Vendredi soir se déroulait la dernière journée de National. Lors du match pour le titre, Luzenac et Orléans se sont séparés sur un score de 3-3 couronnant les joueurs du Loiret. Mais les Ariégeois se consolent avec la montée en Ligue 2. Un véritable exploit pour ce village de 650 habitants.
22h30 au stade Fondère de Foix. Les joueurs du Luzenac Ariège Pyrénées (LAP) sont restés sur la pelouse pour communier une dernière fois avec leurs supporters. La saison de National s’est terminée quelques minutes auparavant, mais les Ariégeois ne sont pas pressés de quitter la pelouse. Pourtant, à cause du nul spectaculaire concédé contre Orléans (3-3), les Luzenaciens manquent le titre au détriment de leurs adversaires du soir. « Ce soir on est sur la déception d’avoir raté le titre », explique l’entraîneur Christophe Pélissié. Ce que confirme Quentin Westberg, son gardien : « J’ai de la déception parce que je pense que si on avait été un petit plus sérieux sur les cinq derniers matches (ndlr : seulement 4 points pris), le titre nous était promis ». Mais cette déception du titre manqué de peu n’a pas gâché la soirée des Midi-Pyrénéens. « Il ne faut pas faire les rabat-joie. Je pense qu’on aurait signé pour une deuxième place au début de l’année », continue l’ancien portier de Troyes. « Le bilan est extraordinaire. Je crois qu’on a donné beaucoup de plaisir au public cette année. C’est quand même très très positif », ajoute de son côtéé Christophe Pélissié. « Pour moi, vu la qualité des joueurs, ce n’est pas une surprise », lance même Issa Makalou. Pourtant, la saison de Luzenac ressemble à un authentique exploit.
Le plus petit village à abriter une équipe professionnelle
Car depuis qu’il était en National, le club ariégeois n’avait jamais joué les premiers rôles. Avec une 10ème place comme meilleure position finale, les Rouges jouaient avant tout le maintien. « Je me rappelle du premier comité directeur lorsqu’on a accédé au National », commence Christophe Rodriguez, le directeur sportif du club. « On s’était dit on tente l’aventure, ça durera sûrement un an puis on reviendra en CFA et on continuera à travailler en CFA avec nos petits moyens. ». Pourtant, les joueurs se surpassent durant leur première saison au troisième échelon français, et terminent 10ème. « Avec quatre bouts de ficelle on arrivait à faire une corde. La rigueur, l’abnégation, l’implication de chacun, nous ont amené des résultats intéressants », continue l’ancien joueur du club. Mais chaque année est une remise en question permanente à Luzenac. Les infrastructures (le stade Paul-Fédou notamment) ne sont pas adaptées aux exigences du National. Cependant, les maintiens successifs permettent à l’équipe de se renforcer et de grandir. Et à partir de la saison 2012-2013, le club va changer de dimension.
Tout d’abord, l’équipe change de stade et s’installe à Foix (Paul-Fédou ne répondait pas aux normes). L’arrivée de Jérôme Ducros à la présidence permet également d’avoir plus de moyens et de professionnaliser le club. Mais surtout, l’USL devient le LAP. « Ces changements étaient une nécessité pour moi », explique Christophe Rodriguez. « Luzenac étant enclavé dans le fond de vallée de la Haute-Ariège, il fallait, pour pérenniser cette aventure, s’étendre et se développer. D’où, d’un point de vue de la communication, l’idée de rassembler le département de l’Ariège derrière nous. Voilà pourquoi le club s’est appelé Luzenac Ariège Pyrénées ». Malgré les moyens en plus, personne n’imaginait qu’une montée en Ligue 2 était possible. « La montée n’était pas un objectif. Jérôme Ducros est arrivé avec de nouveaux moyens pour que l’on puisse travailler correctement et l’ambition était de finir dans les neuf premiers. Lorsque nous avons enchaîné les bons résultats, la structuration sportive mise en place par Fabien Barthez nous a permis de finir dans le trio de tête. ». Fabien Barthez, l’autre homme fort de la montée en puissance du LAP. Le natif de la région (il est né à Lavelanet), nommé directeur-général à la fin de l’année 2013, a amené son expérience à un groupe qui en avait besoin. Et le résultat ne s’est pas fait attendre avec une montée en Ligue 2 assurée au soir de la 29ème journée. De quoi devenir le plus petit village à abriter une équipe de football professionnelle.
Des supporters qui ne reconnaissent plus leur club
« L’accession en Ligue 2, elle y est. On a fait le boulot. Je suis très satisfait », savoure Jérôme Ducros. Un président heureux, certes, mais qui travaille déjà pour la saison prochaine. « Gérard Batlles, notre recruteur, est déjà sur une quinzaine de joueurs potentiels pour cinq recrues. Ce sont de très bons joueurs de Ligue 2 qui vont venir renforcer la charnière de l’équipe », poursuit l’homme fort du LAP. « Je crois qu’une bonne partie de l’effectif va rester. On va se renforcer et l’objectif sera de se maintenir », glisse Issa Makalou, l’un des cadres de l’effectif arrivé en 2009. Mais si le recrutement semble en bonne voie pour les Luzenaciens, le problème le plus épineux reste la question du stade qui accueillera les rencontres « domicile » de l’équipe. Car le stade Fondère de Foix n’est pas (encore ?) aux normes pour accueillir des matchs de Ligue 2. La solution a peut-être été trouvée par Jérôme Ducros. « On attend la décision des propriétaires du stade Ernest Wallon de Toulouse (ndlr : qui accueille les rencontres du Stade Toulousain) qui se réunissent en Assemblée Générale extraordinaire lundi, et qui devrait nous confirmer le prêt du stade pour la saison prochaine ». Cette solution va permettre au club de passer véritablement au statut professionnel, non sans gêner de nombreuses personnes.
Car dans ce conte de fées que vit le LAP depuis un an maintenant, il y a un accroc, qui concerne les supporters : certains fans ne reconnaissent plus leur club. « C’est une saison mitigée car on est parti de Luzenac. Certes on s’est habitué à Foix, ça reste l’Ariège. Foix a permis de regrouper tout le monde, toute l’Ariège », explique Eric qui est originaire de Luzenac même. « Ce qu’on oublie, c’est qu’il y a des hommes sur Luzenac qui ont fait beaucoup de choses. Ils ont amené le club en National mais n’ont pas pu subvenir aux besoins du club. Du coup, on ne parle plus de Luzenac. Ce n’est plus pareil », déplore l’Ariégeois, qui n’ira pas jusqu’à Toulouse pour supporter son équipe. Son de cloche un peu similaire pour José, qui a eu un véritable coup de foudre pour le club. « J’ai découvert ce club il y a quatre ans, quand il jouait tout là-haut, à Paul-Fédou. Ce petit stade m’avait enchanté. Depuis je les suis », raconte ce Lotois, qui n’a manqué aucune rencontre depuis deux saisons malgré les 230 kilomètres de distance avec Foix. Et de poursuivre :« C’est vrai que je suis venu voir Luzenac parce que le stade me plaisait. C’était une ambiance champêtre. Ça m’a fait quelque chose de voir qu’on abandonnait Luzenac. Mais venir à Foix nous a permis de passer un palier. Sinon on ne serait pas monté ». Reste que les supporters sont toujours très attachés à leur club et à leurs joueurs.
« On a pris conscience de l’engouement autour de l’équipe au fil des semaines , reprend Issa Makalou. Plus la saison avançait, plus il y a avait de monde au stade. Autrefois, on allait se balader, personne ne nous saluait dans la rue. Cette année, lors des balades, les gens en voiture klaxonnaient. C’était sympa ». Des fans qui seront précieux l’an prochain pour aider l’équipe à se maintenir à l’échelon supérieur. D’ailleurs, il ne le projet du Luzenac Ariège Pyrénées n’est pas arrivé à terme. Le club veut se pérenniser au niveau professionnel en créant « un centre de formation et une vraie section football en Ariège », termine Jérôme Ducros. « L’aventure humaine » de Quentin Westberg et de ses coéquipiers ne semble pas près de s’arrêter…