Après avoir éliminé l’Ajax, un autre adversaire mythique du football européen sépare les Niçois d’une éventuelle qualification en Ligue des champions. Une équipe toute aussi joueuse, dans une ambiance de folie, ce Naples-Nice avait tout pour séduire.
Trois heures avant le coup d’envoi, les rues aux alentours du stade San Paolo sont déjà bondées de tifosi au point d’occasionner de bonne heure une circulation chaotique. La chaleur étouffante depuis le début du mois dans le sud de la Botte et les 35 degrés du jour n’ont pas effrayé les Napolitains. Les vendeurs ambulants quadrillent le terrain, que ce soit pour écouler une écharpe, une Borghetti (liqueur de café en flacon), ou même une Sambuca (liqueur à base d’anis). Les forces de l’ordre aussi sont déjà omniprésentes, avec des carabiniers à tous les coins de rue. Les autorités italiennes, peu enclines à s’embarrasser, ont comme à leurs habitudes décider d’interdire la présence des supporters visiteurs. Le tout, pour des incidents à la gravité relative lors d’un match amical en 2015 et d’une supposée rivalité entre des supporters qui ne se rencontrent jamais. Par réciprocité, les Napolitains seront également indésirables à l’Allianz Riviera mardi prochain.
Sur les coups de 18 heures, des files interminables se forment rapidement, les vérifications à l’entrée étant plus strictes de l’autre côté des Alpes. D’ailleurs, impossible pour les plus impétueux d’acheter légalement une place aux guichets en dernière minute même si le stade ne sera pas totalement plein. Il n’est pas rare d’entendre parler français des supporters vêtus d’azzurro, sans doute des italiens d’origine en vacances dans la région. Quelques Niçois ont aussi bravé plus ou moins incognito l’interdiction. Des photos sur Internet témoignent de la présence du « berger » à Naples, véritable mascotte du public azuréen. Mais aucune trace des couleurs de l’OGC Nice à l’horizon. Étonnement, du côté de la Curva B un jeune distribue un communiqué… concernant les ultras de la Curva A. Celle-ci s’était officiellement auto-suspendue avant de prendre la tessera del tifoso, obligatoire pour supporter son équipe à l’extérieur. Désormais, la Curva A annonce son « retour » et explique les raisons de ce revirement après avoir lutté contre la tessera del tifoso depuis près de dix ans.
Dans l’enfer du San Paolo
19 heures, il est temps d’entrer dans la tribune de presse. Les joueurs niçois effectuent leurs repérages peu après sous une nuée de sifflets plutôt impressionnante. Au contraire, les Napolitains sont bien entendus acclamés. Naples, dont l’équipe dispute son premier match de compétition depuis presque trois mois, a faim de football. Les Curva A et B sont pleines, toutes comme les latérales (distinti). Seuls quelques places et une partie des secteurs inférieurs sont inoccupées. Sans compter le parcage tristement vide. Une banderole « no away fans, no way for football » a d’ailleurs été déployée par la Curva A, comme ailleurs en Europe (Olympiakos notamment). Lorsque les joueurs reviennent sur la pelouse, l’hymne de Ligue des champions retentit. Et avec lui le traditionnel « the champions » crié par le public ici sur la note finale. L’animation des virages commence enfin, la B entonne très vite sa version d’un giorno all’improvviso tandis que la A passe aux insultes d’emblée. Cette atmosphère hostile et l’armada du Napoli semble intimider les Niçois.
C’est paradoxalement au moment où la formation de Lucien Favre se désinhibe qu’elle encaisse un but signé Dries Mertens lancé en profondeur. Le gardien des Aiglons Yoann Cardinale se rend coupable d’une sortie hasardeuse et se voit éliminé au duel. Le Stadio San Paolo exulte. Le speaker Decibel Bellini, vedette locale, ne se prive pas de scander plusieurs fois le nom du Néerlandais. Coup de froid pour les visiteurs alors que les travées s’enflamment. Quelques fumigènes sont craqués en Curva B. Même pas dix minutes plus tard, c’est Callejon qui profite d’une ouverture similaire à l’action du but. Cette fois, Cardinale s’envole. Le répertoire partenopeo est récité de chaque côté : « Siamo i figli del Vesuvio » de l’un, « Noi siamo napoletani » sur l’air du chant « Avanti ragazzi di Buda » de l’autre.
Voilà ce que ça donne un but en direct du San Paolo. #NapoliNice pic.twitter.com/1VqHwLq5ze
— Adrien Verrecchia (@AVerrecchia_) August 16, 2017
Naples enchaîne les occasions, la défense de l’OGC Nice souffre entre les ballons envoyés dans son dos et la vitesse des petits attaquants italiens. La prestation de la Curva B se révèle un peu plus solide dans la continuité que celle de son homologue. « Conquista la vittoria », « Noi vogliamo 11 leoni » sont autant d’autres chants qui s’élèvent de ce secteur. Il faut attendre la 35e pour voir la première grosse occasion des visiteurs. Jallet déboule sur son côté et arrive à trouver Koziello dont la frappe trop croisée passe légèrement à côté du poteau. 4 minutes plus tard, c’est une percée solo d’Allan Saint-Maximin – inconnu ici et dont le nom a bien été retenu – au milieu de terrain qui sème la panique chez les transalpins. Une dernière frappe enroulée d’Insigne claquée par Cardinale illuminera la fin de ce premier acte.
Verre à moitié vide ou à moitié plein
Le pauvre directeur de la communication du Gym, assis juste à côté, enchaîne les cigarettes nerveux et dépité. Si la défense a été mise à mal, Naples s’est vu quasiment offrir le but du 1-0 et a manqué de réalisme. Avec plus de réussite, le score aurait pu être tout autre en faveur des Niçois ou des locaux. Côté ferveur, la seconde période repart sur les mêmes bases. La Curva B réclame un autre but (« segna per noi »), et la A invite tout le virage à chanter (« tutta la curva »). La possession est relativement équilibrée mais Naples se crée une nouvelle fois les plus nettes occasions. Comme à la 50e lorsque Cardinal repousse une frappe qu’Insigne ne peut reprendre au deuxième poteau. La Curva A décidément taquine, insulte à nouveau avant de « ne pas lâcher » les encouragements (« non mollare per te »). L’écart se creuse à la 68e avec une faute de Jallet sur Mertens, penalty. Certaines images suggèrent que la faute aurait été commise en dehors de la surface. Jorginho transforme dans un San Paolo ravi, 2-0. Des « qui ne saute pas est juventino » descendent des travées.
Une dizaine de minutes après, le match bascule définitivement. L’arbitre polonais expulse Koziello et Plea reçoit un second carton jaune pour contestation. Réduit à 9 contre 11 à Naples, l’OGC Nice fait mieux que résister. Certainement aussi grâce à une baisse de rythme des Italiens, moins avancés sur le plan physique à ce stade de la saison. Le même effet se ressent dans les tribunes, embourgeoisées d’une victoire tranquille se dessinant. Un dernier « un giorno all’improvviso » repris par une bonne partie du stade vient clôturer la soirée au coup de sifflet final. Les Niçois veulent tout de même croire au miracle à l’Allianz Rivera mardi, avec l’appui de leurs supporters. Des supporters qu’on aura privés d’un de ces déplacements qu’on raconte encore des décennies plus tard avec nostalgie.
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