en Ligue 1 avec Ajaccio cette saison. Le milieu acéiste revient pour La Grinta sur l’incroyable sauvetage de son équipe en Ligue 1 et évoque les exploits du football corse et ses récentes affaires médiatiques.
Paul, c’est incroyable le maintien de l’ACA alors que vous comptiez jusqu’à 15 points de retard sur Caen qui est aujourd’hui relégué. Comment l’expliquez-vous ?
Paul-Bastien Lasne : On sait que dans le football, il y a une part d’inexplicable. C’est ce qui fait la magie de ce sport. Après c’est sûr qu’au sein de notre effectif, on n’a pas les meilleurs joueurs du championnat. Mais on a un état d’esprit qui nous permet de renverser des montagnes ! Déjà, on l’a fait l’année dernière en montant de Ligue 2 en Ligue 1 et cette année on l’a encore prouvé lorsque beaucoup nous condamnait à la relégation. On a réussi à se maintenir parce que l’on croyait en notre force collective et ça a payé.
Le président Alain Orsoni a eu une absence pour des raisons personnelles ( ndlr : grève de la faim), finalement cela n’a pas eu d’impact…
P.L. : Non, on savait quel était son message puisqu’il venait souvent dans les vestiaires pour faire passer ses ambitions. Nous, on connaissait notre tâche et on savait quoi faire pour rester à la lutte et se battre jusqu’au bout pour décrocher ce maintien. C’est sûr que le président nous a soutenu surtout pour la fin de championnat parce que physiquement on était un peu éprouvé. Il a réussi à nous booster mentalement pour nous permettre d’arracher sur les derniers matchs des points importants notamment contre Lyon à domicile et surtout gagner à Toulouse le dernier match.
Toi qui évolue depuis deux saisons en Corse, est-ce que c’est plus chaud d’aller jouer là-bas qu’ailleurs ?
P.L. : Il y a la fierté insulaire qu’on ne peut pas renier, c’est sûr. Quand on arrive là-bas, il y a tout de suite un sentiment d’appartenance à un club et à des terres. que l’on défend. C’est vrai que la Corse, c’est une région de France un peu à part, c’est pour ça qu’on l’appelle « un pays ». Il y a vraiment des valeurs que l’on ne ressent pas forcément dans tous les clubs du continent. Dès que je suis arrivé à Ajaccio, j’ai senti tout de suite le devoir que nous les joueurs avons de représenter le maillot, l’écusson. Même si la Corse n’a pas le budget de certains et même de tous les clubs de France ce n’est pas pour rien qu’il y a l’AC Ajaccio et Bastia en Ligue 1 et le Gazélec en Ligue 2. Il y a quand même 3 clubs professionnels pour une population de 300000 habitants et quand on compare avec la région parisienne qui compte dix millions d’habitants : on a le Paris-Saint-Germain en Ligue 1 et juste le Red Star et le Paris FC en National ! C’est ce sentiment d’appartenance qui nous a permis de soulever des montagnes.
Tu parles du sentiment d’appartenance, est-ce qu’un joueur qui n’est pas d’origine corse, comme toi, arrive à s’imprégner de cet aspect identitaire ?
P.L. : Et oui justement, c’est ce qui fait la différence. Les joueurs issus de l’Île transmettent les valeurs qui sont les leurs aux joueurs qui arrivent. C’est ce qui permet à un groupe de joueurs de naître et de travailler ensemble. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de collectifs qui s’en sont sortis avec 8 ou 9 points de retard à la trêve et en terminant 16e du championnat sans bonne osmose. Les joueurs corses ont tout fait pour intégrer les « continentaux » dans les meilleures conditions et c’est pour cela que ça a marché. Sinon, c’est clair qu’on serait en Ligue 2 depuis longtemps.
Du coup l’année prochaine c’est le retour du derby contre Bastia ! Vous en parlez un peu déjà entre vous, ou vous récupérez de cette saison éprouvante ?
P.L. : Non, non… on est parti en vacances (rires) ! On en a pas parlé mais on en aura le temps à la reprise. Cela reste un match à part et puis il y a toujours de la tension dans ce genre de matchs. Que ce soit à Bastia ou à Ajaccio, on hâte de le jouer parce que ça reste gravé dans les mémoires.
Des polémiques ont entaché les exploits du football insulaire. Est-ce que les Corses sont plus racistes qu’ailleurs et à l’inverse est ce que t’as ressenti un racisme anti-corse ?
P. L. : Moi je n’ai pas ressenti de racisme. On ne m’a jamais traité de « continental » ou de « non-corse ». J’ai été très bien reçu et les Corses sont des gens très charmant. Il faut arrêter avec les clichés et les préjugés. On n’aurait pas pu se maintenir, d’ailleurs dans notre équipe on n’a pas tant de joueurs corses que cela… 4 ou 5 et on a un effectif de 25 joueurs. Par contre, je ne sais pas si la Ligue de Football Professionnel a quelque chose contre les clubs corses. Mais, c’est vrai que depuis plusieurs saisons on sent que ça les dérange un peu que l’on soit à ce niveau. Je ne vais pas rentrer dans les détails et ce n’est pas à moi de le faire mais j’espère que les choses changeront parce que les préjugés d’il y a vingt ans doivent cesser. On est souvent handicapé pendant les matchs à cause de ça et on mérite d’être là où l’on est, c’est entièrement sportif.
A titre personnel, tu as été l’un des éléments majeurs de la montée en Ligue 1 l’an dernier et cette année tu as moins joué…
P.L. : C’est vrai que l’année dernière j’ai eu plus de temps de jeu, notamment en tant que titulaire. Cette année à un moment où le club était quasiment condamné, le coach (ndlr: Olivier Pantaloni) a fait une équipe qui a bien marché et dont il a été satisfait. Donc c’est vrai qu’il a eu du mal ensuite à en changer et ça a été la même ossature pendant tout le reste de la saison. Du coup, ça a été difficile pour moi de reprendre une place de titulaire. Bon, j’ai quand même 27 matchs cette saison, 13 en tant que titulaire. J’ai quand même grappillé du temps de jeu. Ce qui compte avant tout c ‘était le maintien de l’équipe. Il y a une deuxième saison en Ligue 1 et j’espère que celle-ci sera plus fructueuse pour moi au niveau du temps de jeu pour me montrer et aider le club.
Tu as de bons rapports avec Olivier Pantaloni ?
P.L. : Ils ne sont pas mauvais en tout cas. Il n’y a aucun souci avec le coach. Je peux discuter avec lui dans son bureau, je sais qu’il ne me fermera pas la porte au contraire il est prêt à discuter. Après il fait ses choix, évidemment moi je préférerais tout le temps jouer. C’est sûr que c’est frustrant et l’on pourrait en vouloir au coach mais il faut d’abord s’en prendre à soi-même et faire aussi le maximum à l’entrainement. Moi, j’estime que j’ai rien à me reprocher mais bon après l’entraîneur fait ses choix. Je n’ai aucune amertume envers monsieur Pantaloni et il sait qu’il peut compter sur moi et je sais qu’il me fait confiance en de toute façon.
Tu seras toujours acéiste la saison prochaine, alors ?
P.L. : On ne sait pas de quoi le football est fait. A priori oui, il me reste deux ans de contrat. Je devrais en tout cas reprendre avec eux le 2 juillet et poursuivre cette aventure avec l’ACA une saison de plus !
Tu as été formé aux Girondins, ton départ ne s’est sans doute pas déroulé comme tu l’aurais voulu. Penses-tu y revenir un jour ?
P.L. : Ce n’est pas dans mes intentions, non. Après, le cours de la vie est imprévisible mais ce n’est pas dans mes intentions. Ce n’est pas une ambition personnelle que j’ai. Ils m’ont libéré un peu assez facilement, pour ne pas employer de mauvais terme. J’ai un peu d’orgueil et je ne sais pas si je reviendrai dans ce club.
Propos recueillis par AV