La semaine dernière, Rogério Ceni a débuté son dernier Brasileiro. Le monument du Sao Paulo FC, a annoncé sa retraite à la fin de l’année, à 41 ans. Le Brésilien peut se targuer de trois records : celui bien sûr du plus grand nombre de buts marqués par un gardien (114), de matchs avec le même club (1100) et en tant que capitaine (866). Actuellement lancé dans la course au maintien avec Valenciennes, son homologue Magno Novaes a accepté en exclusivité pour La Grinta de nous parler de son idole, trop souvent méconnu en Europe.
Magno, que représente Rogério Ceni pour vous ?
Magno Novaes : Déjà, le club dans lequel il évolue, le Sao Paulo FC, c’est mon club de cœur. Donc forcément Rogério Ceni, c’est mon idole. C’est quelqu’un qui dégage beaucoup de respect, quelqu’un qui est très intelligent. J’apprécie ce côté intelligent et aussi le gardien qu’il était. En plus d’être un bon gardien, il a un jeu au pied formidable, que j’ai essayé d’imiter.
Rogério Ceni est surtout connu pour ses coups-francs et ses penaltys marqués. Est-ce que c’est une particularité sud-américaine, on a vu beaucoup de gardiens frapper les coup-francs (Chilavert, Higuita), alors qu’on n’en voit pas en Europe ?
MG : Là-bas (ndlr : en Amérique du Sud) il y a plus de libertés. On tente plus de choses. En Europe, c’est un peu fermé, les gardiens, sont plus efficaces, moins spectaculaires. Ce côté spectaculaire nous permet, à partir du moment où on fait bien les choses, de nous donner plus de libertés sur les penaltys et les coup-francs. En Europe, c’est un peu plus compliqué. Si un gardien frappe un coup-franc et ne marque pas, les gens diront « Arrête déjà les ballons et reste dans ton but ». Là-bas on ne pense pas comme ça, on pense d’abord au spectacle. Ce sont deux mentalités différentes.
114 buts en carrière pour un gardien, c’est énorme. Il y a pas mal d’attaquants qui n’atteindront jamais ce chiffre…
MG : Déjà un but pour un gardien, c’est énorme ! Alors vous imaginez 100 et quelques… C’est parce qu’il a quelque chose de plus que les autres gardiens. C’est quelqu’un de très intelligent, quand il s’exprime on sent qu’il a un niveau intellectuel au-dessus des autres. Et il a vraiment du talent. C’est une personne à part.
Ceni a tout gagné avec Sao Paulo (Brasileiro, Copa Libertadores), il a même gagné la Coupe du monde en 2002. Pourtant, il n’a jamais été titulaire avec la sélection brésilienne. Pourquoi ?
MG : C’est une question qu’on se pose énormément là-bas, au Brésil. Il y a eu aussi des gardiens qui se sont installés en équipe nationale, notamment Dida qui était de la même époque. Il y a eu aussi Marcos qui était titulaire pendant la Coupe du monde. À un moment, le coach doit faire des choix. Rogério Ceni n’a pas eu sa chance, et quand il l’a eu il n’a pas eu la réussite pour enchaîner les bons résultats. Ça se joue à rien mais au haut niveau, ça fait beaucoup de choses.
Il est toujours resté à Sao Paulo ? Pourquoi est ce qu’il n’a jamais tenté sa chance en Europe ?
MG : C’est quelqu’un qui aime son club. Il a préféré rester dans l’histoire de Sao Paulo. Je crois qu’une belle carrière ce n’est pas de jouer dans des grands clubs, de changer à chaque fois, de gagner beaucoup d’argent, c’est aussi de jouer dans un bon club, d’y rester longtemps, et de marquer l’histoire de ce club. Il a choisi ce côté-là, et je pense que c’est très bien. Je me demande s’il aurait eu la liberté de faire ailleurs ce qu’il a fait à Sao Paulo. Est-ce qu’il aurait pu jouer les matchs comme il les joue au Brésil ? Je me souviens qu’à une époque, il y avait un club anglais qui le voulait. Mais en Angleterre, je ne vois pas un gardien aller tirer un coup-franc.
Il n’aurait peut-être pas dépassé les 100 buts en carrière…
MG : Il n’aurait pas forcément joué de la même façon. Ce n’est pas quelqu’un qui tire les coup-francs pour faire le beau, c’est quelque chose qu’il sait faire. Comme je le disais tout à l’heure, la liberté entre le foot européen et le foot sud-américain n’est pas la même.
« Il reviendra en tant que dirigeant du club »
C’est le recordman de buts chez les gardiens, celui qui a le plus porté le maillot d’un même club (Sao Paulo) et aussi le recordman du nombre de matchs en tant que capitaine. Pourtant, on ne le connaît pas beaucoup en Europe, alors qu’il joue dans un grand club brésilien…
MG : Les gens qui connaissent bien le foot savent qui il est. Après si tu demandes à quelqu’un qui regarde peu le foot, il ne va pas le connaître parce qu’il n’est pas sorti du Brésil. On sait très bien que pour être connu dans le monde du foot, il faut évoluer en Europe dans un club important. Et même Sao Paulo, qui est un club exceptionnel, n’est pas très médiatisé. C’est pour ça que les gens ne le connaissent pas assez.
Vous suivez beaucoup la vie au Brésil encore. Comment est-il perçu là-bas ?
MG : Ah par contre au Brésil, il est très connu ! Quand on parle de gardien, on pense à lui. Ces derniers temps il a été critiqué parce qu’il était moins performant. Mais à 41 ans jouer et être très performant, ce n’est pas facile. Mais il est connu grâce à ses titres, sa façon de parler. Ce n’est pas rien de parler de Rogério Ceni. J’aurais aimé faire au moins le quart de ce qu’il a fait. Il mérite beaucoup de respect.
Justement, en fin de saison il va raccrocher les gants. Son successeur va avoir énormément de pression à Sao Paulo !
MG : Je pense, oui (rire). Je ne sais pas qui est derrière lui pour l’instant. Est-ce que le club va faire jouer un gardien qui est formé au club ou prendre un gardien très connu qui puisse assumer ce rôle ? Ça va être difficile de faire le changement de gardien niveau nom, mais je pense qu’au niveau performance ils vont trouver quelqu’un qui va combler ce vide. Parce qu’il est moins performant qu’avant, et c’est normal. Remplacer Rogério Ceni, ça va jouer sur le mental.
Aimeriez-vous jouer pour le SPFC avant la fin de votre carrière ?
MG : C’est un rêve qui sera impossible à réaliser, je pense. Pour jouer à Sao Paulo, il faut quand même passer par des clubs très importants en Europe. Je suis dans un bon club du championnat français, mais je ne suis pas assez connu pour aller là-bas.
Est-ce que vous savez s’il restera dans l’encadrement de Sao Paulo ou est-ce qu’il coupera avec le monde du footbal l?
MG : Je ne vois pas Rogério Ceni loin de ce club. Après, dire ce qu’il va faire c’est un peu compliqué parce que ça reste privé. Mais à mon avis, il reviendra comme dirigeant ou dans le staff technique. Je le vois bien comme coach car c’est quelqu’un d’intelligent, et les gardiens font des bons coachs.
C’est le rêve des supporters de le voir sur le banc ?
MG : Le rêve des supporters de Sao Paulo, c’est que l’équipe gagne des titres (rires). Rogério Ceni il est aimé, c’est l’idole. Mais si à un moment donné il n’y a pas de résultats, il n’y a pas d’amour.
Propos recueillis par Rémi dos Santos