Demain soir, le Benfica reçoit l’Atlético de Madrid en Ligue des champions. La Grinta s’était rendue au match aller au Vicente-Calderon, le 30 septembre dernier… en tribune VIP. Après avoir arpenté les tribunes populaires de France et de Navarre, on vous raconte notre immersion dans l’antre du grand Satan UEFA.
« – T’aimes le foot ? – Ouais quand même, pourquoi ? – Ben j’ai quatre invits en VIP pour Atlético-Benfica mercredi prochain et je peux pas y aller. Ça t’intéresse ? » C’est donc au hasard de cette conversation avec un expat français de Madrid que je connaissais à peine que j’ai été embarqué dans mon premier match de Ligue des champions. Et, je ne l’aurais jamais imaginé, en VIP. Une tribune où les places coûtent 250 euros en temps normal.
Me voilà donc, accompagné de trois autres chanceux, au Vicente-Calderon pour une belle affiche de C1. Les environs du stade sont blindés de supporters Colchoneros et de maillots floqués Griezmann. On entend d’ailleurs pas mal parler la langue de Molière. Clairement, l’Atlético a séduit les nombreux expats français de Madrid. On s’éloigne du flot de la foule pour atteindre les tribunes VIP. On passe devant le tapis rouge qui mène à la présidentielle, histoire de nous rappeler qu’il y a encore plus privilégiés que nous, et nous voilà enfin à l’entrée de notre tribune.
Dans un autre monde
L’arrivée dans la loge VIP nous fait prendre conscience de l’endroit où on met les pieds. Des hôtesses de l’UEFA au physique de mannequins – elles le sont probablement, d’ailleurs – nous accueillent dans la loge. Notre place, gentiment rangée dans un carton UEFA, est accompagnée de consignes pour profiter du match comme le font les grands de ce monde, avec le petit doigt en l’air. Parmi ces consignes, un dress code qui interdit d’être habillé… en maillot de foot. Magnanimes, les hôtesses autorisent un ou deux supporters habillés d’une liquette de l’Atlético à profiter, tout de même, de leur place à 250 balles.
En nous jetant sur l’alléchant buffet, on se dit qu’on n’a jamais autant eu l’impression d’être dans un autre monde. Et pourtant, on n’a pas tout vu ni tout entendu. Soudain, deux chanteurs d’opéra vont derrière la petite scène aménagée dans la loge et nous chantent, rien que pour nous, l’hymne de la Ligue des Champions. En effet, on est dans un autre monde. Il est temps d’aller nous asseoir en tribune.
C’est magnifique. Le stade est blindé. Nous sommes près des ultras portugais, qui ont l’air chauds comme la braise. De loin, on peut voir la tribune des ultras du Frente Atlético, qui ont l’air tout aussi pressés que la rencontre commence.
L’hymne retentit dans la sono. Même si on l’a déjà entendu, c’est toujours aussi impressionnant. Et c’est parti. Sur le terrain, les premières minutes marquent une domination totale des Colchoneros. En tribunes, les chants sont impressionnants des deux côtés. Quelques minutes après le début de la rencontre, les ultras du Benfica se mettent à entonner un chant de Bob Marley et de la fumée s’échappe de la tribune. Il semblerait que les Portugais soient assez portés sur la fumette.
L’Atlético pousse
Les Colchoneros dominent le début de match. À la 14e minute, c’est pourtant le Benfica qui se procure la première grosse occasion, avec le défenseur central, (3), qui dégage le ballon sur sa ligne. À la 20e, Jackson Martinez de l’Atlético se retrouve bien placé pour marquer mais tire trop haut. Et deux minutes plus tard, les Madrilènes ouvrent enfin le score sur un tir à bout portant d’Angel Correa. Le Vicente-Calderon fait éclater sa joie, la sono balance
l’immanquable Seven Nation Army. Et l’équipe continue à pousser, sous les « Aleeeeti, Aleeeeti » du public. À la 24e minute, Griezmann manque le cadre. Le tir aurait pourtant été plus facile à mettre au fond qu’à louper. Sur l’action suivante, c’est au tour de Jackson Martinez de rater l’immanquable. Le stade est on fire, et dans la tribune visiteurs, les Benfiquistas ne sont plus qu’une trentaine à continuer de chanter. Et la salve continue : à la 28e, l’Atlético loupe à nouveau une grosse double occasion. Jackson Martinez – encore – bute sur Julio César et Angel Correa, qui récupère le ballon, ne cadre pas son tir.
La demi-heure de jeu marque la fin de la domination colchonera. Et le début du grabuge dans la tribune visiteurs. À l’approche de la mi-temps, les Portugais craquent plusieurs fumigènes, dont quelques-uns finissent sur la pelouse. Des cris « Fueeeeera, fueeeeera » (Dehors, dehors !) fusent dans notre tribune de privilégiés. L’ambiance est explosive, dans les tribunes et sur le terrain. Sur l’action suivante, une bagarre manque d’éclater sur la pelouse. Les insultes fusent, la tension des grands matchs est plus que palpable. Et pour ne rien arranger, les Portugais égalisent dans la foulée (35e), sur un centre de Semedo mal dévié par Diego Godin, que Nico Gaitan se charge d’envoyer au fond. La première mi-temps se conclut de façon toujours aussi haletante, et au coup de sifflet de l’arbitre, pour la tribune VIP, il est temps d’aller à nouveau se remplir la panse au salon.
Soirée de luxe pour Benfica
Alors que mes camarades s’éternisent un peu trop dans le salon des privilégiés, je retourne en tribunes, constatant que la seconde mi-temps vient de reprendre. À peine me suis-je rassis que Nico Gaitan, encore lui, s’extirpe du marquage des deux défenseurs colchoneros et centre pour Gonçalo Guedes, quasi seul dans la surface, qui réussit à tromper le gardien dans un angle fermé. 50e minute et 2-1 pour les visiteurs.
Mes comparses, prévenus par la clameur venue de l’extérieur qu’ils avaient loupé quelque chose, ne peuvent que voir la tribune visiteurs exulter à la folie. De nouveau, les fumigènes et les feux d’artifice illuminent la tribune. À tel point que les messieurs en costard-cravate de l’UEFA se sentent obligés d’afficher sur l’écran géant le message « Pour le bien du football, veuillez maintenir le respect et le fair-play » en portugais. Évidemment, aucun supporter portugais ne se dit « si l’UEFA nous dit de nous calmer, je vais le faire » et l’ambiance à la fois folle et tendue continue encore quelques minutes.
À la 57e minute, le Benfica passe tout près de gâcher son avantage par un CSC, mais le score en reste à 2-1. Les minutes passent et se ressemblent, l’Atlético domine mais bute sur une défense benfiquista intraitable. Il ne reste que vingt minutes quand Antoine Griezmann, bien transparent ce soir, cède sa place à Vietto sous les huées du Vicente-Calderon. Le sang neuf apporté par Simeone n’y change rien. Ni Vietto ni Fernando Torres ne parviennent à se montrer dangereux, et le match se termine sur une victoire des Portugais. Leur défense s’est montrée impeccable et la domination des locaux n’a servi à rien. Quant à nous, il est temps d’aller profiter encore un peu de l’excellente bouffe gratuite. Avec d’autant moins de scrupules que c’est Platoche qui paie.