16 ans après, Leeds retrouve la Premier League. Au-delà de la promotion, les hommes de Marcelo Bielsa ont totalement maîtrisé leur sujet en Championship après la trêve forcée. Une domination que Leeds doit à un sans-faute du technicien argentin dans son coaching et sa micro-tactique sur cette période.
Plus tôt dans la saison, nous vous en avions présenté un exemple en ignorant à l’époque que cet aspect du jeu permettra à Leeds de monter au sein de l’élite. D’autant que cette gestion des temps forts et des temps faibles faisait partie de ces éléments explicatifs de la non-accession du club la saison dernière. Preuve qu’un entraîneur peut (toujours) progresser malgré des idées gravées dans le marbre, Marcelo Bielsa a démontré cette saison sa capacité à transfigurer son équipe d’un instant à l’autre.
Ainsi, sept matchs ont suffi pour assouvir l’objectif de glaner la promotion et le titre du Championship. Et cinq d’entre eux ont directement été influencés par les choix de l’entraîneur de Leeds. Des choix initialement forcés par un coup dur dès la reprise : la blessure aux ischio-jambiers de Pablo Hernández (utilisé en ailier droit puis milieu relayeur droit), un accroc insuffisamment grave néanmoins pour l’écarter du groupe. Par ailleurs, certains chiffres sont révélateurs : sur les 30 matchs où Leeds a ouvert le score cette saison, les Whites en ont remporté 27 pour 3 matchs nul, démontrant les qualités du groupe dans sa capacité à conserver le score ou à l’aggraver. Résultat, il n’aura fallu que trois semaines de compétition pour que Marcelo Bielsa persuade les plus sceptiques qu’avant d’être un théoricien du jeu, l’Argentin reste avant tout un entraîneur de football.
39e journée : Leeds United v Fulham (3-0)
Pour ce choc attendu depuis la trêve forcée, Leeds (leader) aura rarement été aussi malmené. Le club de l’Ouest du Yorkshire ouvrira bien le score contre le cours du jeu par l’intermédiaire de Patrick Bamford (1-0, 10e) mais ce sont bien les hommes de Scott Parker (3èmes au classement) qui ont eu le contrôle du jeu en première mi-temps. C’est simple, avec à peine 35% de possession du ballon, Leeds n’avait jamais été autant privé du cuir depuis l’arrivée du technicien argentin.
Bien heureux de rentrer aux vestiaires avec ce score favorable, Bielsa n’a pas attendu pour procéder à des changements dès la pause avec les rentrées combinées d’Ezgjan Alioski et de Pablo Hernández. Et dès le début du second acte, la physionomie du match a changé. Si la rentrée du milieu offensif espagnol a apporté plus de maîtrise dans la conservation du ballon, celle d’Alioski a apporté plus de verticalité et de vitesse sur le côté gauche.
Le rythme et la sérénité apportés par Pablo Hernández ont également profité à un troisième homme, Mateusz Klich (milieu relayeur), toujours plus à l’aise dans un rôle d’électron libre, entre les lignes, plutôt qu’à travers celui de créateur par défaut. Quand Hernández est sur le terrain, le registre de l’international polonais se simplifie : servir de liant en phase de construction et apporter le danger en se projetant dans les demi-espaces en phase de finition.
Dès lors, en deuxième mi-temps, Leeds a pu retrouver son assise habituelle (7 tirs, 5 dans la surface dont 3 cadrés contre 3 tirs seulement en première mi-temps) en récitant sur deux de leurs trois buts la maîtrise du 3e homme. Avec quels protagonistes ? Les deux nouveaux entrants : Alioski et Pablo Hernández.
Malgré le taux de possession du ballon le plus faible de l’ère Bielsa à Leeds (42.6%), le technicien argentin a proposé une leçon de coaching face à un concurrent direct. Moralité, mieux vaut avoir un plan de match clair et une capacité d’adaptation que vouloir à tout prix le ballon.
40e journée : Leeds United v Luton (1-1)
Trois jours plus tard, Leeds a affronté une équipe au profil opposé des Cottagers : attentiste sans ballon et bien loin au classement (23ème). Une nouvelle fois, durant la première mi-temps, Leeds s’est montré peu convaincant avec le ballon.
Been a real slog of a half. Low quality and all a bit hopeful. Three minutes to the break. 0-0. #lufc
— Phil Hay (@PhilHay_) June 30, 2020
Alors une nouvelle fois, Bielsa a décidé de procéder à un premier changement avec l’entrée en jeu d’Alioski au retour des vestiaires. Mené à la 50e minute (0-1) suite à une contre-attaque des visiteurs, l’entraîneur de Leeds n’a pas tardé à faire rentrer Pablo Hernández à l’heure de jeu (61e). Ni une, ni deux, il ne faudra que deux minutes pour que l’ancien joueur de Valence soit à l’initiative de l’égalisation avec… Alioski dans le rôle du passeur décisif sur l’action.
Avec ces deux entrées, Leeds continuera de se montrer souverain avec le ballon et de mettre la pression sur son adversaire (75% de possession du ballon, 23 tirs à 3) sans parvenir néanmoins à faire la différence. Alioski s’affichera comme un danger supplémentaire sur son côté gauche grâce à sa qualité de centres. Mais faute de trouver à la retombée des joueurs capables de voir le ballon (ndlr : les attaquants se plaindront des projecteurs à la fin du match), ses efforts ne suffiront pas à aller chercher la victoire.
42e journée : Leeds United v Stoke (5-0)
L’exemple de cette rencontre n’est pas tant pertinent pour l’impact d’un changement sur le résultat final mais sur la manière dont Leeds a dominé son adversaire. Car si Pablo Hernández fera son entrée en jeu à la pause alors que Leeds mène déjà au score (1-0), le rayonnement du milieu de terrain sur le déroulement de la seconde mi-temps sera éclatant.
Et c’est peu dire puisque son influence sera même absente de toute feuille de stats sur le second but (2-0, 47e). Et pourtant, le vétéran de 35 ans en est bien à l’origine. Au relais, en appui, de Stuart Dallas après un appel dans le demi-espace gauche, Hernández initie un une-deux qui permet à Dallas de trouver en une touche un troisième homme lancé : Helder Costa. Comme à l’entraînement.
Déchaîné, Pablo Hernández n’attendra pas plus de dix minutes avant de semer une nouvelle fois la zizanie. “La majorité des situations dangereuses proviennent des côtés”, professe Marcelo Bielsa sur la phase offensive. Une maxime qui a dû résonner dans l’esprit de l’Espagnol sur le troisième but des Whites. Après un corner joué à deux, et sur une phase typique de conservation devant une défense regroupée, c’est le mouvement de Pablo Hernández sans ballon qu’il convient de scruter. Après un renversement, le milieu de terrain va trouver le moyen de se démarquer dans le demi-espace droit pour flouer totalement la défense de Stoke et servir sur un plateau Liam Cooper (3-0, 57e).
Point d’exclamation de sa prestation, Hernández y ajoutera un quatrième but. Difficile de dire si Leeds aurait facilement remporté cette rencontre sans son maître à jouer, mais en ce 30 juin 2020, le milieu de terrain en aura fait voir de toutes les couleurs aux Potters en à peine 30 minutes sur le pré.
43e journée : Swansea v Leeds United (0-1)
Trois jours après la démonstration contre Stoke City, Leeds s’est présenté au Liberty Stadium avec confiance. Mais durant une première mi-temps sans rythme, nerveuse et empruntée (seulement 4 tirs), les hommes de Bielsa étaient loin de leur visage affiché jusque-là. Alors comme toujours depuis la reprise, le technicien argentin a réutilisé sa recette après la pause : faire rentrer Pablo Hernández, celui qui s’apparente à l’homme providentiel. Et bien sûr, il le fut.
À la 89e minute d’un match éminemment important pour l’histoire de Leeds United dans son objectif de retrouver l’élite, El Mago est devenu Jésus. La construction de ce but symbolise surtout la confiance des joueurs aux idées de jeu de Bielsa, pour qui rester fidèle au style doit être un mantra.
Avec 80 mètres à remonter, les joueurs de Leeds ont persévéré et ont fini par être récompensés. Avec la rage de vaincre d’Hernández (aurait-il tenu sur ses appuis pour marquer avec 90 minutes dans les jambes ?), l’effort de Luke Ayling sur l’intégralité de l’action fera également date : l’exploitation de l’espace laissé libre devant lui durant la phase initiale, son appel pour apporter le surnombre et son effort global. Autant dans sa conception, sa symbolique et son importance, voici le but synthèse du Leeds de Bielsa version 2019-20.
44e journée : Leeds United v Barnsley (1-0)
Pour cette rencontre face à l’avant-dernier du Championship, Marcelo Bielsa a dû complètement remodeler son onze de départ. Avec Kalvin Phillips blessé au genou contre Swansea, l’Argentin a donné sa confiance à Ben White pour occuper le poste de pivot devant la défense. Un rôle que le jeune Anglais avait déjà occupé en février, sans grand succès, lors de la suspension de Phillips. Par ailleurs, l’Argentin a mis en place son 3-3-1-3 avec la titularisation de Gaetano Berardi en défense aux côtés de Luke Ayling et Liam Cooper pour faire face au 3-4-1-2/4-3-1-2 adverse.
Sauf qu’avec ces changements, Leeds a vite semblé déstructuré, sans idée avec le ballon et bien gêné par le pressing agressif de Barnlsey sur les côtés. Marcelo Bielsa changera même de système en fin de première mi-temps pour revenir à son 4-1-4-1 habituel devant l’hérésie. Heureusement pour les Whites, un but csc permettra à Leeds de mener à la pause (1-0, 28e).
Bielsa procèdera bien à l’entrée de Pablo Hernández pour amener un peu d’ordre en deuxième mi-temps. En vain. Alors le technicien argentin va apporter une nouvelle carte maîtresse dans son jeu : Pascal Struijk. Avec la rentrée du jeune défenseur central de 20 ans à l’heure de jeu (61e) et la sortie conjuguée de Jack Harrison (ailier), Bielsa affiche son ambition : conserver le score.
Rare to see Leeds look this disorganised under Bielsa. Struijk is about to come on. Structure of the team still isn't working. #lufc
— Phil Hay (@PhilHay_) July 16, 2020
Struijk, placé au milieu de terrain devant la défense, doit apporter sa taille (1,90m) dans les duels et du liant entre les lignes. Le jeune néerlandais ne permettra pas à Leeds de reprendre le contrôle du match mais Barnsley, dominateur (54% de possession du ballon, 8 tirs à 2), ne parviendra pas à ses fins. Et ce grâce à la solidité défensive des Whites bien aidé par l’apport d’un gamin de 20 ans qui n’avait obtenu que 7 minutes de jeu cette saison. Une victoire sans saveur au meilleur moment de la saison. Car dès le lendemain, grâce à la défaite de West Brom à Huddersfield (2-1), Leeds sera officiellement promu en Premier League.
Le 27 juin dernier, après sa démonstration de coaching face à Fulham, Marcelo Bielsa s’était montré inquiet à propos de la règle des cinq remplacements : « Cette règle va à l’encontre de l’intention première de celle qui faisait loi. La règle initiale visait à apporter de la fraîcheur, maintenant ces changements sont utilisés à des fins tactiques”, avait-il déclaré innocemment. Compte tenu de la densité des effectifs en Premier League, si cette règle tend à défavoriser Leeds la saison prochaine, l’Argentin saura mieux que quiconque en tirer profit.