Le match de Coupe d’Italie entre San Remo et Imperia (1-2) a été émaillé d’incidents pour le retour de ce derby de Ligurie. Des supporters niçois ont fait le déplacement, pour certains ex-membres de la Brigade Sud de Nice (BSN), eux qui entretiennent une vieille amitié avec leurs homologues d’Imperia. Les Niçois accusent les carabiniers de violences aggravées et gratuites à leur encontre. Pascal, 41 ans et présent en Italie, affirme n’avoir « jamais vu ça ». Cet habitué des déplacements nous livre sa version des faits.
Que s’est-il passé ce week-end lors du match San Remo-Imperia en Coupe d’Italie ?
Pascal : Nous sommes jumelés avec nos amis d’Imperia depuis plus de 25 ans. C’était le retour du derby San Remo-Imperia qui n’avait plus eu lieu depuis un moment du fait des liquidations judiciaires de ces clubs. Forcément, qui dit derby dit « on va aller voir nos amis d’Imperia ». Nous étions partis à huit voitures de Nice en direction de San Remo. Nous sommes arrivés en cortège jusqu’au stade. Déjà, là, il y avait une très mauvaise organisation de la police locale. Le stade se situe en plus devant l’artère principale de la ville de San Remo, ce qui a créé beaucoup d’embouteillages. On arrive devant le stade avec des supporters de San Remo qui étaient un peu plus haut, encadrés par des policiers italiens avec des barres de fer, des cagoules… Je me suis dit : « l’accueil va être sympa » ! Nous rejoignons nos amis d’Imperia du côté de la tribune Est, du côté du secteur réservé aux visiteurs.
Quand ils ont ouvert les grilles, nous sommes rentrés. Cela fait une sorte de virage (voir vidéo), le secteur des visiteurs et celui des ultras de San Remo (tribune latérale) sont juste séparés par deux grilles. C’est parti, ils ont commencé à nous balancer des fumigènes. Il y a une bombe agricole qui a explosé, on le voit bien dans la vidéo, je ne sais pas si elle a été tirée de notre côté ou du leur. Mes collègues sont montés sur le grillage – c’est un derby – avec les provocations habituelles. C’était une tribune à deux étages, il y a le bas et le haut. Et sur le haut, il y avait une sorte de grand grillage que certains ont réussi à ouvrir en mettant des coups de pied pour s’introduire de l’autre côté sur un terrain synthétique. Avec les provocations de chaque côté, les mecs sont sortis et ont voulu se mettre sur la gueule (sic) un peu plus loin. Les policiers ont été totalement débordés. C’était un bordel ! De là, ils ont commencé à lancer des bombes lacrymogènes pour séparer les deux camps, tout le monde est retourné dans son coin. Et puis le match a commencé. Il a été engagé, victoire d’Imperia là-bas 2-1. L’après-match, tout le monde allait pour sortir tranquillement en rejoignant le corridor d’accès, un couloir entre deux murs. Là, les forces de l’ordre nous annonce qu’on va relever nos identités et nous prendre en photo. Ils ont fait partir nos amis d’Imperia en premier et les 3-4 filles niçoises qui étaient avec nous. Ils nous ont mis de côté. Je pensais qu’ils allaient prendre notre identité, on était calme, et en fait ils ont voulu nous faire payer ce qu’il s’est passé au début du match.
Comment se sont déroulés selon vous les événements ?
Petit rappel, cela a été dit dans les quotidiens de San Remo, le jour du match il y avait dans les tribunes le maire de la ville qui venait voir jouer l’équipe pour le renouveau du club. Il y avait aussi Sturaro, joueur de la Juventus Turin, né et formé à San Remo. Je vais pour m’avancer et puis il y a un carabinier qui s’adresse à celui qui avait mis plus ou moins le bordel. Il lui fait : « viens voir, viens voir » [il imite un accent italien]. Notre collègue avec un peu de zèle s’avance, le carabinier le prend directement par le bras et l’amène vers eux. Nous, on bouge et réagit en demandant : « qu’est-ce que vous faites ? ». De suite, c’est le matraquage à outrance. On en a pris plein la gueule ! Une haine totale ! Ils n’ont pas cherché à comprendre. Très vite nous sommes tombés au sol les uns sur les autres vu la pluie de coups que nous avons pris. Au sol ils se sont défoulés sur nous, on aurait dit des animaux ! D’où les photos (voir ci-dessous) que j’ai prises à l’hôpital. Ils gueulaient, j’ai entendu : « Ils feront moins les malins les Niçois, bastardi ! ». Une trentaine de carabiniers costauds casqués, matraque à la main, bouclier de protection, hyper-protégé au niveau des jambes et des bras face à des Niçois avec leurs drapeaux, sans rien. On n’a pas retrouvé une arme ou quoi que ce soit. Les tifosi d’Imperia n’avaient pas de battes de baseball contrairement à ce qui a été rapporté en Italie.
Photo de plusieurs supporters niçois blessés. (DR)
On a eu quelqu’un sur le carreau qui était en arrêt cardiaque, il a mangé. J’étais au sol, je voyais ça, c’était une horreur. Ils nous mettaient des coups de pied au cul (sic) en criant : « levez-vous, levez-vous espèce de pédés de français ». C’était vraiment prémédité, c’était voulu pour nous faire payer. Je ne comprends pas comment la commissaire a pu laisser faire cela, parce qu’il y a eu des ordres qui ont été donnés, ce n’est pas possible ! Cela fait longtemps que je fais des déplacements en France et en Italie, je n’ai jamais vu ça. On a voulu casser du Niçois, vraiment ! On était en sang. On a demandé à appeler une ambulance pour notre collègue qui était en train de crever, les flics ne bougeaient même pas ! ils ont appelé l’ambulance qui est arrivée quelques minutes après. Pendant ce temps, nous étions choqués et groggy. Une fois la haine passée, ces gens-là sont redevenus des gens normaux. « Vous voulez un mouchoir ? Asseyez-vous là ! ». Comme s’il ne s’était rien passé ! Et on savait qu’on ne pouvait rien faire, que ça allait aggraver notre cas. On a pris les photos, on a leurs visages. On s’est dit qu’on portera plainte une fois rentrés à Nice.
Le supporter que les carabiniers sont venus chercher, est-ce la personne accusée d’avoir arraché un lavabo dans les toilettes et de l’avoir lancé selon nos confrères italiens de Liguria Notizie ?
Pascal : C’est lui, oui. Il était de chez nous, c’est sûr, et particulièrement excité. À un moment, je lui ai dit de redescendre du grillage. Mais c’est des insultes de grillage à grillage, comme tu peux en avoir dans tous les stades. En plus, c’était un derby, donc avec un peu plus de ferveur. Il est passé en comparution immédiate, il a pris 5 ans d’interdiction de stade en Italie.
Toujours selon les médias locaux italiens, il y a un mineur niçois de 16 ans qui est accusé d’avoir porté des coups de ceinture à un représentant des forces de l’ordre.
Pascal : On n’a pas touché un carabinier. On sait très bien que si on en touche, de suite on va passer une soirée cauchemar en Italie alors que le lendemain certains travaillaient. La plupart des gars de chez nous, il y avait quelques anciens dont moi plus quelques jeunes qui étaient là pour faire la fête. Puis quelques excités, ceux-là c’est une minorité, c’est à dire deux-trois qui voulaient un peu s’embrouiller. Sinon, il n’y a strictement rien. D’autre part, je tenais à dire que du côté de San Remo, il n’y a eu aucune interpellation (le club a d’ailleurs publié un communiqué dénonçant le « comportement des supporters visiteurs », ndlr). Alors que c’est eux qui nous balancent des projectiles, la vidéo le montre bien. Les flics se plaignent qu’il y aurait eu 9 blessés, un coup de ceinture, etc. Moi, j’ai vu des agents avec la visière, et dans ces situations ils la mettent, je ne vois pas comment il aurait pu prendre un coup de ceinture avec ses protections. Selon moi, ce sont des affabulations. D’après ma version, ils savent qu’ils ont fait une bavure. La preuve, un carabinier qui n’avait rien a dit à un médecin de la Croix Rouge d’Imperia : « J’ai reçu un coup là, j’ai reçu un coup là » et ils ont rigolé ensemble. Mes collègues qui étaient hospitalisés me l »ont rapporté, ils étaient tous à l’hopital avec nous en train de regarder la vidéo qu’ils ont fait quand ils nous ont lâchement matraqués et ils rigolaient tous. Les carabiniers ont été pris en priorité alors qu’ils n’avaient strictement rien, on n’a pas donné un coup ! Et mon collègue, alors qu’il agonisait dans son sang, a été pris en charge à partir de 5 heures du matin. Un truc de dingue ! Ils ont eu des ITT (incapacités temporaire de travail, ndlr). Ils essaient de nous faire passer pour des hooligans, c’est l’inverse qui s’est produit.
Quel est le bilan des blessés parmi vous ?
Pascal : Hospitalisation de deux Niçois sur place. Un pour problème cardiaque, fracture des côtes et du bassin, perte prolongée de connaissance. L’autre pour traumatisme et plaies importantes.
Vous allez donc donner une suite judiciaire à cette affaire ?
Pascal : Il y a un dépôt de plainte pour violences aggravées en réunion, pour coups et blessures volontaires par agent assermenté, plainte pour discrimination et abus de faiblesse et une plainte pour abus de pouvoir.
Propos recueillis par Adrien Verrecchia