En dépit d’avoir fini le match au bord de la rupture, l’Atlético a ramené de Catalogne un précieux match nul, en marquant à l’extérieur. Privé de Diego Costa après une demi-heure, les Colchoneros ont frappé les premiers par Diego, de 35 mètres. Le Barça égalise par Neymar, juste après que Martino l’ait repositionné à gauche.
Compact verticalement
Diego Simeone est un entraîneur différent. Issu du côté obscur de l’école argentine, il accepte totalement l’idée de ne pas avoir le ballon. Il a même bâti tout son équilibre collectif sur cette idée.Son équipe défend très bas, mais elle est extrêmement compacte verticalement : Jamais plus de quinze mètres entre la défense et le milieu, parfois dix, parfois cinq. Les lignes madrilènes se resserrent à mesure que la possession adverse se rallonge. Ce plan a une double efficacité : empêcher le jeu entre les lignes, ce que Guardiola appelle le « contact », avec le faux 9 (ou seulement le créateur) adverse, mais également réduire la distance entre la ligne défensive et Thibaut Courtois. Plus la possession dure, plus il est difficile pour l’organisateur adverse de jouer à la fois entre les lignes, et dans la profondeur, dans le dos de la défense.
Les Colchoneros s’offrent même le luxe de couvrir tout le terrain sur certaines séquences. Mardi dernier, le jeu au pied de Pinto a sûrement été identifié comme un des points faibles de l’adversaire, ce qui a provoqué des moments de pressing total, notamment en début de match.
Verticalité et percussion en seules alliées du Barça ?
Dans ces conditions pour Barcelone lors du match aller, il est quasiment impossible de créer le décalage en usant seulement de la passe et de l’appel. La plus belle, (pour ne pas dire la seule) occasion du Barça en première mi-temps est pour Iniesta. Le Barça l’obtient (un peu comme à City) sur le contre d’un contre : sur le turn-over d’un turn-over. L’Atlético défend comme elle sait le faire, Villa coupe une passe à 25 mètres de ses buts (1er turn-over), veut servir Costa dans l’axe, mais Mascherano jaillit (second turn-over). Messi se saisit du ballon et dribble Miranda en reculant avant de servir dans la profondeur Iniesta qui profite de la sortie de ce même Miranda pour plonger dans sa zone. Profiter du déséquilibre au moment de l’explosion pour créer le danger.
Dans l’action décrite ci-dessus, il n’y a qu’un dribble et une passe en profondeur après la récupération. Pour déséquilibrer l’Atlético, le Barça n’a d’autres choix que de percuter et de rendre plus rapide son animation.
Compact horizontalement
L’Atlético défend d’une façon assez particulière. De manière compacte verticalement, mais également horizontalement. Ce qui la différencie d’un 4-2-3-1 classique de contre-attaque comme celui d’un Mourinho ou d’un Ferguson, c’est le rôle défensif de ses latéraux. Dans le système de Diego Simeone, ce sont eux qui donnent la largeur sans le ballon. Ce travail de compensation est plus souvent alloué aux milieux latéraux des 4-2-3-1 (Hazard ou Willian), ou même aux attaquants intérieurs d’un 4-3-3 (Cavani). Pendant que Felipe Luis (à gauche) et Juanfran (à droite), viennent se coller à leur adversaire direct respectif, le milieu reste assez serré horizontalement pour priver le Barça de solution axiale.
Le but de Diego n’était pas un miracle
Le plan de l’Atlético ne se résume pas seulement à préserver le dernier tiers du terrain comme un château-fort en attendant le miracle, ou le tout droit de Diego Costa. Surtout quand il n’est pas (plus) là. Le but sensationnel inscrit par Diego au Nou Camp mardi dernier peut sembler tomber du ciel : le coup-franc obtenu avant la frappe est pourtant le fruit d’un énorme pressing.
Gabi sort de sa zone avec agressivité pour presser dans le dos de Cesc, à la réception d’une passe d’Alba. L’ancien Londonien remet en retrait au latéral de la Roja, mais Gabi poursuit son effort : l’ex-Valencien est poussé à la faute. Il tente de trouver Cesc sur sa gauche, mais Arda Turan suit le mouvement et récupère le ballon. Gabi va chercher Villa un peu précipitamment et voit sa passe coupée par Mascherano, mais le contrôle du petit chef est un peu long.
S’en suit un exemple type de guerre du milieu dans lequel la compacité horizontale de l’Atlético va faire la différence : Mascherano, Diego, Mascherano, Busquets, Thiago ; Koke surgit, Messi doit même le tacler, mais Diego a le dernier mot et Iniesta doit faire une grosse faute. Au moment ou le Brésilien se saisit du ballon, l’Atlético n’a pas vraiment créé un surnombre au milieu (4 contre 4) mais 3 de ses joueurs sont plus proches du ballon que leurs opposants blaugrana.
C’est l’efficacité du pressing « fourmi » de Simeone qui fait la différence. Plus proche les uns des autres à la perte du ballon, les Matelassiers prennent les Barcelonais à leur propre jeu à ce moment-là. Ils seront récompensés quelques secondes plus tard. C’est un peu ironique que Messi réussisse un beau tacle glissé sur cette action : Quand Mascherano perd le ballon, son alter-égo adverse Diego s’intéresse immédiatement à la récupération et se joint à la baston. La pulga mettra 6 secondes à s’en mêler.
Neymar à gauche
Martino sort Cesc pour Alexis à la 70e minute. Iniesta retrouve son poste d’intérieur gauche alors qu’Alexis Sanchez prend celui d’ailier droit. En face, Simeone sort David Villa pour Jose Sosa et passe en 4-1-4-1, comme il l’avait fait contre Milan au retour. Gabi prend le poste de 6, alors que Koke devient intérieur. Cette organisation offre –en théorie- plus de largeur défensive et de solidité à l’Atléti, le (4+4 se transformant en 4+1+4), mais elle pénalise sa transition.
Sur l’action qui précède l’égalisation, Messi – totalement privé d’espace – est bien pris par Thiago, positionné en pointe basse de ce milieu à 5. Problème : quand Arda récupère le ballon, il n’a quasiment aucune solution offensive. Alexis lui vole le ballon, Busquets trouve Iniesta qui va trouver Neymar. Finalement, le Barça parvient à scorer en attaque placée en utilisant l’espace décrit plus haut entre le latéral et son stoppeur le plus proche. Deux ballons touchés sur le côté gauche en deux minutes : un coup franc obtenu et un but pour Neymar qui finit du plat du pied après un excellent appel oblique dans le dos de Juanfran.
Vraiment en position de force ?
L’Atléti va terriblement soufrir pendant les 20 dernières minutes, troublé notamment à droite par appels axiaux de Sanchez et les montées d’Alves. Sans un très grand Courtois, les Colchoneros n’auraient pas tenu. Extrêmement solides en 4-4-2 pendant les trois quarts du match, ils ont finalement craqué juste après être passés dans la configuration la plus défensive (4-1-4-1-). C’est à la fois paradoxale et logique, tant l’équilibre de Simeone est précaire, et tant l’écart de qualité est grand entre ces deux équipes sur le plan individuel. Avec un joueur de plus pour défendre et un joueur de moins pour attaquer, Cholo a perdu son équilibre, rendant quasiment impossible sa transition défense-attaque. Le 4-1-4-1 est une carte risquée pour ces raisons. Si l’Atlético est toujours qualifié à l’heure de jeu mercredi, Simeone devra la sortir au bon moment.
La présence de Diego Costa au retour n’est pas acquise, mais Raul Garcia sera là. L’opposition radicale de de style et de philosophie, l’énorme enjeu et la perspective de voir le favori en difficulté rendent le match retour très excitant. Il sera intéressant de voir comment Simeone va faire pour conserver ce fameux équilibre défensif.
La règle du but à l’extérieur provoque une situation stressante : la qualification peut changer de camp sur un but. S’arque-bouter à un 0-0 (qui les qualifierait) serait risqué de la part des Matelassiers. Le Barça a les moyens d’égaliser face à eux, mais la réciproque n’est pas forcément vraie.
Face à Simeone, les choix de Martino seront également très intéressants à suivre. On l’a constaté à l’aller : face au « bus » de l’Atlético, l’attaque placée est souvent vaine. Mardi, Tata avait dû sortir Fabregas pour que Neymar puisse occuper un couloir gauche dans lequel il s’est immédiatement montré efficace et décisif. Il a lui même reconnu il y a quelques jours qu’il « sacrifiait » le crack brésilien en le positionnant à droite. Se passer de sa capacité de percussion est un risque que Martino est presque obligé de prendre. À ses risques et périls ?