Nouvelle destination pour La Grinta et la rubrique On Tour qui a pour but de vous faire vivre les matchs dans le monde entier comme si vous y étiez. C’est bel et bien en Argentine que nous avons posé nos valises. L’Argentine… Un pays qui possède une culture football exceptionnelle dont peu d’autres nations peuvent se vanter d’avoir. Passion, ferveur, folie, tous ces sentiments se mélangent dans les enceintes argentines pour une ambiance quasiment unique. Oubliez la France, oubliez l’Europe, ici c’est un autre monde. Cap sur l’un des stades les plus bouillants du pays, à San Lorenzo précisément, pour la troisième journée du championnat d’ouverture entre San Lorenzo et Argentinos Juniors.
18 h 15 hier. Nous sommes à deux heures du coup d’envoi et notre taxi nous dépose devant l’enceinte Pedro-Bidegain. Un stade qui se situe juste en face de la plus grande « villa » (favella) de Buenos Aires dans le quartier de Bajo Flores. Autant vous dire qu’on ne sirote pas une mousse tranquillement avant le match… On file récupérer nos accréditations et direction la tribune de presse. Nous rencontrons dès lors la Sous-commission des « hinchas » de San Lorenzo, laquelle récolte toujours des fonds pour que le stade du Nuevo Gasómetro retourne à son quartier d’origine. Après un échange chaleureux à propos de leur combat que nous vous avons déjà relaté, nous rejoignons nos places. Le stade se remplit petit à petit, les supporteurs de San Lorenzo attendent beaucoup de cette rencontre. Après deux victoires en autant de matchs et une qualification en demi-finale de Coupe d’Argentine, les espoirs sont grands, très grands pour cette saison. Il faut dire que ce club si mythique et populaire dans le pays n’a pas remporté de titre depuis 2007 et a même frôlé la relégation en fin de saison 2011-2012. Voir les « Azulgranas » à ce niveau promet donc une énorme ambiance quand on connait la qualité de la « hinchada » locale, l’une des meilleures du monde, voire la meilleure. En face Argentinos Juniors joue le maintien et a besoin de points. « Los Bichos » ne sont donc pas là pour faire de la figuration d’autant plus que leur entraîneur Ricardo Caruso Lombardi compte bien se faire son ancien club à domicile. Parti en mauvais termes de San Lorenzo, le technicien argentin a fait monter la température toute la semaine avec des déclarations bien croustillantes dans la presse. Début de l’échauffement et Pablo Migliore, également ex-San Lorenzo et aujourd’hui portier d’Argentinos, fait son apparition. Après avoir passé quelques mois en prison pour une sombre histoire de complicité avec la Barra Brava de Boca Juniors, ce dernier est à notre grande surprise bien accueilli par les supporteurs d’« El Ciclon » qui n’ont sans doute pas oublié les nombreuses parades évitant une relégation en 2012. Il est 20 h 10. Dans cinq minutes, les joueurs vont entrer sur le terrain et même de derrière la « popular » (virage). On entend déjà les premiers chants de la barra brava…
C’est tout d’abord les joueurs visiteurs qui font leur apparition sur le terrain, l’occasion pour eux de recevoir quelques mots doux. La Barra Brava de San Lorenzo en profite aussi pour rentrer et combler l’espace qui leur est propre dans la tribune derrière le but. Les chants se font de plus en plus puissants et c’est dans le chaos le plus total lorsque les Rouge et Bleu pénètrent à leur tour sur le terrain. L’ambiance en est assourdissante, on en prend plein les yeux et plein les oreilles !
Tout juste le temps de reprendre nos esprits que le match commence. A la surprise générale, c’est Argentinos Juniors qui bouscule d’entrée Mauro Cetto et ses copains de San Lorenzo. Après une chaude alerte dès la 5ème minute sur la cage locale, les visiteurs continuent de pousser et se voient récompensés dès la 11ème. Julio Barraza, opportuniste, propulse le ballon de la tête dans le but vide après un coup-franc bien distillé. Stupeur générale dans le stade ? Même pas, les chants redoublent d’intensité. C’est tellement impressionnant qu’on pourrait croire que c’est San Lorenzo qui vient d’ouvrir le score ! Galvanisés par leurs « hinchas », les joueurs du Boedo (le quartier d’origine du club) posent enfin leur jeu et mettent une grosse pression sur la cage de Migliore jusqu’à toucher le montant à la 35ème minute. Il n’en fallait pas plus pour animer de plus belle les tribunes qui ne cessent de nous surprendre au fil des minutes.
Malgré ces efforts et cette ambiance à couper le souffle, l’arbitre renvoie les 22 acteurs aux vestiaires sur le score de 0-1.
« Je te jure que même dans les moments difficiles, je ne cesserais jamais de t’accompagner »
Le deuxième acte reprend et San Lorenzo se précipite vers l’avant pour égaliser le plus rapidement possible en laissant beaucoup d’espaces. Trop. Et neuf minutes seulement après la reprise, le portier d’Argentinos relance directement de l’autre côté de la ligne médiane et trouve son partenaire laissé seul par la défense des locaux. Ce dernier accélère côté droit et centre magnifiquement en direction de Boyero qui ajuste le gardien « azulgrana » d’une tête puissante. 0-2. Là, on se dit que ça va être compliqué d’inverser la tendance. Argentinos réalise le hold-up. Le plan de Caruso Lombardi fonctionne parfaitement, ça défend bien avec deux lignes de quatre bien compactes et ça jaillit très vite vers l’avant. Un réalisme qui frappera une nouvelle fois de plein fouet onze minutes plus tard. Cette fois c’est côté gauche que Gomez est esseulé, il déborde, crochète vers l’intérieur et vient mystifier une nouvelle fois le portier de San Lorenzo au sol. 0-3, les supporteurs du « Ciclon » savent bien que les carottes sont cuites mais décident à ce moment-là de faire honneur avec un chant d’une puissance phénoménale repris par l’ensemble du stade. « Je te jure que même dans les moments difficiles, je ne cesserais jamais de t’accompagner » s’égosillent-ils. La suite ne sera qu’une succession de passes ratées et de frustrations, l’équipe du Pape est sans doute émoussée du quart de finale de la Coupe d’Argentine remporté cette semaine. Il reste alors cinq minutes et c’est le moment choisi par les supporteurs de San Lorenzo, qui commençaient sérieusement à s’ennuyer, pour déclarer tout leur amour pour l’ennemi voisin Huracan aujourd’hui en seconde division. Un chant détonnant accompagné d’une gestuelle qui durera plus de dix minutes au total et qui ferait presque oublier le score. Fin du match, défaite 0-3 de San Lorenzo face à Argentinos Juniors, mais c’est bien la dernière chose que l’on retiendra.
Après avoir papoté avec une tête bien connue de la Ligue 1, Mauro Cetto qui nous a confié être abattu, on ne s’éternise pas dans le quartier. On saute dans un taxi car aujourd’hui c’est direction Rosario pour vous faire vivre un nouveau match ! Cette fois ce sera le nouveau club de David Trezeguet, les Newell’s Old Boys qui accueilleront Belgrano de Córdoba. Mais pour cela, il faudra attendre demain…
Par Bastien Poupat à Buenos Aires