À moins d’être familier avec ce pays, il ne saute pas tout de suite aux yeux qu’Israël puisse être un havre de tolérance pour la communauté gay. Pourtant, au sein de cette terre de contrastes où progressistes et conservateurs se côtoient au quotidien, les homosexuels, bien que soutenus officiellement par le gouvernement, subissent toujours d’importantes discriminations. C’est en réponse à ce constat que s’est formée en 2012 une équipe de football amateur composée à la base de joueurs ouvertement gay, le Rainball Tel-Aviv.
Tel Aviv-Jaffa, 400,000 habitants et deuxième ville de l’État d’Israël. Située à moins de cent kilomètres de la bande de Gaza, la cité portuaire surnommée « ville qui ne dort jamais » tant la population y est jeune est dynamique, semble un îlot tranquille, éloigné des conflits qui font la publicité négative quotidienne du pays à l’international.
Deux jours par semaine pourtant, ils sont une soixantaine à venir s’entraîner pour les matchs du jeudi et du dimanche. Qui ça ? Les joueurs du Rainball Tel Aviv, un club de football amateur fondé en juin 2012 et qui, à l’instar du Paris Foot Gay en France, et du Leftfoot FC en Angleterre, a la particularité d’être composé de joueurs ouvertement homosexuels. Parmi eux, Ron Cohen, gardien de but et capitaine qui, après quelques années d’étude à Londres, et séduit par le projet du Leftfoot qui participe en dépit de son statut à des matchs officiels, a rejoint le Rainball lors de son retour au pays.
Le Rainball, une initiative unique au Moyen-Orient
Tel Aviv est une ville à part en Israël. Particulièrement du point de vue LGBT. En 2012, le site américain gaycities.com l’élisait ville la plus gay-friendly du monde pour l’année écoulée où notamment 100,000 personnes ont participé à la gay-pride. Il faut dire qu’Israël dispose d’une des législations les plus avancées en termes de droits des homosexuels. Depuis 1988, être gay n’est plus un délit, ce qui est, certes, plus tardif qu’en France (1982 tout de même) mais les lois visant à protéger la communauté sont arrivées, elles, bien plus rapidement. On retiendra surtout l’année 1993 où la discrimination est interdite dans l’armée, chose importante lorsque l’on sait qu’hommes et femmes doivent servir respectivement trois et deux ans au sein de celle-ci. Le magazine Têtu soulignait à ce propos en avril 2012 qu’un « véritable revirement [a été opéré] : la franchise quant à l’orientation sexuelle est désormais encouragée par l’état-major, pour qui un gay assumé met moins son unité en danger ». Cependant, dans un pays où toute union doit être célébrée par un rabbin, il n’est toujours pas possible pour les homosexuels de se marier sur le territoire israëlien. Pourtant, une loi de 2006 reconnaît les unions de même sexe célébrées dans un pays étranger où elles sont légales.
Il était donc logique que le mouvement finisse par toucher le milieu sportif. La naissance du Rainball Tel Aviv n’a ainsi rien de surprenant, bien qu’elle n’ait aucun équivalent à des centaines de kilomètres à la ronde. En conséquence, le club dépasse le simple cadre footballistique. De nombreuses autres activités culturelles et festives y sont organisées, lui conférant un rôle de plate-forme sociale au caractère profondément familial. Composé à la base de 45 joueurs, tous juifs et ouvertement homosexuels, il en compte aujourd’hui une soixantaine, et parmi eux des hétérosexuels assumés et même des musulmans. Depuis la loi de 1993, les joueurs qui effectuent leur service militaire ne cachent plus leur homosexualité, le club postant même sur sa page Facebook des photos de certains d’entre eux en manœuvres dans le désert.
Un message de tolérance
Dans sa charte fondatrice, le club proclame son ouverture vis-à-vis de chacun, à condition d’être motivé par le fait de jouer au football, d’avoir la volonté d’apprendre et de s’améliorer, et surtout, d’en respecter les autres membres. Évidemment, il brille plus de par sa singularité que de ses résultats sportifs. Évoluant en division amateur, le Rainball ne s’est déplacé que deux fois à l’étranger à l’occasion des World OutGames, une compétition omnisport réunissant des athlètes principalement LGBT en provenance du monde entier, parfois même de pays où l’homosexualité est toujours illégale. Après Anvers en 2013 et Copenhague en 2014, ce sera au tour des Israéliens d’être hôtes en 2015 lors des traditionnels Water Games de Tel Aviv, une compétition sportive LGBT où se mêlent différentes disciplines pouvant être pratiquées sur sable ou en milieu aquatique. La prochaine édition marquera l’apparition du football au sein du programme et le Rainball aura a cœur de jouer le rôle du régional de l’étape.
À travers le caractère LGBT du club, c’est également un message fort qui est envoyé à l’obscurantisme de certaines mouvances conservatrices, qu’elles soient juives ou musulmanes. Et la volonté d’ouverture du Rainball est la preuve que cette équipe n’a d’autre but que de jouer au football pour le plaisir avant tout, en promouvant le vivre-ensemble entre les communautés ethniques et sexuelles. Une manière de balayer d’un revers de la main le pinkwashing orchestré par l’Etat hébreu qui serait tenté de justifier ses exactions en Palestine sous le masque d’une politique gay-friendly.