C’est dans l’air du temps : la verticalité a triomphé de la latéralité au stade Vélodrome. En laissant le ballon aux Lyonnais et en restant compacts dans leur moitié de terrain, les hommes de José Anigo ont rendu la possession lyonnaise stérile, avant de concrétiser cette solidité en attaque rapide. Si l’OM n’est pas parvenu à rendre une copie parfaite défensivement, c’est bien sur sa supériorité dans ce domaine qu’il a bâti son succès.
Entame en trompe-l’œil
Les premières minutes sont très positives pour Lyon. Le ballon est marseillais mais le 4-3-1-2 de Rémi Garde (4-3-3 sans le ballon) perturbe beaucoup la relance. Dès la 3e minute, une interception haute de Gomis provoque la première occasion de la partie. Sur cette séquence, l’OM aurait pu payer à la fois son obstination à jouer court et l’indiscipline de son repli, l’absence d’Ayew étant exploitée par Gonalons pour trouver appui sur Gomis, ce qui permet à Lacazette de partir dans le dos de Diawara. Même si Gomis était hors-jeu, ce premier accroc défensif aurait pu couter un penalty (voire pire) à l’OM.
Cette occasion va sonner comme un avertissement sans frais pour les joueurs de José Anigo qui vont profiter de ce coup de fouet pour inverser les rôles et se tenir derrière le ballon de façon beaucoup plus disciplinée.
Les deux temps forts de l’OM
Après ce regain de rigueur dans le replacement, c’est au tour de l’OL de posséder le ballon latéralement derrière la ligne médiane. La ligne Ayew-Cheyrou-Romao-Payet-Thauvin défend bien sur la largeur et coulisse bien, derrière le seul Gignac, dont le placement est tout aussi discipliné. Quand le ballon est axe gauche, c’est Payet qui sort sur le porteur, quand le ballon est à droite, c’est Cheyrou qui perturbe la construction lyonnaise. Sur les ailes, Thauvin et Ayew font aussi le travail, poussant Bisevac et Umtiti à chercher (trop) patiemment une solution.
Impuissants, les Gones ne trouvent pas les appuis interlignes face à cet OM compact et doivent allonger. Mais même en prenant la bonne initiative de limiter ces transmissions latérales, les Lyonnais craquent les premiers sur coup de pied arrêté (Diawara 13e). Sans avoir encore montré grand-chose dans le jeu, l’OM est déjà devant : scénario idéal pour une équipe qui abandonne le ballon au profit de la défense son territoire.
Les hommes de Garde paient leur mauvaise attitude défensive : Ferri fait faute sur Ayew alors que le Ghanéen était pris à 2, quelques secondes plus tard, c’est Gomis qui faillit au marquage. En animant parfois leur schéma d’une façon assez basique, les Marseillais poussent tout-de-même les Lyonnais à la faute en pressant dur sur ces passes casse-croute, à l’image des quelques caramels offerts à Bisevac par Gignac.
Les lignes d’Anigo sont plus serrées que celles de Garde, et naturellement plus efficaces. Mais les Olympiens font également du ballon une utilisation plus pertinente. Plus percutants dans leur entreprises et plus verticaux dans leurs transmissions, ils auraient pu être récompensés de ces deux qualités collectives dès la 18e minute, quand Bedimo tamponne Thauvin en se replaçant au sprint avec quelque secondes de retard.
Ils le seront finalement à la 26e par le même Thauvin, sur une séquence qui est un condensé des enjeux tactiques de ce match : un OL forcé à la latéralité (puis à la précipitation verticale) par le bon repli Marseillais, une utilisation essentielle du ballon par les Olympiens qui réduisent les touches de balles pour trouver la verticalité, avec l’efficacité en bonus.
Les 3e et 4e buts s’inscrivent également dans cette logique positive pour l’OM. L’entame de la deuxième mi-temps est une synthèse de tout ce qu’on a vu lors de la première : Les Lyonnais condamnés à une construction latérale, sans pouvoir dépasser la ligne médiane, et un OM ultra vertical dès la récupération : 5 minutes de circulation rhodanienne contre une passe de Cheyrou à Gignac après la récupération du ballon. La couverture de Bisevac et l’opiniâtreté du Martégale (qui s’y reprend à deux fois après deux crochets) font le reste.
Le 4e but n’est pas inscrit en contre-attaque, mais plutôt en attaque placée rapide. Là encore, les ingrédients sont les mêmes. Compacité, verticalité. Tu arrives trop tard, projet Dortmund.
Les temps faibles de l’OM
Après leur excellente première demi-heure, les Marseillais vont baisser en concentration, et le payer immédiatement, sur le but de Mvuemba. La frappe de l’ancien Lorientais est pure, et son but superbe, mais il ne tombe pas totalement du ciel.
Sur cette énième séquence d’attaque placée de l’OL, les Phocéens vont manquer aux quelques ingrédients qui faisaient jusqu’alors leur force. Moins compacts et disciplinés dans leur repli, les Marseillais passent immédiatement à la caisse, Lyon étant plus apte à gagner les seconds ballons dans ces conditions. Celui de Mvuemba finira en lucarne, après un relais avec Bedimo. Un premier rideau moins discipliné, c’est une ligne cassée. La première vraie position de frappe trouvée (mise à part l’occasion du début de match) fait mouche et ramène l’OM sur terre.
Marseille va connaître un gros moment de flottement entre ce but et la mi-temps, même s’il suffira d’un long ballon à Mandanda sur Ayew pour créer une énorme occasion de Payet, sur un nouveau centre de Morel. L’OM va également faiblir dans la dernière demi-heure, et là encore, c’est physiquement et (donc) dans la concentration que les Marseillais vont flancher. Sans conséquence, mais pas sans enseignement.
La victoire tactique d’Anigo / la question Bielsa
Il ne serait pas vraiment juste de considérer que les Lyonnais ont juste rendu une mauvaise copie sur le plan technique, et qu’ils ont juste été maladroits dans l’utilisation du ballon. Les absences combinées de Gourcuff et Grenier vont dans ce sens, mais avec Mvuemba, Gonalons et Ferri, on ne peut pas dire que Garde ait aligné un trio de Vikings incapable d’aligner deux passes. C’est la supériorité numérique créée par cet OM discipliné derrière le ballon qui a fait déjouer le cœur du jeu lyonnais, et c’est la compacité de l’OM qui a empêché les appuis, ou forcé les Lyonnais à les chercher dans des conditions impossibles techniquement pour leur 3 joueurs offensifs (Fekir, Lacazette et Gomis).
Les Marseillais ont serré les lignes par le bas et les Lyonnais ont été incapables de le faire par le haut (seulement 2 hors-jeux pour l’OM), à l’image de l’alignement, toujours en cause dans les buts encaissé par l’OL. Anigo a clairement pris le meilleur sur Garde en proposant un bloc bas et compact.
Toutes proportions gardées, à l’image du Real contre le Bayern, de l’Atlético contre le Barça, ou encore du Napoli contre la Fiorentina samedi dernier, l’OM s’est inscrit dans la tendance de ces derniers mois. En proposant un cocktail gagnant : solidité + verticalité, et avec la réussite qu’il fallait dans la finition, notamment lors de l’ouverture du score, qu’il a obtenu sans avoir encore proposé grand chose.
Ce match était très intéressant du point de vue Marseillais à plusieurs égards : Il a mis en lumière (une fois n’est pas coutume cette saison) une vraie supériorité tactique de l’OM, mais plus largement il pose une question pour la saison prochaine.
Bielsa est-il vraiment l’homme qu’il faut à Marseille ? Le coup de mou de fin de première mi-temps trahit une équipe fatiguée mentalement et physiquement par un contexte harassant. Les Marseillais ont bâti ce succès probant sur une grande solidarité défensive et une grande sobriété dans l’animation, entre verticalité tranchante, et longs ballons rudimentaires.
Est-ce de séances de 3 heures, de possession de balle et de flamboyance dans le jeu dont cet OM-là a besoin pour le futur ?