En proie à une guerre frontale avec les Etats-Unis de Donald Trump, l’Empire du Milieu fait les gros titres ; et ce n’est pas la fin de la China Super League qui permettra d’y mettre un terme… Le football chinois ne déchaîne pas les passions. Pourtant, le 7 novembre dernier, le Shanghai SIPG a été sacré champion pour la première fois de son histoire suite à sa victoire sur Beijing Renhe (2-1). Nous y étions. Le constat est sévère et ne laisse pas présager un futur radieux pour le ballon rond en Chine néanmoins certains préjugés méritent d’être balayés.
Ce mercredi 7 novembre, il est un peu moins de 18 heures lorsque nous prenons la route du Shanghai Stadium. Ce stade de 60.000 places a été construit à l’occasion des « Chinese National Games » de 1999, l’une des plus grandes compétitions sportives à l’échelle nationale. Un stade omnisport donc, situé dans le centre de Shanghai. Dans une heure et demie se tiendra l’avant-dernière journée de championnat qui verra peut-être le deuxième club de Shanghai, le principal étant le Shanghai Shenhua, être sacré champion pour la première fois de son histoire. Pour les expats’, afin de se procurer le précieux sésame et assister à un match, il faut se rendre sur place et acheter sa place au black. Normalement il faut compter maximum 100 RMB, 12 € environ, mais, « finale » oblige, nous paierons 400 RMB la place après de multiples négociations avec les revendeurs présents aux abords du stade et dans le métro. À notre plus grande surprise, il y a du monde et ce n’est pas si ridicule.
Ici tout le monde porte un maillot : la couleur rouge du club est de rigueur. Nous nous frayons au milieu de cette marée rouge : vendeurs à la sauvette et clopeurs intensifs s’empilent aux abords du stade. Pas de bars ni de buvettes en revanche. Ici boisson et football ne font pas bon ménage. De l’extérieur le stade a de la gueule : quelque peu en forme de vague, le haut du stade est recouvert de ce qui semble être une enveloppe de couleur blanche qui fait vaguement penser à ce qu’il se fait aujourd’hui en termes architectural. Le gros point noir ? Cette affreuse piste d’athlétisme… Alors que nous nous attentions à un cadre très feutré, l’atmosphère y est populaire et bon enfant, des chants se font entendre au loin. Certes, loin de codes « européens » en matière de culture foot mais ça se tient. Quand nous pénétrons dans le stade les joueurs font leur entrée sur la pelouse, le public se fait entendre.
Une ambiance pas si mauvaise
À la différence de ce que nous connaissons, les « groupes » de supporters les plus fervents sont repartis par petits morceaux dans le stade, histoire d’avoir une ambiance plus diffuse peut-être. Le résultat visuel n’est pas terrible, mais bien aidé tout de même par la couleur rouge, bien qu’à moitié rempli. Pas de groupes ultras à proprement parler mais des bâches, drapeaux et références au monde des tribunes tel que nous le connaissons : « Forza Shanghai », « Curva Nord » ou encore l’Union Jack en mode casual style. Des bâches écrites en chinois sont disposées un peu partout dans le stade et les supporters les plus fervents sont au premier anneau. Finalement, les supporters donnent de la voix, nous nous attendions à moins bien il faut le reconnaître. Les chants sont répétitifs et les supporters revisitent des classiques mais il faut souligner que le rendu n’est pas si mauvais. Il est 19 h 35 : le coup d’envoi est donné.
Fort de joueurs comme Oscar ou Hulk, le SIPG domine les débats du Beijing de Benjamin Moukandjo. La première période s’apparentait à du hourra football : tactique proche du néant, technique hasardeuse, engagement non maîtrisé. Les deux équipes se rendaient coup pour coup et les occasions se multipliaient de part et d’autre lorsque que le milieu de terrain Odil Ahmedov déclenchait une superbe enroulée lucarne. 1-0. Le SIPG entrevoit le sacre. Le stade explose. Alors que nous nous attendions à un match sans saveur, sans ambiance, cette première période nous fait mentir. À la mi-temps, c’est pause clope pour tout le monde. La deuxième mi-temps ne sera pas de même facture mais la vedette locale, Wu Lei, permet à Shanghai de mener 2-0 sur un cafouillage dès l’entame du deuxième acte. Le cœur des supporters penche clairement pour leur numéro 7 chinois. À côté, Oscar et Hulk font vraiment figures de mercenaires : Oscar joue en marchant quand Hulk se la coule douce en numéro 6… Le deuxième acte est en faveur du club de Pékin et c’est le Sénégalais Makhète Diop qui redonne espoir aux visiteurs : lancé en profondeur, ce dernier envoie une mine qui transperce les filets. Shanghai va souffrir mais tient bon. Coup de sifflet final : le SIPG est sacré champion pour la première fois de son histoire. Le stade « chavire ». Mais ce n’est tout de même pas la Bombonera. Le Chinois reste maître de ses émotions. En bon mercenaire, Hulk soulève la Coupe. La sortie du stade est festive, sans démesure. La dureté chinoise reprend ses droits : pas de folklore à l’extérieur du stade, tout le monde attend sagement le métro afin de rentrer chez soi.
Il est clair que le football local n’est pas au niveau. Faible mais les matchs y sont débridés et spectaculaires, au bon souvenir des matchs de district du dimanche. Côté engouement, la mayonnaise ne prend pas : oui nous avons été agréablement surpris mais la Chine n’est pas une terre de football. Ici le football étranger, anglais surtout, est de loin le plus suivi et déchaîne beaucoup plus les passions que le championnat domestique. Malgré les efforts des clubs, des institutions et l’afflux d’argent, il sera impossible d’avoir une culture football chinoise. Pour s’en rendre compte il suffit de faire le tour des terrains de football en ville qui sont monopolisés par les expats, quand les chinois se cantonnent au basket. Ici le football est une importation parmi tant d’autres, un investissement : servir sur un plateau les championnats étrangers et investir à l’étranger pour apprendre mais surtout pour faire rayonner la Chine. En témoignent en France la participation minoritaire d’IDG dans l’Olympique Lyonnais ou encore la prise de contrôle de l’OGC Nice par un conglomérat Sino-Américain pour ne citer qu’eux. La priorité est donnée au développement à l’étranger plutôt qu’au marché national. Le football chinois reste prisonnier de la politique économique et étrangère chinoise : le football n’est pas une fin en soi, seulement un moyen pour l’Empire du Milieu de peser de manière indirecte dans le monde du ballon rond.
Xiexie