Alors que se jouait ce week-end le Superclásico entre Boca et River, nous avons préféré continuer à écumer les divisions inférieures argentines. Un match dans un stade situé au milieu d’un bidonville, un autre près d’un cimetière et enfin un troisième au pied d’une prison, La Grinta est passée par toutes les émotions.
San Telmo 1-1 Barracas Central : journée historique pour le Candombero
Pour le premier match de ce weekend d’ascenso, La Grinta se rendait samedi à la Isla Maciel, séparée du quartier de la Boca par le Riachuelo, cette rivière coupant la ville de Buenos Aires de sa province. À un kilomètre à vol d’oiseau de la Bombonera, le quartier est une sorte de Boca conservée à l’état originel, sans les rénovations nécessaires à l’accueil des touristes. Ces quartiers se caractérisaient à l’origine par des habitations appelées « conventillos », des sortes de colocations avant l’heure où des familles ou hommes seuls modestes louaient des chambres et partageaient cuisine et sanitaires. Il s’agit encore aujourd’hui d’un quartier pauvre, à la mauvaise réputation, mais où l’on peut se rendre sans trop de problèmes les jours de matchs. Ce samedi, on sent une sorte d’effervescence en traversant les ruelles situées après le panneau indiquant « La famosa Isla Maciel ». C’est en effet un jour historique pour le Club Atlético San Telmo, qui va jouer pour la première fois en B Nacional depuis la création de ce championnat en 1986, la deuxième division nationale argentine. Le Candombero a obtenu sa montée début février après avoir battu en finale de promotion le Deportivo Madryn. Le club était déjà apparu en première division en 1976, dans ce qui était alors un « Metropolitano » réunissant seulement les équipes de Buenos Aires. Un des plus grands exploits du club fut alors de battre Boca Juniors sur le score de 3-1.
Après avoir retiré le bracelet d’accréditation auprès du responsable de presse, nous nous installons dans la petite platea (tribune latérale) du stade Osvaldo Baletto, coupée en deux entre la partie journalistes très réduite, et une autre réservée aux remplaçants des deux équipes. C’est l’occasion de constater depuis notre siège que de nombreux supporters se sont entassés sur les toits des maisons aux alentours afin de voir le match. C’est aussi l’occasion d’entendre de journalistes pro Barracas Central considère San Telmo comme un clásico. En effet, si le grand rival de San Telmo est le Sportivo Dock Sud pour des raisons géographiques, Barracas Central n’a pas vraiment de grand rival. Le club San Telmo né dans le quartier portègne dont il porte le nom, a commencé à jouer dans un stade situé à moins de deux kilomètres de celui de Barracas Central, jusqu’à migrer à la Isla Maciel en 1929.
San Telmo commence le match très fort avec 20 premières minutes totalement à son avantage. Esteban Rueda, prêté par Argentinos Juniors, fait les mêmes différences qu’à l’échelon inférieur et suite à une percée de celui-ci sur l’aile gauche, Zurita profite d’une mésentente dans la défense barraqueña pour l’ouverture du score dès la 12ème minute. Les locaux vont baisser le pied face à un Barracas présent depuis deux ans dans la catégorie, et le club du président de l’AFA Claudio Tapia va logiquement égaliser en deuxième mi-temps par Estigarribia. Le nul semble arranger les deux équipes et la fin de match sera très terne. Les joueurs de San Telmo sont applaudis par les supporters présents sur les toits des maisons, et pourront se satisfaire d’une première réussie.
Club Ferrocarril Midland 0-0 Central Córdoba (Rosario)
Direction cette fois la lointaine banlieue ouest de Buenos Aires dans la localité de Libertad, dans le département de Merlo. Il s’agit d’un match de Primera C Metropolitana (quatrième division) entre le Funebrero, pour sa proximité avec un cimetière, et Central Córdoba, un des deux clubs de la ville de Rosario ayant choisi de jouer avec les clubs de Buenos Aires. Fondé en 1914, Ferrocarril Midland est comme de nombreux autres clubs argentins créé pour occuper le temps libre des travailleurs de la société de chemins de fer du même nom. Il joue son clásico contre le voisin d’Ituzaingó, dont le stade est situé à un peu moins de 4 kilomètres et évoluant dans la même catégorie.
Après avoir passé le contrôle de police dans la rue longeant le cimetière, nous nous plaçons dans l’espace presse très réduit, les cabines de transmission étant fermées. Nous passerons le match à côté d’un commentateur radio très expressif, et donnant notamment des nouvelles du résultat entre Boca Juniors et River Plate qui se jouait à la même heure ce dimanche. Le match, disputé sur une des deux seules pelouses synthétiques argentine, fut très animé, mais le duo d’attaque rosarino composé de Vizcarro, formé à Rosario Central, et Cobelli, formé à Newell’s ne trouvera pas le cadre. Quelques pétards se feront entendre à l’extérieur du stade, en guise d’encouragement de la part des supporters de Midland, privés de stade comme leurs congénères argentins depuis plus d’un an.
General Lamadrid 0-0 Leandro N. Alem
La Grinta se rendait enfin, lundi, à Villa Devoto, quartier résidentiel chic de l’Ouest de la capitale, pour un autre match de Primera C entre Lamadrid et Leandro N. Alem. Au cœur même de ce quartier se trouve le complexe pénitentiaire fédéral de Buenos Aires. À ses pieds, le stade Enrique Sexto, d’une capacité de 3500 places, qui accueille les matchs du club General Lamadrid, surnommé le Carcelero, se traduisant par « gardien de prison ». Il est fondé en 1950 et prend le nom d’un général ayant combattu pour l’indépendance de l’Argentine au début du XIXè siècle. La présence de la prison fait partie de l’identité du club, pour le meilleur et pour le pire, si bien que l’annonce future de la destruction et du déplacement de celle-ci (au profit d’un énième projet immobilier) est accueillie avec scepticisme par certains fans du club.
C’est par la rue Pedro Lozano qui longe la prison que se fait l’entrée de la presse dans l’enceinte. Les rares cabines étant occupées par les retransmissions radiophoniques, nous prenons place dans la petite platea située en contrebas au ras du sol, où les bancs de touche empêchent de voir le coin gauche du terrain. Le manque d’autorité de l’arbitre, qui se refusera à distribuer deux avertissements sur deux grosses fautes des visiteurs, contribuera à tendre la rencontre dès les 10 premières minutes. Chaque décision de l’homme en noir est contestée.
Le Lobo (loup) Carlos Cordone, ex-joueur de Vélez Sarsfield et Newcastle, aujourd’hui entraîneur de Leandro Alem, passera la mi-temps à se disputer avec son homologue Fabregat. Ce dernier redoublera de colère lorsque le gardien adverse lui dira de se taire tout en lui faisant remarquer son léger embonpoint. L’unique frisson footballistique de la partie viendra en fin de première mi-temps par Sanchez qui, ayant vu le gardien visiteur avancé, envoie une frappe de 40 mètres s’écrasant sur la barre transversale.
Ce furent donc trois matchs nuls en trois matchs. Il faut d’ailleurs noter qu’en deux journées, aucune équipe n’a gagné ses deux matchs en 3ème et 4ème division argentine, une nouvelle preuve de l’extrême homogénéité de ces catégories.