En Italie, les sœurs religieuses ont la cote en ce moment. Outre la désormais célèbre Suor Cristina, qui a fait le buzz dans le programme The Voice transalpin, une autre « none » s’est invitée dans le derby calabrais de Lega Pro (troisième division) il y a un mois. Et le plus drôle, c’est que ce soutien inattendu de l’équipe de Catanzaro à Cosenza s’est fait par opposition au symbole religieux du club rival.
On s’attendait à un derby de Calabre animé le 28 septembre dernier en troisième division italienne. Et si Cosenza-Catanzaro (0-0) n’a pas tenu toutes ses promesses sur le terrain, le spectacle était à la hauteur en tribunes. Cinq ans après la dernière édition, les tifosi de chaque camp ont impressionné au San Vito de Cosenza. Il faut dire que la suprématie locale était en jeu, les deux villes étant distantes d’une cinquantaine de kilomètres. Tifos, chants entonnés à forte résonance… Tous les moyens sont bons pour prendre le dessus sur l’autre tifoseria. Même le religieux ! Si Padre Fidele Bisceglia le curé ultra rossoblù dont nous vous dressions le portrait était bien là, une autre attraction ecclésiastique a surpris tout le monde.
Au beau milieu des mille visiteurs giallorossi, une certaine Madre Vitaliana del Carmine fait son apparition. Grâce à un tifoso qui a eu la drôle d’idée de se travestir en sœur religieuse. Une fausse none qui devient immédiatement la coqueluche du virage aux couleurs de Catanzaro. Et surtout qui a fait chavirer le derby honorifique des tribunes à la faveur des siens. Le génie en question est un quadragénaire nommé Cristiano Binanti. Il a joué son rôle sans blasphème mais avec beaucoup d’ironie. Ce vendeur en pièces détachées de véhicules en a fait des belles durant toutes ses années passées en curva. Mais rares sont ceux qui l’imaginaient s’habiller un jour comme dans un couvent.
« Il y avait 1214 tifosi et j’ai fait 1214 photos »
Cette idée farfelue n’est pas née tout à fait par hasard. « Un matin alors que j’étais au bar et que je buvais un café, raconte Cristiano au portail catanzaroinforma.it, je regardais la photo d’un journal. Cosenza avait perdu 2-0 contre la Lupa Roma. Et ce déclic était en rapport avec les supporters rossoblù. Au fond j’ai vu Padre Fedele et l’idée m’est de suite venue : j’irai au San Vito habillé en religieuse ». Le plaisantin n’a quasiment pas fait part des ses intentions, il demande seulement l’avis de quelques ultras. Cristiano se met donc en quête du fameux habit. Une amie lui parle de sa tante qui coud des robes pour les religieuses. Il s’en procure une sans même l’essayer et l’enfile seulement dans le bus de supporters en direction du stade.
Cristiano Binanti en rigole encore en racontant l’histoire : « Ma copine est originaire d’un village aux alentours de Cosenza mais supporte Catanzaro sinon elle ne serait pas avec moi. Quand je lui ai dit que j’y étais allé travesti en sœur, elle ne m’a pas pris au sérieux. Puis elle a vu la photo et a eu une réaction fantastique, comme tout le monde ! ». Et pour cause, à la vue de Madre Vitaliana tous les tifosi se sont enflammés y compris par la suite sur les réseaux sociaux. Cristiano a désormais une petite notoriété. « C’était vraiment bizarre, s’étonne-t-il. Peu de gens étaient au courant. Je suis monté dans le bus des ultras en tant que Cristiano et je suis ressorti en Suor Vitaliania. À ma sortie, les gens riaient, criaient et j’ai eu droit à une salve d’applaudissements. J’ai reçu une pluie de témoignages de sympathie. Il y avait 1214 tifosi et j’ai fait 1214 photos. On aurait dit une star ! Après le derby, des dizaines de personnes m’ont ajouté sur Facebook ».
« Vous vous êtes trompés, ici il n’y a pas de mariage »
Si la « none » ne s’attendait pas à une telle reconnaissance de sa « piété », celle-ci ne s’est pas privée de pécher une fois arrivée au stade. Cristiano Binanti s’est directement dirigé vers les barrières pour « saluer » ses rivaux rossoblù, pas franchement ravis de la provocation. « Vous vous êtes trompés de stade, ici il n’y a pas de mariage », répondent des Cosentini comme le relève Sportpeople.net, une référence aux récentes noces d’un leader catanzarese. Même s’il « crevait de chaud » sous sa robe, toute la curva de Catanzaro le poussait à continuer de chambrer. « À la fin j’ai vu nos joueurs sourire lorsqu’ils sont venus sous la tribune », s’amuse-t-il. Le capitaine Ferraro a d’ailleurs été lui faire une accolade avant de lui offrir son maillot. Le quadragénaire s’est régalé : « Je l’ai fait par goliardise, pour mettre un peu de piment au derby de Calabre ».
L’effet est réussi. Sans faire de mal à quiconque, à l‘heure où le foot italien est dans la crainte permanente de violences, Madre Vitaliana dal Carmine a diverti les foules. Son personnage incarne parfaitement l’esprit taquin et satirique qui caractérise les ultras. Son succès a été tel qu’on n’a quasiment pas entendu parler de Padre Fedele, véritable icône de Cosenza pourtant très médiatique. La fausse sœur religieuse laissera en tout cas un souvenir impérissable dans la région, et il n’est pas impossible qu’elle vienne à nouveau humer l’air des tribunes lors du match retour.