Novos Baianos, c’est un groupe de musique brésilien mythique des années 1970. Sur les images, des hippies vêtus aux couleurs du Flamengo ou d’autres clubs de Rio. En plus de révolutionner la musique brésilienne grâce à leurs airs séduisants, les Novos Baianos ont créé une communauté faite de musique et de parties de foot, en pleine dictature. Entre musique et foot, la frontière est poreuse : un de leurs albums s’intitule même Novos Baianos Futebol Club. Il fallait forcément que ça vienne du Brésil.
Pour se rendre compte de ce que sont les Novos Baianos au Brésil, le magazine Rolling Stone Brésil a nommé leur album Acabou chorare (1972) meilleur album brésilien de tous les temps. Ça donne une idée. Acabou chorare est un album doux, aux mélodies subtiles et réjouissantes, qui s’écouterait bien les pieds dans l’eau. Peu de parole, des airs simples et efficaces. Hippie, c’est certain, brésilien, encore plus.
C’est João Gilberto, maître de la bossa nova (croisement de samba et de cool jazz), qui fait découvrir à ce collectif de Bahia, État du Nord Est du Brésil, la musique brésilienne. Eux écoutaient jusque-là Janis Joplin et Jimi Hendrix. Ces deux influences se retrouvent mêlées dans le somptueux album de 1972. Moraes Moreira, Luiz Galvão, Pepeu Gomes, Paulinho Boca de Cantor et l’emblématique Baby Consuelo sont les 5 membres à l’origine du collectif. Ils quittent leur État natal pour s’installer dans un appartement à Rio de Janeiro, ville alors au centre de l’effervescence culturelle. Ils disparaissent ensuite de la scène artistique brésilienne pour fonder une communauté à Jacarepaguá, à 50 kilomètres de Rio. Tout cela en pleine dictature militaire. Membres du groupe, épouses et enfants, argentins, indiens boliviens, tous cohabitent et mettent à mal le modèle traditionnel de la famille.
La musique est un sport collectif
La vie, dans la communauté, est faite de musique et de football. Dans une interview au journal Estado de São Paulo, le guitariste des Novos Baianos se souvient : « Nous avons mis le foot au centre de tout. Nous étions littéralement une équipe de foot, où chacun avait sa position, mais jouait pour l’équipe. Et c’était pareil dans la vie. Celui qui savait cuisiner, cuisinait. Celui qui ne savait pas lavait les assiettes. On se nourrissait de poésie, de musique et de foot. Et puis il y avait ce truc de l’amour libre… ». Pourquoi on n’y a pas pensé plus tôt ? Pendant quelques années, pas de prise de tête, comme le commente le compositeur et chanteur Paulinho dans le documentaire de Solano Ribeiro intitulé Novos Baianos F.C. (1973), tourné dans la communauté : « Nous sommes vraiment tranquilles. On vit comme une équipe de foot. Quand le ballon arrive dans les pieds du joueur, il ne doit pas trop réfléchir. Il doit shooter, dribbler et faire une passe à son coéquipier.«
Le joueur de foot Afonsinho, notamment passé par Flamengo et Fluminense, a fait un saut par la communauté : « C’était drôle, ils étaient un peu fous et rêveurs. Ils ont joué contre l’équipe des jeunes de Santa Cruz ou du Sport Club, à Recife. […] Il y a eu une Coupe, je crois que c’était celle de 1974, et j’ai assisté à un match dans leur communauté. C’était vraiment super. Tout était en commun et divisé. Tout le monde y allait. Dans leur équipe, le petit, qui est décédé maintenant, était un bon ailier droit. Il était rapide, il courrait beaucoup. Galvão était l’archétype parfait d’Ademir de Menezes. Un pur avant-centre ».
L’album Novos Baianos F. C. est l’illustration parfaite du syncrétisme entre football et musique et la matérialisation de ces années de communauté. Il sort en 1973. Le titre est construit sur le modèle du nom des équipes de foot. Plus qu’il ne rend hommage, il brouille les repères traditionnels du groupe de musique, qui devient équipe. L’album est d’ailleurs considéré comme l’un des meilleurs du groupe par les fans. Dans les paroles, le mot « ballon » est bien sûr central, tout autant que « soleil », « brésilien » ou « samba ». L’univers des Novos Baianos, en somme.