Ce week-end, la Premier League est de retour. Les médias ne cessent de louer ce championnat que d’aucuns estiment comme le meilleur au monde. L’élite des clubs anglais est le parfait exemple du football moderne. Entre drames, hooliganisme, violences et mesures répressives, la Premier League s’est métamorphosée en très peu de temps.
Liverpool FC, un club connu pour ses docks, son stade et son célèbre « You will never walk alone ». Anfield est une cathédrale, son kop l’épicentre de la ferveur du club. Ses fans sont considérés comme maudits depuis que Liverpool a été touché par de nombreux drames. Lors de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions opposant la Juventus à Liverpool, le stade du Heysel est le théâtre du hooliganisme. Face à une sécurité défaillante et un stade vétuste, les hooligans anglais, placés dans le virage, chargent le bloc Z placé à une quinzaine de mètres. Les grilles cèdent, la police est débordée, de nombreuses personnes sont piétinées. Le bilan est lourd, 39 morts et 600 blessés. A la décharge des supporters de Liverpool, de nombreux hooligans en provenance de différents clubs (West Ham, Leeds, Chelsea) étaient également présents. En plus du drame, l’Europe se confronte au problème du hooliganisme. Le 29 mai 1985 est désormais rentré dans l’histoire mais la victoire de la Juventus grâce à un but de Michel Platini n’en est pas la raison. Après le drame du Heysel, de nombreuses mesures sont prises à l’encontre des hooligans. Hélas, un malheur n’arrive jamais seul. Seulement quatre ans après cette tragédie, Liverpool est à nouveau endeuillé. La demi-finale de la Coupe d’Angleterre qui a lieu au stade de Hillsborough, Liverpool-Nottingham Forest, donne lieu à un mouvement de foule. Le match débute, la tribune réservée aux supporters des Reds est bondée. Des milliers de fans de Liverpool sont encore devant le stade avec comme seul désir d’assister au match. La police décide donc de faire rentrer ces fans excités par une unique porte (sans tourniquet) sans se douter que la tribune est déjà comble. Un mouvement de foule s’enclenche et de nombreux spectateurs sont comprimés contre les grillages. Paradoxalement, ces mêmes grilles mises en place pour lutter contre les envahissements de terrain et jets de projectiles sont à l’origine de cette catastrophe. Le bilan est sans appel : 96 morts et 766 blessés. La tragédie de Hillsborough continue de nos jours à hanter Anfield. Une enquête est menée à la suite de ce match. Le rapport débouche sur la volonté d’améliorer la sécurité dans les stades. Ainsi, le célèbre Kop d’Anfield est réduit à 12 409 places assises. Les supporters sont en colère, les critiques des médias et des politiques pleuvent. En effet, Margaret Thatcher, la Première ministre de l’époque, soutient la version de la police qui accuse à tort les supporters d’être responsables de la tragédie. La « Dame de fer » n’était déjà guère appréciée dans le Nord du pays. Chômage de masse, désindustrialisation, la ville de Liverpool n’est plus que l’ombre d’elle-même sous l’ère Thatcher. Une rancœur qui a persisté jusqu’au 8 avril dernier lorsque les fans des Reds ont célébré la mort de cette femme controversée. Liverpool est l’exemple parfait de la mutation du football anglais. Entre politique, violence et développement du football moderne, les tribunes d’Anfield ont changé. Le confort et la vue ont été améliorés au détriment de l’ambiance. Le stade ne résonne plus comme à ses plus belles heures.
Le développement du football moderne.
En 1992 la FA Premier League est créée sous l’impulsion de l’ensemble des clubs de l’élite. Cette nouvelle organisation du championnat n’est pas anodine. Les équipes cherchent à augmenter leurs revenus et améliorer leurs affluences. Les clubs aspirent à s’ouvrir à un nouveau public. La hausse du prix des billets est un frein pour les classes ouvrières qui ne peuvent plus se permettre de se déplacer au stade. Paradoxe, les clubs ont des revenus de droits de télévision qui ne cessent d’augmenter mais malgré tout le prix des abonnements ne cesse de croître. Ainsi, un supporter d’Arsenal doit dépenser environ 1155€ pour l’abonnement le moins cher, 832€ à Liverpool et 624€ à Manchester. On est loin du mécontentement des tarifs pratiqués à Nantes (190€).Pour mettre fin à cette situation une délégation de fans de Liverpool, Tottenham, Manchester United et Arsenal se sont réunis près de Wembley afin de protester face à ces hausses. Le drame de Hillsborough a entraîné la suppression des tribunes debout et des grillages en Angleterre. Les « terraces » où des milliers de supporters venaient se masser n’existent plus. Une conséquence de ces nouvelles mesures, des sanctions qui peuvent paraître invraisemblables. A Sunderland, 38 abonnés des Black Cats ont été interdits de stade pour être restés debout lors d’un match. Heureusement, des clubs cherchent à fidéliser leur douzième homme, ou plutôt un club. Stoke City a pris la décision d’offrir les déplacements à ses fidèles pour la saison 2013/2014. Cette politique est possible grâce à la hausse des droits TV du club qui est pour une fois favorable aux supporters .
Le hooliganisme est loin d’avoir disparu
Les hooligans ont fait la une des faits divers au cours du XXème siècle. Les Anglais sont à l’origine même du développement du hooliganisme en Europe. La politique a fait son incursion dans le milieu du football afin d’endiguer le mouvement hooligan après le drame du Heysel. Dès 1985, la vente et consommation d’alcool sont prohibées dans les stades. En 1986, le Public disorder Act met en place des interdictions de stade pour les hooligans reconnus. Les mesures ne s’arrêtent pas là, en 1989, une loi instaure la possibilité d’interdiction de déplacement à l’étranger. En quatre ans, un véritable arsenal législatif a été mis en place pour lutter contre le développement de la violence dans les stades britanniques. Puis en 1991, le Football Offences Act réprime le lancement d’un objet sur la pelouse, d’entonner des chants racistes ou indécents et de pénétrer sur le terrain à juste titre. Enfin après la Coupe du monde 1998 et quelques incidents notamment à Marseille, d’autres mesures sont prises. dès 1999, les hooligans peuvent se voir confisquer leur passeport. Ces lois ont permis de lutter efficacement et on anticipe dès lors à la disparition du hooliganisme. Les actes de violence dans la Premier League sont désormais rares certes. Pourtant, c’est toujours comme si chaque nouvelle génération souhaite prouver qu’elle peut également troubler l’ordre public. Récemment, lors de la demi-finale de FA Cup entre Millwall et Wigan, les supporters de Millwall se sont battus entre eux. Cet événement à été très peu médiatisé en France. Mais le football anglais ne se limite pas qu’à ce fameux championnat de Premier League. Les stades des divisions inférieures sont combles et la ferveur y est d’autant plus présente. La violence est monnaie courante dans ces championnats pour la plupart amateurs. Le match de 5eme division Kidderminster Harriers-Stockport s’est soldé par un envahissement de terrain. Une défaite 4-0 pour les visiteurs et les supporters ayant fait le déplacement voulant faire passer un message à leurs joueurs de manière peu diplomatique.
« Against Modern Football »
Certains passionnés s’organisent afin de lutter contre ce football moderne. Il faut dire que les décisions sont rares mais font couler beaucoup d’encre. Ainsi, en août 2005 la famille Glazer rachète Manchester United. Le rachat du club le plus titré d’Angleterre se réalise avec pour seul objectif de réaliser un maximum de bénéfices. Un groupe d’habitués d’Old Trafford décide donc de créer un nouveau club, le FC United of Manchester. Un club de football qui fait du social, un rêve devenu réalité pour un grand nombre de fans. D’autres initiatives sont prises par les passionnés. Le Portsmouth FC, une véritable institution en Angleterre, joue désormais en 4eme division. Une crise financière est à l’origine de cette descente aux enfers pour le vainqueur de la FA Cup de 2008. Les supporters ne sont pas restés les bras croisés face à cette situation. En 2009, un consortium, le Pompey Supporters Trust (PST) est crée. Le PST est composé des fans de l’ancienne équipe de Lassana Diarra ainsi que d’entrepreneurs locaux. Le mercredi 10 avril, le consortium rachète le club pour trois millions de livres et devient ainsi le plus important club anglais administré par des supporters. Portsmouth a suivi le chemin d’autres clubs avant lui comme l’AFC Wimbledon ou l’Exeter City FC.
Les stades anglais de Premier League ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Le développement économique est clairement prioritaire. Il faut désormais se déplacer dans les divisions inférieures anglaises pour voir des stades en vie. Comme s’il fallait inévitablement choisir entre passion et pognon.