Le 24 novembre 2007, dans le journal espagnol MARCA, Ángel Cappa parlait de football avec Paco Seirulo, le préparateur physique du Barça. Dans cette discussion, le savant de la méthode d’entrainement du FC Barcelone étale sa vision de penser le joueur de foot et l’entrainement footballistique. Traduction.
Paco Seirulo est le préparateur physique du Barça depuis la célèbre époque blaugrana sous l’égide de Johan Cruyff. Depuis, il n’a cessé d’être le responsable du bon état physique de l’équipe. Une statistique récente de l’UEFA (en 2007, ndlr) faisant référence aux quatre dernières années de Champions League, révèle que le Barça est la seconde équipe européenne avec le moins de blessures, ce qui rend fier Seirulo.
Le préparateur azulgrana pense d’une manière bien différente sur beaucoup de thèmes qui entourent la préparation athlétique des footballeurs. Et il les appliqua au Barça, avec caractère et beaucoup d’audace. Le même qui a démontré de la confiance en Ángel Cappa et en MARCA pour réaliser cette discussion, puisqu’il a l’habitude de jamais se prononcer dans les médias. Mais il s’agissait de parler de préparation physique et de football. Et voici le résultat.
Paco Seirulo, préparateur physique du Barça, a été invité par Ángel Cappa à Barcelone. Ils se sont rencontrés dans plusieurs congrès de football et partagent une idée originale et peu répandue, sur l’utilité de la préparation physique en football. Dans cette conversation, s’écroulent, de fait, plusieurs mythes installés sur le sujet en relation, par exemple, avec les préparations de pré-saison ou l’utilisation de la musculation pour les joueurs de football.
Ángel Cappa : Je ne sais pas si tu es d’accord avec moi mais la préparation physique en tant que telle n’existe pas. Il existe la préparation d’un footballeur, d’un basketteur, d’un tennisman, mais pas dans l’absolu.
Paco Seirulo : Je suis d’accord. Avant, on pensait par erreur qu’il fallait d’abord fabriquer un athlète et après lui apprendre à jouer coûte que coûte. S’il fallait travailler la résistance, on s’entraînait de la même façon à la montagne, à la plage… ou que ce soit. Puis après on adaptait cette résistance développée à son sport. Mais cela ne fonctionne pas comme ça. De cette manière, on perd seulement du temps et de l’énergie car chaque sport nécessite son traitement spécifique.
La vitesse par exemple. Dans le football c’est différent puisque cela concerne la précision, la vision du jeu.
PS : J’ai entraîné dans d’autres sports et le football est le sport qui prime le plus l’habilité du joueur : son intelligence, sa prise de décision, sa sensibilité et compréhension des espaces et des temps de jeu… Pourquoi ? Dans le foot, ce que tu utilises pour te déplacer, tu l’utilises pour jouer, et tu dois être concentré sur toi-même et sur l’équipe. C’est pour cela que les talents de ce sport sont personnels, des personnes très particulières.
Cela me fait penser à une anecdote que j’ai vécue avec Maradona. Nous étions allés voir une rencontre de basket de Michael Jordan et je lui ai dit : « Diego, quel grand joueur, n’est-ce-pas ? ». Et il m’a dit : « Oui, il est grand, je l’admire, mais n’oublie pas qu’il joue avec la main ».
PS : Clairement, c’est cela la difficulté du football : les pieds, et elle implique beaucoup d’obligations motrices, qui eux, compliquent la conception et les relations interpersonnelles de l’athlète. De nombreuses fois, les joueurs m’ont dit « Oyé, Paco, pourquoi nous n’entraînons pas la vitesse ? ». Et je leur ai répondu que cela nous l’entraînions tous les jours, parce que le football c’est cela : vitesse, accélération… Ne pas courir plus, mais s’adapter à courir avec le ballon et le rival. Toucher le ballon avec la vitesse adéquate et où tu le désires.
Également, la force est différente. Pour moi, la force dans le football est une ruse.
PS : Clairement. C’est appliquer ton énergie au moment opportun. Sinon, la force ne sert à rien. Si tu es très fort et à chaque choc tu perds le ballon ou tu fais faute, tu es perdu.
Il y a des gens qui pensent, par erreur, que les grands joueurs frappent mieux et plus fort de la tête. Mais ce n’est pas évident. Il faut savoir sauter et savoir frapper de la tête.
PS : De fait, les grands buteurs de la tête de l’histoire non jamais été grands par la taille. Ce fut des personnes moyennes mais très malines, devinant la trajectoire du défenseur, du ballon et la vitesse nécessaire pour le frapper.
Il y a beaucoup de mythes au sujet de la préparation physique dans notre sport. L’un d’entre eux est l’échauffement, l’autre est la pré-saison et le troisième est la musculation.
PS : Ce sont, pour moi, trois thèmes clés. La pré-saison est le plus important. Je pense que c’est impossible, en s’entraînant un mois, de remplir, comme il est prétendu, le réservoir du footballeur pour toute la saison. Impossible. Et les préparateurs, nous sommes châtiés par cela puisque nous avons donné une importance énorme à la pré-saison. Faire des entraînements doubles ou triples durant deux semaines n’est pas bon pour les joueurs. Tu arrives seulement à les fatiguer et c’est cela qu’ils payent durant les cinq premiers matchs du championnat. Pour moi, ce qui est correct, c’est de se préparer seulement pour le premier match. Exclusivement le premier match. Et ensuite pour le second…etc. On ne peut pas réaliser une pré-saison en s’entraînant deux semaines consécutives en trois équipes sans toucher le ballon. C’est préjudiciable et ce n’est pas utile.
Quand j’ai entraîné en Afrique du Sud, les joueurs venaient de faire quatre sessions d’entrainement par jour. C’était un massacre. Et pour l’échauffement, que m’ont-ils dit ? Il y a une espèce d’obsession de s’échauffer 25 minutes. J’ai vu comment s’échauffait Cruyff en tant que joueur et il faisait seulement quelques frappes et quelques courses légères. Maradona, pareil. C’est vrai qu’il y a des joueurs nerveux qui ont peut-être besoin de courir pour relâcher les nerfs. Mais seulement cela.
PS : J’ai beaucoup discuté là-dessus et ai beaucoup observé. Pour nous, le fait de s’échauffer est seulement un acte socio-émotionnel, cela sert seulement pour te mettre en contact avec toi-même, tes partenaires et avec l’ambiance. C’est le principal objectif de l’échauffement. Puisqu’il y a un autre problème qui s’ajoute. Les joueurs, s’ils jouent à 22 heures, ils se lèvent à 18 heures pour goûter. Et lorsqu’ils se lèvent, comme tout le monde, ils ont mal. Pour cela, il s’agit de se déplacer un peu, en général, et ensuite de toucher le ballon, tu te l’échanges quelques fois et c’est tout. J’ai observé mille fois comment un joueur fait son entrée sur le terrain sans s’échauffer : blessures quelques fois, mais le reste il ne se passe rien. Il joue sans aucun problème.
Cela arrive souvent au basket. Les joueurs entrent sur le terrain soudainement, sans s’échauffer et il ne se passe rien.
PS : Ou au tennis. Je n’ai jamais vu un tennisman faire des tours de terrain avant de jouer. Ils arrivent, s’échauffent en échangeant quelques balles et le match commence.
Un autre mythe, par ignorance, c’est de penser que si le joueur court plus, il va mieux jouer au football.
PS : Dans notre sport, seulement avec les trois courses que tu fais après le coup d’envoi et quelques mouvements … tu as déjà ton échauffement. Et à partir de là, tu peux déjà courir partout où tu le veux. Je ne vais pas dire que l’échauffement est une barbarie, mais il n’est pas nécessaire de faire ces échauffements exagérés auxquels le football n’est pas habitué. Autre chose sérieuse, par exemple, une course de 400 mètres. Là oui, puisque c’est un effort individuel, spécifique et unique en un temps cours. Mais en football, en rien !
Le docteur Oliva disait que « se sentir fatigué, ce n’est pas être fatigué ». L’épuisement est en partie psychologique. Cela influe beaucoup l’état d’esprit. Jamais une équipe qui gagne 4-0 ne se verra être fatiguée.
PS : Cela se voit en athlétisme. Celui qui arrive premier, qui devrait être le plus fatigué, passe son temps à faire le tour de piste, à saluer… et les autres sont détruits au sol. Et c’est en raison de l’humeur. Ce sont les endorphines. Ton propre corps génère une confiance en soi. C’est pour cela, seulement un petit facteur biologique justifie l’échauffement. Mais, j’insiste, rien de plus.
Ce qui est curieux c’est que la préparation physique, personne n’en parle, seulement quand l’équipe perd. À ce moment, tout se justifie.
PS : Oui, il semble que tout à coup, ils ne courent plus. Et pourquoi ne courent-ils plus ? Sans doute parce qu’ils sont menés et non le contraire. Quand un joueur fait deux mauvaises passes, la solution n’est pas de courir, mais de se replacer pour se récupérer.
Et la pression. La tension permanente de gagner influe également beaucoup sur le physique.
PS : Cela se note, surtout, dans la récupération. Le stress génère davantage de stress. Les joueurs, dans une dynamique négative ne récupèrent pas bien parce qu’ils sont fatigués. Au Barça, nos entraînements sont basés sur le changement. Jamais nous ne faisons deux entraînements pareils, qui sous-tendent à la même intensité ou tendent au même objectif. Au troisième entrainement égal, les joueurs se dérobent. Cela ne sert à rien. Les habitudes génèrent une certaine stabilité mais aboutissent à la détruire. Les joueurs, pour s’adapter au nouvel entrainement, tirent l’énergie stockée et toute l’équipe en bénéficie.
En plus de cela, il faut entraîner la créativité. On ne doit pas tout prévoir, du point de vue footballistique. Cela varie selon les jours, des éventualités du moment. Plusieurs fois, vous changez ce que vous avez prévu le matin.
PS : J’applique les paramètres minimaux, puis ensuite j’observe et si je vois qu’à partir des séries faites, les faire davantage ne sert à rien, j’arrête. Les joueurs perdent l’intérêt et la motivation s’il y a beaucoup de répétition. De tous les entraîneurs avec qui j’ai travaillé au Barça, ceux qui ont le mieux géré cet aspect ont été ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats.
Quand je fais des exercices pour les défenseurs, par exemple, je ne pense pas au temps qu’ils mettent pour bien les réussir. Cela dépend de beaucoup de facteurs.
PS : Beaucoup d’entraîneurs sont angoissés avec cela. Si à un exercice, il manque deux séries, ils sont tout angoissés. Alors que tout va bien ! Souvent, les joueurs veulent savoir exactement quoi faire pour sensibiliser leurs corps à l’effort. Pour cela, moi je tente de les maintenir toujours en alerte. Je ne veux pas qu’ils soient fonctionnaires de l’entrainement. C’est comme cela qu’ils sont motivés, bien que, en étant sincère, la motivation dans le football vient par le but… et rien de plus.
Parlons de la musculation ? Il y a une obsession autour de ça. Beaucoup croient que si tu es musclé, tu joues mieux et tu te blesses moins. Mais ce n’est pas vrai.
PS : Il y a une erreur : toujours associer les blessures à la préparation physique. Dans le football, il y a deux choses : les accidents et les blessures. Les accidents, nous en avons beaucoup, ils sont inévitables et les blessures, que nous avons moins, sont évitables. Utiliser la musculation de manière générique, en mouvement et avec des charges très étrangères au football, est une erreur. La musculation prépare le muscle pour les autres activités qui ne sont pas ce que le joueur va utiliser sur la pelouse. Et cela, provoque des surcharges. Il faut utiliser la musculation pour améliorer la force axée sur le football, et non pas génériquement. Une autre chose, c’est que de 16 à 19 ans, le footballeur nécessite un renforcement musculaire pour qu’il cesse d’être un citadin anodin et se transforme en un sportif. Mais, si c’est avec le ballon, c’est mieux. Pourquoi ? Parce que le ballon ajoute un élément de coordination qu’il utilise sur le terrain. Si tu fais trois sauts de jambes, comme exercice, mais sans ballon, cela n’a aucun sens. Où et comment tu sautes… tout est différent si tu mets un ballon entre les jambes. Pour cela, tu dois le faire avec ballon. Ce n’est pas pareil de sauter que sauter avec le ballon pour bien se positionner pour faire une passe. C’est pour cela, que la préparation physique du football doit toujours se faire avec le ballon. L’idée précédente est vraiment mauvaise. La question n’est pas de se muscler les jambes, mais d’adapter la musculation à ce que tu vas faire sur le terrain. Le contraire génère des blessures, car le muscle n’est pas préparé.
À cela, il faut rajouter qu’aujourd’hui, la fréquence des matchs est largement plus élevée, et les joueurs ont beaucoup plus de tension. Si tu es dans un grand club, l’obligation de gagner est constante.
PS : Oui. Et d’autant plus, les joueurs vont de la sélection aux clubs et vice-versa. Et il faut être tout aussi bon. Les joueurs varient d’un type d’entrainement à un autre et cela les affecte.
Moi, quand j’arrive dans une nouvelle équipe durant la moitié de saison, je demande toujours qu’est-ce que réalisait le précédent préparateur physique pour ne pas générer de décalage.
PS : De nombreuses fois, c’est de notre faute, les préparateurs physiques, puisque pour être différents, nous avons inventé des choses qui au final, nuisent aux joueurs.
Pour résumer, je crois qu’il y a une préparation concentrée sur le muscle, et l’autre, la correcte, concentrée sur le football, le jeu.
Bien dit merci
Entièrement en phase avec le maître ,car il prépare le football pour mieux jouer ,comme le tennisman s’adapte à sa balle avant d’entamer la partie .