Ce week-end, se déroulait la 17ème journée en Argentine pour le compte du Torneo Julio Humberto Grondona avec une belle affiche dimanche entre Tigre et les Newell’s Old Boys d’un certain Lucas Bernardi. En plus d’être un match alléchant sur le terrain, niveau tribunes, Tigre n’est pas en reste. Le rendez-vous est donc pris au « Coliseo de Victoria » aussi connu sous le nom de Estadio José Dellagiovanna pour un On Tour made in La Grinta.
Le temps de jeter un œil sur le calendrier argentin du week-end, le choix est fait et se portera sur Tigre-Newell’s Old Boys. Sous un ciel bleu hivernal, nous prenons la direction de la gare de Retiro à Buenos Aires pour emprunter le train et plus précisément la ligne Mitre qui nous mènera au « Coliseo de Victoria ». Après une quarantaine de minutes de train, nous arrivons à la station Victoria à quelques pâtés de maisons de l’enceinte du club que l’on surnomme ici « El Matador ». Tigre fait partie du Grand Buenos Aires et se trouve en amont de la capitale, à l’extrémité sud du delta du Río Paraná. Plus connu pour son Parque de la costa, ses activités nautiques et touristiques, Tigre possède aussi son club omnisports. Dans le quartier de Victoria, nous mesurons l’importance de l’institution avec les nombreux tags qui ornent les murs sur le chemin de la gare jusqu’à l’Estadio José Dellagiovanna, fondateur du club le 03 août 1902. Après quelques minutes, nous arrivons sur ce qui semble être l’avenue principale, l’Avenida Presidente Peron où quelques mètres plus loin, les supporters de Tigre effectuent la traditionnelle « previa » (avant-match) en Argentine. Fernet-Cola pour les uns, bières pour les autres accompagnées de Choripan. L’ambiance est à la bonne humeur et les premiers chants à la gloire du Matador se font déjà entendre.
À côté de tout ce petit monde, un vieux bus désaffecté attire notre attention au vu des fans qui s’y pressent. À peine quelques pas, et nous nous apercevons que ce bus est là en guise de billetterie. Football populaire, quand tu nous tiens… « Vous allez voir, ici pas de petits fours, pas de manières, c’est le football vrai ! », s’exclame Jorge, la cinquantaine, cheveux grisonnants et sourire aux lèvres comme un gosse que l’on amènerait au stade pour la première fois de sa vie. « On peut identifier Tigre comme un club de barrio à Buenos Aires même si ici il représente une municipalité cela revient pratiquement au même. Ne cherchez pas les titres ou la galerie des trophées, il n’y en a pratiquement pas. Vous trouverez plus de la passion et de la fierté », ajoute-t-il. Il est vrai qu’à chaque fois où le CA Tigre a lutté pour le titre, il a échoué à une petite marche en terminant vice-champion d’Argentine (Apertura 2007, Apertura 2008 et Clausura 2012). Au niveau continental ? Même mésaventure en 2012 lors de la Copa Sudamericana (l’équivalent de l’Europa League en Amérique du Sud) quand « El Matador » échoue dans une finale polémique face aux Brésiliens de São Paulo. Le temps de terminer notre discussion et nous voilà dans notre tribune une petite demi-heure avant le match. Le « Coliseo de Victoria » se remplit peu à peu durant l’échauffement et les « Oh son los come gatos, son los putos de Rosario » (Oh ce sont les mangeurs de chats, ce sont les putains de Rosario) résonnent déjà comme un « bienvenue ».
Scandale arbitral et inefficacité
Pour la petite histoire, c’est en 2001, lorsque l’Argentine connaît l’une des plus grandes crises économiques de son histoire, que les Rosarinos (habitants de la ville de Rosario où se trouvent les clubs Rosario Central et donc les Newell’s Old Boys) sont surnommés les « come gatos » (mangeurs de chats). Dans les quartiers les plus pauvres de la ville qui appartient à la Province de Santa Fe, certains habitants auraient été aperçus en train de tuer des chats pour pouvoir manger d’où ce surnom qui persiste et qui attire les railleries d’un côté et l’énervement de l’autre. Aujourd’hui, nombreux sont à Rosario ceux qui prétendent que cela n’est seulement qu’une légende. Parenthèse fermée, les 22 acteurs font leur apparition sur la pelouse au son de « Tigre mi buen amigo », un classique en guise de recibimiento (entrée des joueurs en Amérique du Sud) qui n’est autre qu’une invention des fans de San Lorenzo. Ce thème de bienvenue si connu et très souvent utilisé en Argentine avait été élu meilleur du monde à l’époque par le journal Marca en Espagne. En début de première période, les Newell’s mettent clairement le pied sur le ballon mais rien de véritablement concret à se mettre sous la dent. Il faut attendre la 23ème minute pour que les choses s’animent un peu quand Nacho Scocco trouve D’Angelo sur sa route qui dévie sa frappe qui prenait le chemin des filets. Dans la minute suivante, c’est Carlos Luna qui sera tout proche de tromper Ustari. Ce qui a le don de réveiller le « Coliseo de Victoria ». « Vamos Tigre vamos, ponga huevos que ganamos » (Allez Tigre, allez, pose tes couilles pour que nous gagnons), s’époumone la Popular locale mais en vain, juste avant la pause Scocco, encore lui, sera à nouveau à deux doigts de battre D’Angelo. 0-0, ce sera le score à la pause.
La deuxième période reprend sur le même rythme que la première. Les Newell’s Old Boys ont la possession, le style de cette école si particulière dont est issu un certain Marcelo Bielsa se ressent. Cette école où l’on recherche toujours à ressortir proprement derrière, effectuer un pressing très haut sur le terrain et cela aurait du être payant quand Scocco, intenable ce dimanche, s’est vu refuser injustement un penalty lorsque ce dernier est fauché par le portier de Tigre. Le numéro 32 du club de Rosario devient fou et écope d’un carton jaune suivi d’une grosse colère du tout jeune entraîneur Lucas Bernardi. L’ancien Monégasque avait pris ses fonctions le week-end dernier avec une victoire 3-0 face au Racing. Le dernier quart d’heure sera beaucoup plus animé quand Raul Villalba sera expulsé ce qui enragera encore plus le clan Newell’s. Tigre pousse et la hinchada, impulsée par la barra brava locale, la « Barra del Matador », récite son répertoire avec engouement ce qui donne des ailes au Matador. Dans les dernières minutes de jeu, c’est Mariano Echeverria qui verra son retourné acrobatique filer devant le but sans que personne ne puisse le dévier au fond des filets. Le « Coliseo de Victoria » en est conscient, c’était bel et bien la dernière opportunité de l’emporter. Les deux équipes se séparent donc sur un score final nul et vierge, dans les rues du quartier de Victoria beaucoup de supporters refont le match et se demandent encore comment ce dernier ballon n’a pu entrer. Pour nous, il est temps de rejoindre la capitale argentine et d’attendre impatiemment le week-end prochain.
Superbe article ! Étant un grand fan du championnat argentin ça fait plaisir de voir des sites français parler de celui-ci et encore plus lorsqu’ils s’agit d’équipes moins connues que les 5 « grands » !
Tigre a un super public et leur rivalité avec Platense est intrigante !