Alain Orsoni, président de l’AC Ajaccio, est également un ex-leader indépendantiste. La perte récente de deux de ses proches assassinés a attisé l’attention des médias et du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. A tel point, qu’Alain Orsoni a évoqué la possibilité de quitter la présidence de l’ACA. Il a accepté pour La Grinta de répondre à certaines accusations.
Manuel Valls a accusé certains clubs corses de blanchiment d’argent. Vous l’avez perçu comme une attaque envers l’ACA. Pourquoi, à votre avis, est-ce que votre club est visé ?
Alain Orsoni : En vérité, je ne crois pas que l’on vise le club. C’est bien le président du club que l’on montre du doigt et faute de posséder l’ombre d’un élément pour étayer leur thèse, mes détracteurs envisagent tout et n’importe quoi. À l’évidence, M.Valls a été induit en erreur et parler de blanchiment dans le sport en visant le football et l’ACA est une ineptie. Non seulement cela est matériellement impossible mais de plus, il nous est facile de prouver notre bonne foi. Non seulement parce que notre budget est particulièrement faible mais surtout parce que nous n’achetons jamais de joueurs et n’en vendons pas. Mais aussi parce que nos maigres ressources sont très clairement identifiées comme nos dépenses d’ailleurs et que notre club est régi par une association et ne peut en aucun cas partager des dividendes… Dans ces conditions, comment blanchir de l’argent ?
Alain Orsoni, vous avez confié sur le site du Point, que « rien n’est tranché » sur votre éventuel départ de la présidence de l’ACA. Mais si vous partez maintenant, ne craignez-vous pas que l’ACA ne perde le patron du navire (On se souvient dernièrement de votre coup de gueule après le match contre l’OM et la réaction ensuite à Toulouse) ?
AO : J’ai en effet dit que rien n’était tranché, la question importante qui se pose ne se situe pas par rapport à moi mais part rapport au club. Face à un tel lynchage médiatique, est-il raisonnable de continuer à exercer la présidence de l’ACA ? Cette situation n’est-elle pas de nature à porter préjudice à notre club ? Je ne le veux en aucun cas et il n’existe pas d’homme irremplaçable. D’ailleurs notre fonctionnement nous met à l’abri de ce genre de problème, le club peut parfaitement fonctionner sans moi. Enfin, si je devais décider de me mettre en retrait, cette décision sera murie, et débattue par l’ensemble des dirigeants. Ce n’est pas encore fait !
Vous avez émis le souhait de quitter le club, quoi qu’il arrive, à la fin des travaux du stade. Mais si vous partez est-ce qu’il y a déjà une réflexion sur « l’après-Orsoni », qui va vous remplacer et qui pourra ramener des Ochoa à Ajaccio ?
AO : On m’attribue un peu vite tout le mérite des venues de Mémo et de Mutu. En fait, il s’agit d’un travail d’équipe et le rôle primordial de Patrick Vernet, notre directeur sportif, est au moins aussi important que le mien. L’après-Orsoni, nous l’avons envisagé et prévu depuis ma prise de fonction puisque comme vous le rappelez, j’ai annoncé dès ma nomination à la présidence que je quitterai le club une fois le stade achevé. La structure est en place et les compétences existent, rien n’empêchera l’ACA de poursuivre sa route, de grandir et de s’inscrire durablement dans l’élite du football français.
Adrian Mutu a touché 4 fois le poteau depuis son arrivée. Contre Sochaux, il a tiré 10 fois. C’est le joueur qui a le plus frappé au but dans un match, tout championnat européen confondu, depuis le début de saison. On a pourtant l’impression qu’il ne manque pas grand-chose pour que ce pari soit réussi…
AO : Adrian Mutu est un grand joueur, c’est aussi un compétiteur, un battant qui est très motivé ! Nous attendons beaucoup de lui et je sais qu’il va répondre a cette attente. Oui il a touché à quatre reprises le poteau, le moment ne tardera pas où c’est le goal adverse qui ira ramasser le ballon au fond des filets. Il lui a fallu retrouver la forme après 4 mois sans compétition, II fait preuve d’un grand sérieux dans sa préparation, il s’est parfaitement intégré au groupe. Il n’y a pas de raison d’être inquiet.
« J’ai été, pendant des années, supporter de Bastia »
Donc, l’an dernier vous rameniez Guillermo Ochoa, cette année vous réussissez un nouveau coup avec Mutu. L’an prochain, c’est qui alors et quel est votre secret ?
AO : L’an prochain ? Difficile de faire une prédiction, on ne réussira pas à faire venir une star tous les ans car il faut des circonstances favorables et aussi de la chance. Mémo, qui est un type extraordinaire au-delà de son talent car c’est un homme d’une grande gentillesse et d’une grande humilité, est arrivé dans le contexte de Los Angeles et des problèmes de l’équipe nationale mexicaine (ndlr : positif au clenbutérol). Adrian, lui, a connu la relégation de Cesena. Il ne voulait pas partir au Qatar et l’idée de finir sa carrière en L1 et en Corse le séduisait. Un joueur comme lui a gagné beaucoup d’argent dans sa carrière, l’aspect financier n’était donc pas prioritaire. Évidemment, l’élément clef, c’est avant tout que ces joueurs étaient libres sinon rien n’aurait pu se faire…
On se rappelle du derby corse (qui s’est bien déroulé pendant 88 minutes). Finalement les gens n’ont retenu que l’altercation Angoula-Cavalli et la bombe agricole en tribune. Est-ce que c’est cette image négative qui colle au football corse et qui lui porte préjudice ? Vous avez d’ailleurs commencé la saison avec 2 points en moins…
AO : L’image du football corse est à l’instar de l’image de la Corse, fausse ! L’ACA est un club parfaitement correct et il n’y a pas plus de problème chez nous que dans n’importe quel club du championnat. Mais nous sommes corses et il existe un a priori constant à notre égard. Cette xénophobie est entretenue par des fantasmes, et par un traitement journalistique particulier. Il est vrai que le combat nationaliste et les problèmes spécifiques qui sont les nôtres sont très mal vécus dans le pays le plus centraliste du monde. De même, la violence criminelle qui se traduit par des meurtres donne un éclairage négatif, ce qui se comprend d’ailleurs. Il est tout de même regrettable que l’on ne mette en exergue que le négatif, on pourrait peut-être souligner que la Corse est la région d’Europe la moins touchée par la délinquance ordinaire. Les crimes à caractère sexuels, les atteintes contre les enfants, les femmes et les personnes âgées sont quasi inexistants.
On a donc fortement tendance à maximaliser le négatif et à oublier le positif. Le derby s’est bien passé, sauf ces cinq minutes de bousculades suite à l’altercation entre deux joueurs. Mais ces cinq minutes en Corse prennent plus d’ampleur que les débordements parisiens qui avaient y compris conduit à la mort d’une personne devant le stade. Que dire des bagarres dans les tribunes de Marseille contre Fenerbahçe ? C’était autre chose ! Mais en Corse, nous avons un traitement particulier dans la manière dont est tirée l’information par exemple, comme dans la manière d’appliquer le règlement quand il s’agit de la commission de discipline…
Il y a un chant de supporters bastiais qui dit : « Chi si pó nasce aiaccinu è esse bastiacciu di core ». « Qui peut naître ajaccien et être bastais de cœur ». Beaucoup d’Ajacciens supportent Bastia. Est-ce que ça vous gêne ?
AO : J’ai moi-même été, pendant des années, supporter de Bastia ! Cela ne me gêne donc pas, l’histoire du SCB est un fait et l’ACA est resté 30 ans dans les profondeurs des championnats amateurs. Il est donc logique que ce phénomène existe, ceci étant le club grandit de manière spectaculaire depuis 20 ans et les résultats sont là !
On sait que vous avez beaucoup d’humour… Si demain, (Alex) Dupont avec un « t » devait être remplacé, est-ce que vous engageriez Dupond avec un « d » ?
AO : Un Dupont peut toujours en cacher un autre (rire) …
Propos recueillis par Adrien Verrecchia