Le Sporting Locri, un club italien de foot à cinq féminin, a provoqué l’émoi en fermant ses portes à cause de la mafia après Noël. Le président Ferdinando Armeni a annoncé la nouvelle après avoir reçu des menaces. Les médias et politiques italiens se sont emparés de l’affaire, et chacun a appelé à ne pas céder à la peur. Finalement, le Sporting Locri entend se battre.
« À l’arrière de ma voiture, là où d’habitude ma fille s’assied, il y avait un mot qui disait ‘nous savons qui s’assied ici’. » Le témoignage choc du président de l’équipe féminine de football de Locri, Ferdinando Armeni, dans un reportage de la Rai, la télévision publique italienne, a marqué les esprits. Son club dérange la mafia et il n’a d’autre choix que de le fermer. « Certaines joueuses ont aussi été approchées par trois hommes. Alors comment puis-je savoir si c‘était des types qui voulaient faire les beaux devant les filles ou s’ils avaient vraiment de mauvaises intentions ? Je ne peux pas vivre dans la terreur, dans la peur que quelque chose arrive à quelqu’un ». Le Sporting Locri, club d’une petite ville de moins de 15.000 habitants, cinquième du championnat national de foot à cinq féminin, fait la fierté de la région de Calabre.
La nouvelle affecte toute la région du sud de l’Italie, où le football n’a plus beaucoup l’occasion de briller, y compris chez les hommes – excepté Crotone, le surprenant dauphin de Serie B. Tout est toujours plus compliqué au sud de la Botte, où la crainte de la puissante ‘Ndrangheta est omniprésente. D’ailleurs, à une cinquantaine de kilomètres de là, même la Madonna, la statue de la Vierge, s’est inclinée lors d’une procession devant la maison du parrain local. Un phénomène qui n’échappe pas aux clubs sportifs. Déjà l’an dernier, toujours en Calabre (à Rizziconi), des mafieux intimidaient des gamins jouant sur un terrain de foot construit sur une aire confisquée. La Squadra Azzurra d’Antonio Conte était venue par solidarité. Dans le cas présent, les enquêtes préliminaires écartent l’hypothèse de la plus puissante mafia d’Europe et le motif des intimidations reste flou.
Vague d’indignations et inaction
Évidemment, toute la classe politique réagit suite au vacarme médiatique. En signe de soutien, Carlo Tavecchio, le président de la fédération, promet dans une interview à l’ANSA, l’agence de presse italienne, que l’équipe nationale féminine jouera un match à Locri. L’opinion publique souhaite la pérennité du Sporting malgré les menaces. Les joueuses elles-mêmes sont en faveur de continuer en dépit de la décision du président Armeni. « Locri doit jouer. Je veux voir les filles sur le terrain le 10 janvier contre la Lazio », clame pour sa part le président du comité olympique, Giovanni Malagò. Il ne pouvait donc en être autrement. Après avoir affiché une photo sur sa page Facebook proclamant « game over » sur fond noir le 26 décembre, le club a officialisé hier son retour face à la Lazio.
Hélas, le président Ferdinando Armeni ne reprend pas part à l’aventure. En attendant l’arrivée de nouveaux actionnaires, c’est le maire de la ville, Giovanni Calabrese, qui est à la tête du club. Le préfet de la région assure qu’une série de mesures de sécurité concernant le Sporting ont été mises en place. Tavecchio sera présent contre la Lazio et le match sera retransmis en direct sur RaiSport Uno. Bien entendu, Locri est devenu l’endroit où il faut se montrer pour les politiques. On soutient, on s’indigne, et on s’en va. Une fois le souffle médiatique retombé, nul doute que les filles du Sporting seront livrées à elles-mêmes. De telles histoires sont loin d’être extraordinaires dans le Mezzogiorno, selon l’aveu de repentis.
Face aux intimidations, les joueuses de Locri ont du courage, au contraire d’autorités passives. Dans une région et un pays où il reste beaucoup d’efforts à faire sur la place des femmes dans le sport, elles continuent à se battre. Bien trop seules.