A priori, le match opposant Strasbourg et Boulogne-sur-Mer vendredi n’avait rien d’exceptionnel dans un championnat de National serré et toujours aussi surprenant. Outre l’ambiance remarquable de la Meinau à ce niveau, un événement particulier nous a incité à faire le déplacement en Alsace : les célébrations des 25 ans des Ultra Boys 90. Plongée au cœur des festivités.
Peu de groupes ultras français ont passé le quart de siècle. C’est en partie pour cette raison que nous décidons de prendre la température à Strasbourg. Rien qu’à consulter le Twitter officiel du RCSA, l’avant-match est composé de tweets décalés sur cet anniversaire, le fameux « Mad Spirit » qui caractérise aussi les plus fervents supporters strasbourgeois. Malgré sa journée chargée, Étienne, le responsable des animations des Ultra Boys 1990, prend le temps de nous rencontrer dans le centre-ville en fin de matinée. Le nom du groupe provient des Ultras Boys de Gijón en Espagne, dont était membre un cousin de l’un des fondateurs des UB90. En revanche, la date de création prête encore aujourd’hui à discussion. « Il n’y a pas longtemps, on a encore eu le débat. Même entre nous, on ne sait pas. La première bâche est posée en 1991 d’après les archives que j’ai trouvées, d’autres disent que c’est 1990 », explique Étienne. Le jeune homme au béret est accompagné d’un correspondant danois fan de Midtjylland, un type d’échanges moins fréquent que par le passé dans le milieu ultra. Il nous raconte comment le club qui traverse une passe difficile de son histoire conserve néanmoins une grande popularité dans la ville.
« Tu peux aller voir n’importe qui, les gens ne vont plus forcément au stade mais ils sont tous au courant des résultats du Racing ». Entre les matchs du vendredi soir à 20 heures et les nostalgiques dépités de la Ligue 1, les affluences restent plus qu’honorables : autour des 10 000 spectateurs en National. Le secret de cette fidélité à toute épreuve réside en plusieurs points. Le premier, les relations du club avec son noyau de supporters. « Elles n’ont jamais été aussi bonnes. Je les ai encore eu au téléphone ce matin pour préparer les 25 ans ». Le président actuel Marc Keller, enfant du club, avait racheté Racing Club de Strasbourg au sulfureux Jafar Hilali avec d’autres investisseurs locaux en 2012 pour un euro symbolique. Le second, la longévité des « zubés », véritables poumons de la Meinau, bien aidés par une nouvelle génération. « Dans le quart de virage, ça va faire deux ans, on a que des jeunes qui ont entre 15 et 20 ans. Qu’est-ce qui vous fait venir ? C’est de la merde par rapport aux anciens qui ont connu la Coupe d’Europe ! Mais nous on est contents », se réjouit Étienne.
Une ambiance qui n’a rien à envier à certains clubs de Ligue 1
Le groupe vit sur cet engouement, à la plus grande joie de notre interlocuteur : « Je crois que le Racing n’a jamais été aussi populaire depuis 20 ans ». Surtout, l’association a pris le parti de communiquer régulièrement ce qui contribue à améliorer son image auprès du grand public. Et cela se ressent sur l’envie du RCSA de montrer une proximité avec ses supporters. Et lorsque nous demandons au responsable des animations des UB90 si les joueurs ou des membres du club porteront des T-shirts ou du matériel à l’effigie du groupe, il répond : « Mieux que ça, vous verrez ». Notre rendez-vous s’achève et nous attendons avec impatience la soirée qui s’annonce. Aux alentours du stade, quelques bouchons nous retardent tandis que les premiers tifos sont prévus à 19 h 40. Agréable surprise, il est plus aisé de stationner à la Meinau qu’ailleurs avec des parkings bienvenus. Nous prenons place dans les populaires, face au secteur des Ultra Boys 1990. Les animations ont déjà commencé et il est regrettable qu’une bonne partie des spectateurs ne soit pas encore à l’intérieur de l’enceinte.
C’est par le biais d’un poste de télévision équipé d’un magnétoscope et d’une bonne vieille VHS que les UB90 mettent en scène la rétrospective de leurs 25 ans. La chorégraphie débute à partir de la saison 1994-1995 avec un premier tifo à feuilles remémorant celui contre Paris avec la légende « Strasbourg capitale de l’Europe ». Le second, toujours en taille « mini », rappelle l’animation contre Monaco aux couleurs de l’Alsace en 1996-1997. L’essor d’Internet et son rôle au début des années 2000 est aussi évoqué à travers le dessin d’un PC d’époque. Au rythme des applaudissements d’un stade qui se garnit, les animations se succèdent dans un exercice peu évident, celui de faire glisser des voiles en dessous de la principale. Les tifos réalisés au Stade de France en 2001 et 2005 sont à l’honneur dans le moniteur.
Les dernières chorégraphies sont présentées au sein d’un écran numérique, le voile du centenaire, un beau tendu d’écharpes, le logo des 25 ans des UB90 (une tête de mort, référence au premier logo du groupe). Mais surtout, un hommage décidé et travaillé en dernière minute à Dominique Dropsy, le gardien champion de France avec Strasbourg en 1979, décédé au début du mois. À noter la présence de plusieurs glorieux anciens. Fin des animations, le match peut commencer et l’ambiance monter d’un cran.
Nous remarquons que les joueurs portent le logo des 25 ans des « zubés » sur le maillot. Sur le terrain, le RCSA peine dans un premier temps à trouver ses repères. Très vite, l’USBCO subit et les occasions strasbourgeoises se multiplient. Dans les tribunes, ça saute et ça chante fort. Certes, ce ne sont peut-être pas les chants les plus originaux ou les plus élaborés, mais vocalement le résultat est là. D’autant plus que la tribune voisine au quart de virage est bien plus silencieuse. Si le Racing était à nouveau en Ligue 1, la Meinau constituerait sans doute l’un des stades avec le plus de ferveur. Une tête de Douniama oublié par la défense nordiste permet aux Alsaciens d’ouvrir le score à la 40e minute. Le public exulte. Ce même Douniama récidive 5 minutes plus tard d’une somptueuse louche à l’entrée de la surface qui trompe le portier boulonnais. Peu avant, le Kop Ciel et Blanc s’était rendu dans la tribune vide pour souhaiter un joyeux anniversaire aux ultras. Mi-temps, même si certains supporters expérimentés se méfient, « c’est le Racing », le plus dur est fait. Quelques pots de fumée aux couleurs du club et des fumigènes clignotants se dégagent à la reprise. Un but de Blayac sera refusé pour hors-jeu, peu importe, le RCSA s’impose 2-0 sans trop de mal.
Les joueurs viennent célébrer la victoire avec leurs plus fidèles soutiens avec une banderole dédiée au capo « Chonchon ». Un véritable show pyrotechnique clôture la soirée, le responsable de la sécurité lui aussi sera photographié torche en main. Clin d’œil amusant, la suite des festivités se déroulera à Châteauroux le 30 octobre, là même où les Red Tigers avaient eux aussi poursuivi leurs 20 ans. Ça promet encore une soirée sympa.
Par Adrien Verrecchia à Strasbourg