Le mercato marseillais est d’ores et déjà lancé. A l’inverse de la politique menée cet été faute de moyens, la période hivernale devrait elle être bien plus agitée du côté de la Canebière. L’occasion d’étudier d’un peu plus près la logique pas toujours très claire des décideurs olympiens.
La nouvelle est désormais officielle, Foued Kadir est la première recrue du mercato marseillais. L’ex-Valenciennois âgé de 29 ans arrive dans un club qu’il connait bien et pour cause, l’homme est originaire de Martigues. Dans le même temps, le jeune Brice Samba arrive lui en provenance du Havre, comme Steve Mandanda quelques années plus tôt. Sans analyser intrinsèquement la qualité de ces deux joueurs, les premiers mouvements au sein du club phocéen laissent une nouvelle fois – sur le fond – dubitatif au vu de la politique et des affirmations ouvertement prêchées par les composantes fortes du club dans la presse. Au fur et à mesure que le temps passe, l’OM persiste dans ses incohérences, comme si l’établissement d’un véritable projet notamment en termes de formation n’était en réalité qu’une vaste utopie, deux ans à peine après avoir regoûté au succès.
Une volonté : développer la formation
Le but n’est pas ici de remettre en question ni les tiraillements connus au sein du club l’an dernier, ni de juger de la qualité des joueurs recrutés ou plus généralement du niveau de l’équipe marseillaise actuellement. Le fait est que depuis une petite dizaine d’années, les dirigeants ciel et blanc affichent l’ambition de développer un centre de formation performant à l’OM. Cette volonté fait directement écho aux moyens financiers limités dont disposent les Phocéens pour recruter. L’idée est donc simple, Marseille doit pouvoir, avant d’acheter tel ou tel joueur, s’appuyer sur son socle et ses jeunes pour briller. D’aucuns ont même osé le parallèle avec le modèle barcelonais, insistant sur la nécessité de créer une identité tactique propre au club, articulée et basée majoritairement sur les jeunes de la région. Lors de ces deux dernières saisons, il a par exemple été reproché à Didier Deschamps sa pseudo frilosité au moment de faire confiance aux jeunes pousses olympiennes. Pire, certains ont accusé le nouvel entraîneur des Bleus de mettre ces espoirs volontairement de côté. Alors, délit de faciès vraiment ?
Un problème de niveau
Non. Car plus que ces attaques gratuites envers l’ex-patron technique du club phocéen, c’est bel et bien sur le niveau global de la formation marseillaise qu’il est bon de s’interroger. Le constat est clair et commence à devenir poussiéreux : l’OM n’arrive pas à opérer la mue officiellement désirée par ses têtes pensantes. Outre les retentissants échecs post 2000 incarnés par les cas Flamini (titulaire d’un contrat amateur, ndlr) ou Benatia – aujourd’hui considéré comme un brillant défenseur en Italie – le club est en en réalité incapable de mener un vrai projet de fond visant à amener la formation olympienne parmi les meilleures de France. L’OM a ainsi vu son équipe réserve reléguée en DH (division d’honneur, ndlr) en 2010 alors que celle-ci visait ouvertement la CFA. Depuis, cette équipe majoritairement composée de jeunes joueurs a, tant bien que mal réussi à remonter en CFA2. Il n’empêche que ce petit passage par la DH n’est pas vraiment conforme au statut d’un club comme l’OM, à l’heure où des clubs de L2 arrivent par exemple à avoir leur équipe réserve en CFA. Malgré ces malheurs, certains joueurs ont pourtant dès l’an dernier goûté à l’équipe première, notamment durant les stages de préparation. Seulement au cours de la saison, ces joueurs se seront davantage fait remarquer par leur comportement que par leur talent, en atteste le cas Chris Gadi, renvoyé en équipe réserve par Didier Deschamps devant le peu d’investissement montré par le joueur à l’entraînement. Ainsi, les jeunes les plus talentueux du club, ceux censés un jour accéder à l’équipe pro ont, pour la plupart et comme l’an dernier, été prêtés à des clubs de divisions inférieures afin de s’aguerrir. Chris Gadi a rejoint Boulogne-sur-mer. N’Doumbou fait banquette à Orléans en National alors que Najib Ammari évolue à Rouen. Ce dernier est même indiqué à Mönchengladbach sur le site officiel olympien, signe que le club lui même est un peu perdu. Kévin Osei joue lui – tout comme Billel Omrani et Senah Mango – avec l’équipe réserve de l’OM à la suite d’une expérience ratée en prêt à Bayonne l’an dernier. Bref, la liste est longue. Ces joueurs ont tous comme point commun d’avoir déçu…ou de ne pas avoir eu leur chance. Plus inquiétant, très peu semblent à même de viser à terme une carrière professionnelle à une échelle convenable dans le futur. Le problème est bien réel, ces jeunes ne sont tout simplement pas au niveau de ce que l’on est en droit d’attendre d’un club comme l’OM. Une conclusion qui la fout mal pour la formation marseillaise.
Le centre de formation, une priorité, vraiment ?
Seulement ce problème de niveau n’est il tout simplement pas le fruit direct d’une politique globale incohérente de la part du club ? Avoir des projets, c’est bien, mettre ses actes en adéquation avec ceux-ci, c’est encore mieux. Aussi, il y a quand même de quoi être dubitatif vis-à-vis de la gestion de la jeunesse provençale dans son ensemble. Par exemple et, pour en venir au présent mercato, peu satisfait du rendement de Bracigliano en tant que « gardien plein d’expérience » pour reprendre des termes entendus au moment de son recrutement (une qualité à l’époque), le club opte pour un jeune de 18 ans sans « aucune expérience » au plus haut niveau. Logique ? Brice Samba, remplaçant au Havre aura donc pour tâche, du haut de sa récente majorité, de suppléer l’inamovible Mandanda. Un signe de plus qui montre en réalité que, derrière de belles paroles, le club peine à faire confiance à ses jeunes. Pire, il n’hésite pas à les mettre volontairement en difficulté. La symbolique pour Escales et Fabri – deux jeunes gardiens marseillais aux profils assez proche de Samba – est forte. Le premier cité est au club depuis plus de huit ans et fait partie du groupe U17 nationaux. Julien Fabri garde lui les buts de la réserve et est fréquemment sélectionné avec l’équipe de France U19. Bref, ces deux gardiens font depuis longtemps figures d’espoirs pour les formateurs marseillais. De fait, comment interpréter la signature de Brice Samba en qualité de doublure de Mandanda, lorsque l’on sait que le Havrais n’a jamais joué le moindre match sous les couleurs normandes ? Via cette signature, les dirigeants marseillais avouent réalité à demi-mots qu’ils ne comptent pas sur les deux jeunes gardiens déjà présents au club pour être davantage que des numéros 3. Une situation ubuesque au vu de l’argent récemment investit dans le centre de formation, appuyé par le fameux discours encore entendu cet été « Cette saison plus que jamais, nous allons avoir besoin de nos jeunes ». Honteux ? On en n’est pas loin.
Le paradoxe marseillais : un recrutement mal ciblé
Finalement, c’est à se demander si l’OM ne court-circuite pas volontairement ses jeunes. Pas très étonnant après ça de lire des joueurs reconnaître dans la presse qu’ils ont refusé le centre de formation marseillais par peur de ne jamais accéder au professionnalisme. Les cas Jordan ; dont le club voulait se séparer cet été (tiens tiens…) ; et André Ayew, marseillais jusqu’au bout des ongles (merci papa) sont les seules satisfactions de ces dernières années. Et pourtant, le club a fait signer des contrats professionnels à beaucoup de ses jeunes, signatures sans lendemain qui ont eu pour seules conséquences d’alourdir encore un peu plus la masse salariale. C’est sans doute là que le paradoxe marseillais prend tout son sens. L’OM – et l’on parle là d’une tendance longue – est incapable de « sortir » des joueurs talentueux de son centre alors que la région Provence-Alpes-Côte-D’Azur et plus généralement le sud de la France représente un extraordinaire vivier de talents où d’autres clubs ont su tisser de vastes réseaux. C’est en ce sens que le transfert de Foued Kadir vers l’OM étonne aujourd’hui. Les dirigeants marseillais rapatrient au final un joueur né à Martigues qui aurait, comme beaucoup d’autres avant lui, sans doute pu (dû ?!) être repéré par les formateurs olympiens il y a bien longtemps. Sans revenir à des exemples aussi lointains que celui de Zidane, les Gignac, Fanni ou autre Djibril Cissé pour lesquels le club a dépensé par le passé une petite fortune, sont tous originaires du sud. Kassim Abdallah a lui grandi à Marseille, tandis que Raspentino arrivé cet été a lui usé ses fonds de culotte au Vélodrome faisant même partie d’un groupe de supporters bien connu. Romain Alessandrini le Rennais qui clame son amour pour l’OM depuis le début de saison n’a, plus jeune, pas attiré non plus l’attention des recruteurs marseillais. A croire que la logique est plus au rapatriement des talents marseillais déjà éclos qu’à la formation de ces derniers en amont. Bien évidemment, il est important de replacer ces cas dans le contexte de l’époque. A savoir une période où le club ne revendiquait aucunement une âme formatrice comme aujourd’hui.
Seulement cette volonté tend dorénavant à changer aux dires des dirigeants. Mais est-ce en persistant dans un recrutement aussi peu ciblé que cette philosophie nouvelle sera couronnée de succès ? Est-ce en dégoûtant sa jeunesse et les vrais amoureux du club que Marseille retrouvera un jour son rang de façon constante ? Est-ce en continuant ces coups bas avec les pensionnaires du centre de formation que l’OM sortira de futurs cracks ? Permettez-nous d’en douter…