Revenu en Serie A l’année dernière dans un relatif anonymat de ce coté-ci des Alpes, L’US Città di Palermo s’y est tranquillement maintenu en terminant l’exercice 2014-2015 à une honorable 11e place. Une position dans le ventre mou de la compétition – ni trop près des relégables, pas assez des places européennes – qui symbolise parfaitement les questions qui se posent autour des futures ambitions des rosanero : Palerme est-elle condamnée à brûler, où franchira-t-elle le palier qui permettra à son équipe de regarder vers le haut ?
Alors que la préparation estivale bat son plein en ce mois de juillet pour la plupart des équipes, c’est sous le climat clément de la ville de Temù , dans le nord de l’Italie, que les Palermitains prennent leur temps pour se débarrasser des Grecs de Kalloni en amical, 2-0. Andrea Belotti y va de son but magnifique à la 72e. Beppe Iachini est un homme heureux. Il est fort probable que sous sa casquette, l’entraîneur de Palerme savoure… l’instant présent. Le technicien, qui a fait remonter le club en Serie A la saison dernière et l’y a maintenu après une campagne de Seie B 2013-2014 qui a vu le club marquer l’histoire de la division en y battant le record de nombre de points obtenus dans son format actuel, peut se targuer d’un exploit : Voilà maintenant presque deux ans qu’il s’est assis sur le banc rose et noir suite à l’éphémère expérience Gennaro Gattuso, en septembre 2013. Iachini en a conscience : tout va très vite dans le football, et particulièrement à Palerme.
Mais l’entraîneur italien est expérimenté et mène jusque-là sa barque avec dextérité. Les résultats de la saison dernière ont laissé entrevoir un vrai potentiel de croissance du coté des Siciliens, qui semblent travailler dans une atmosphère relativement sereine. L’avenir sportif de l’Unione Sportiva ? Comme l’a déclaré à La Repubblica le coach palermitain dès son premier jour de retraite estival en Lombardie, la saison sera difficile. Son souhait ? Pouvoir partir du bon pied , en procédant par pallier, en allant chercher, dans un premier temps, les 40 points, avant de « faire mieux ». Sa relation avec le président ? « Zamparini sait comment nous travaillons, nous sommes ensemble depuis deux ans et nous espérons faire encore mieux que la saison passée, j’ai la confiance du président ». Des déclarations habiles, de la part d’un homme que se sait courtisé mais qui n’hésite pas à afficher son dévouement à la cause du football rose et noir à qui il apporte des résultats. Un statu quo qui fait profiter Palerme d’une étonnante stabilité. Question : jusqu’à quand ?
Ma mère est italienne
Car pour franchir ce fameux palier et ne pas déclencher un nouveau vent de folie palermitain, le chantier sportif est conséquent. Après le départ de « l’étoile de Palerme », Paulo Dybala, vendu pour 32 millions (plus bonus) à la Juventus après avoir mené le front de l’attaque sicilienne ces trois dernières années, les tifosi scrutent le mercato rosanero avec une certaine nervosité, légèrement estompée par les résultats positifs des derniers matchs amicaux, aussi probant qu’ils soient. Avec une difficulté supplémentaire : le montant du transfert de l’attaquant au triple passeport, dont une bonne partie aura servi à combler les déficits structurels du club la saison passée, ne pourra pas être totalement réinjecté. Il va donc falloir être malin. Une spécialité sicilienne ces dernières années, avec une stratégie d’achat dans les championnats sud-américains, d’acclimatation et de post-formation rodée. Avant la revente à des clubs plus hupés : « Les jeunes italiens ne jouent plus dans la rue, il y en a peu de qualité et ils coûtent trop cher. Le marché sud-américain est moins restrictif. Désormais, Palerme s’est fait un nom et les jeunes de ces pays veulent venir jouer ici avant de partir au PSG ou à Chelsea. » Du Zamparini dans le texte, entre autres envolées, lors d’une rencontre organisée avec des étudiants à l’université de la cité insulaire.
Car le but – du moins sportif- c’est bel et bien de trouver ce je-ne-sais-quoi de talent pour sublimer une équipe qui, comme tout le monde s’accorde à le dire, est intéressante et compte quelques joueurs de qualité. Avec, en tête, le duo Vazquez-Belotti. Le premier, milieu offensif technique italo- argentin dont la convocation avec la Squadra Azzurra, en mars dernier, avait suscité une énième polémique au sujet des oriundi (étranger d’origine italienne), est l’ancien numéro 10 du club de Belgrano, en Argentine, et appartient à Palerme depuis quelques saisons déjà. Le second est un attaquant polyvalent, jeune international espoir italien, régulièrement appelé à jouer avec les rosanero depuis sa venue d’Albinoleffe, il y a deux ans, et qui suscite un intérêt croissant. La coppia affine d’ores et déjà ses automatismes pour la saison à venir, en attendant la venue de la prochaine pépite, qui pourrait être l’attaquant de Boca Juniors, Jonathan Calleri. Le tout est soutenu par un groupe de quelques solides joueurs, comme l’expérimenté gardien Stefano Sorrentino, le défenseur Roberto Vitiello ou encore le milieu défensif Luca Rigoni, renforcé pour le moment par la venue de l’ex-Montpelliérain El-Kaoutari et de quelques paris comme Aleksandar Trajkovski. Les bonnes surprises pourraient également venir des promesses du centre de formation, comme le jeune ailier Accursio Bentivegna, l’imposant défenseur Davide Monteleone ou encore le gardien Fabrizio Alastra. Tout n’est pas perdu, il y a de quoi faire, donc.
Les fous de Palerme
Mais ce relatif potentiel ne pourrait éclore à la sicilienne sans une dramaturgie à la hauteur. Celle-ci se développe en deux points et prend la forme d’un pile ou face qui donne tout son suspens quant au futur du club palermitain. Oui, Renzo Barbera-La Favorita, pourrait être abandonné. La dernière rénovation de la plupart des stades en Italie, au coeur des problèmes de son football, date des années 1990 à l’occasion de la Coupe du monde transalpine. Récemment, le Calcio s’est donc découvert un nouveau modèle : celui du Juventus Stadium. Et si la Juve a fait plaisir à ses nombreux supporters sur le terrain cette année, la Botte est sous le charme de son enceinte dont la modernité et le taux de remplissage sont des succès porteurs de belles promesses économiques. Qu’à celà ne tienne : le président du club rose et noir veut son nouveau stade de Palerme (en parallèle avec autre projet concernant un nouveau centre d’entrainement), fruit du labeur d’ architectes dont l’un deux n’est autre que le père de celui du nouveau stade de Turin, Gino Zavanella. Un objectif vital pour le club et pour sa capacité à aller tutoyer l’Europe dans les années à venir. Les plans de celui-ci seraient prêts depuis 2011, mais il fait maintenant figure d’arlésienne. Entre accords et désaccords, respect de la loi et lenteur administrative, investissement douteux, invectives lancées par presse interposée entre la municipalité et le bouillant Zamparini, difficile d’y voir clair, tant le projet semble au point mort. À tel point que l’impétueux président n’y croit plus.
Parce que la seconde nouvelle, c’est que Maurizio est fatigué. On ne mène pas une vie de combat, partagé entre le monde des affaires et celui du football, tiraillé entre coups de génie et coups de folie, indéfiniment. Les traits tirés, le patron de Palerme depuis 2002, 74 ans, l’a annoncé. Il s’en va. Du moins à la fin de l’année. Peut-être. Celui qui avait déclaré, en 2011, que « Palerme ne le méritait pas » a déjà averti de son départ au moins trois fois au cours des années précédentes. Mais cette fois, c’est pour de bon. Fatigué de la « petite Italie ordinaire » , l’entrepreneur veut laisser le club entre de bonnes mains. On parle de recherche d’investisseurs. On parle d’actionnariat populaire. On parle d’un peu de tout et de rien en fait, mais on ne parle pas bien entendu, de laisser le club entre les mains de la mairie. « À Palerme on a tout fait, mais les institutions n’ont pas suivi, ce n’est jamais assez », peut-on lire en substance dans une interview accordée à LiveSiciliaSport.it récemment. On dit que la presse française se lamenterait déjà de son départ, elle qui aurait dès lors un peu moins l’occasion de faire des articles commençant par la fameuse « fracture italienne entre le nord et le sud » et de faire des millions de brèves sur les impétueux licenciements des différents entraîneurs du club sicilien. Le futur à Palerme ? En fait, on verra bien.