Domenico Tedesco, 35 ans, 1ère année en tant que coach professionnel en première division et 2eme de Bundesliga avec Schalke 04 à quelques journées de la fin. À 32 ans, et sans aucun passé de joueur professionnel ce jeune entraîneur va probablement permettre à la Veltins Arena de retrouver la Ligue des champions. Dans ce pays où le légendaire Jupp Heynckes cohabite avec une nouvelle vague d’entraîneurs extrêmement talentueux (Hasenhuttl, Nagelsmann, Herrlich, ou encore Tuchel et Klopp un peu plus antérieurement), Domenico Tedesco contribue à cette nouvelle identité du football allemand, loin des clichés, en deux mots : ambitieuse et joueuse.
Le parcours de Tedesco
Domenico Tedesco aurait-il pu connaître la même ascension en France ? Y-a-t-il un seul coach français en Ligue 1 aujourd’hui qui n’a pas été anciennement joueur professionnel ? Au-delà de cette question qui peut mériter un débat, Domenico Tedesco a surtout pour lui un immense talent. Passionné de sport (il fut pigiste dans un journal sportif local), il décide rapidement de s’écarter de sa voie professionnelle dans le génie industriel, pour passer ses diplômes d’entraîneur jusqu’à la licence Pro UEFA au sein de laquelle il finit major de promotion. Parallèlement, il entraîne pendant plusieurs années des équipes de jeunes comme le VfB Stuttgart, ou le TSG Hoffenheim.
À 30 ans, il aurait pu simplement continuer dans la formation des jeunes au sein de grands clubs allemands. Mais Domenico Tedesco voit déjà plus loin. Il se met de lui-même en difficulté en choisissant de s’engager avec le Erzgebirge Aue, dernier de deuxième division à onze matchs de la fin du championnat. Le Calabrais d’origine réussit pourtant au terme de la saison à sauver son équipe de la relégation. C’est alors qu’une offre incroyable lui est proposée : entraîner l’équipe première de Schalke 04, l’un des plus grands clubs du pays. Aujourd’hui, second de Bundesliga et sous les feux des projecteurs allemands, Tedesco a su bonifier cette opportunité unique. Et tout cela sans renier une identité, des principes de jeux affirmés.
Composition et animation
La phase offensive du SC04 : ambition et polyvalence
À l’image de l’ambition de son entraîneur, voulant constamment tout maîtriser et tout connaître pour progresser, Tedesco demande à ses hommes d’être capables de s’exprimer dans plusieurs registres. Adepte de la défense à trois qu’il utilise beaucoup cette saison, il n’apparaît pas dogmatique quant au système de jeu. Son équipe, souvent alignée en 3-5-2 sur le papier, peut se transformer en 3-6-1, en 3-4-1-2, en bref, prendre des formes multiples dans son animation. L’un des axes qui n’évolue pas quelque soit les joueurs sur le terrain : la capacité technique d’être protagoniste sur le terrain, de pouvoir imposer son jeu à ses adversaires. Lorsqu’on compose dans le cœur du jeu avec des joueurs aussi fins, qu’Amine Harit, Goretzka, MacKennie au gabarit très moyen, la technique apparaît clairement au centre du projet de jeu. Max Meyer représente l’illustration parfaite de cette idée. Grand espoir allemand au poste de numéro 10, Tedesco décide en début de saison de le réorienter en numéro 6 afin de magnifier ses sorties de balles.
Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il le fait systématiquement ! Tel un caméléon, il demande souvent à ses joueurs d’imposer un faux-rythme, d’endormir un peu l’adversaire pour mieux le piquer.
Les sorties de balle incarnent très bien cette polyvalence, cette variété dans le jeu du SC04.
Schalke 04 n’hésite pas à prendre des risques dans la relance et à faire participer ses défenseurs centraux tant que possible. Notez dans ce registre la qualité supérieure apportée par Stambouli (et Thilo Kehrer son concurrent lui aussi très fort dans ce secteur) comparativement à Naldo et Nastasic plus prudents.
Jouant très souvent avec deux attaquants, solides dans le jeu aérien, tout en sachant se déplacer intelligemment, ils sont aussi sollicités dans les sorties de balle qu’elles soient courtes ou longues.
L’équipe de Tedesco peut réellement se comparer à un caméléon car elle présente aussi un grand nombre de circuits d’attaques placées.
Ce circuit d’attaque révélateur découle d’abord d’une défense centrale impliquée dans la construction des actions. De surcroît, la technique est toujours au service de la tactique : Tedesco peut s’appuyer sur de sublimes prises de balles orientées pour donner la consigne à Harit d’être toujours dans le dos de l’adversaire prêt à créer le décalage sur son contrôle.
Schalke 04 sait aussi utiliser les couloirs pour déséquilibrer l’adversaire.
Ce circuit d’attaque très efficace permet aussi de souligner les qualités d’un attaquant sous-estimé en Europe : Burgstaller. L’autrichien au grand gabarit est un joueur très mobile, très intelligent dans ses déplacements, ses courses, capable aussi bien de placer des appels profonds que de jouer dos au but. La qualité de ses frappes et son jeu de tête en font un attaquant redoutable. Ses dix buts, tous mis depuis l’intérieur de la surface, minimisent le rôle de cet attaquant décisif dans la phase offensive de l’équipe de la Ruhr.
De plus, l’ensemble des captures d’écran prises ici montrent l’importance des projections des milieux relayeurs jusque dans la surface pour apporter du nombre et finir les actions. Les frappes de loin, les centres souvent au sol, sont importants dans ce registre. Cependant, là aussi Schalke peut apporter de la variété.
Si le nom de Domenico Tedesco fait beaucoup de bruit en Allemagne, c’est parce que son équipe impressionne les observateurs. Malgré le peu d’expérience au plus haut niveau de cet entraîneur, ses joueurs proposent un football construit, travaillé et fondé sur une synchronisation des déplacements, une utilisation des espaces très intelligente.
Récupération du ballon et attaques rapides : le caméléon sait accélérer
Il est très difficile pour une équipe de faire des résultats sur une saison complète en ne défendant que dans une configuration. Tedesco en est conscient et a développé l’éventail défensif de son équipe. Celle-ci sait tout aussi bien défendre en avançant sous la forme d’un pressing, défendre en bloc médian ou encore attendre l’adversaire en bloc bas avec une bonne occupation de la surface de réparation.
Lorsque Schalke prépare une attaque placée chez l’adversaire, il n’est pas rare de les voir tenter un pressing à la perte immédiate, dans les trois secondes, afin de récupérer le ballon le plus vite possible. Un principe « vulgarisé » par le Barça de Guardiola et très souvent repris par les équipes dites « protagonistes » en Europe.
Schalke 04 défend rationnellement en zone à gauche. Les deux joueurs entourés en rouge vont tenter de se trouver grâce à une passe longue. Le déplacement de Meyer, entouré en noir est intéressant à suivre.
L’équipe de Tedesco sait aussi occuper avec beaucoup de pertinence la surface de réparation, obligeant l’adversaire à des passes stéréotypées que la charnière et notamment Naldo se font un malin plaisir à récupérer. Sur les deux-tiers de la saison Naldo est l’homme qui a gagné le plus de duels en Bundesliga tout particulièrement dans le domaine aérien où il excelle. Pour preuve sur les 189 duels aériens qu’il a disputé il en a remporté 145 soit près de 77%. Son coéquipier Nastasic est aussi redoutable dans les duels surtout lorsqu’il est dans cette surface de réparation.
L’équipe Caméléon de Domenico Tedesco sait aussi accélérer lorsqu’elle récupère un ballon assez bas. Les circuits d’attaques rapides sont simples et terriblement efficaces.
De surcroît, sur ces phases de jeu, les défenseurs n’hésitent pas à chercher en jeu long un attaquant, qui grâce à sa déviation, va permettre au milieu relayeur de récupérer le cuir, pour mieux le redonner à l’avant-centre parti immédiatement en profondeur dans le dos. Tous ces circuits montrent à la fois la vitesse de projections des joueurs de la Ruhr, leur volume de course conséquent, et la qualité de leurs déplacements. Tous ces éléments, ensemble, mettent régulièrement hors de position les adversaires.
Quels axes de progression pour l’équipe de Tedesco ?
Schalke 04 est une équipe relativement régulière et qui occupe le très haut de tableau depuis de nombreuses semaines. Avec 4 points d’avance sur le second Dortmund et près de 7 sur Leverkusen 5eme, elle est déjà presque assurée de disputer la plus prestigieuse des compétitions européennes l’année prochaine.
Pour autant, si elle veut exister à ce niveau de compétition, de nombreux points restent à parfaire pour les joueurs de la Veltins Arena. Les défenseurs centraux ne sont pas très véloces et présentent des difficultés à gérer la profondeur lorsqu’ils sont en bloc haut. De plus, le Schalke 04 présente souvent des « trous d’airs » dans un match caractérisé par des périodes de possession très horizontales et stériles, ou encore des moments de naïveté défensive criantes. Enfin, la jeunesse globale de l’effectif notamment au milieu de terrain où les joueurs présentent peu ou pas d’expérience en Ligue des champions peut s’avérer problématique pour être performant. Déjà, en championnat, on perçoit souvent des séquences de jeu où les choix des joueurs ne sont pas pertinents, d’où cette idée globale d’une maturité tactique à acquérir.
Conclusion
L’équipe de Schalke 04 porte bien son nom de caméléon. Celle-ci dispose de très nombreux joueurs de qualité, complémentaires et capables de s’exprimer dans plusieurs registres au cours d’un même match. Le travail et les principes de jeu de Domenico Tedesco apparaissent bien visibles. L’équipe de la Ruhr est capable de produire un football construit et très agréable tant sur attaque placée, que sur attaque rapide.
Elle se déploie efficacement tant en bloc bas, qu’en bloc médian ou haut sous la forme d’un pressing à la perte. Ainsi, Domenico Tedesco rappelle à tous que le métier d’entraîneur doit se distinguer d’un passé de joueur professionnel. Ce statut n’offre aucune garantie, si ce n’est une légitimité au départ. Mais comme l’explique Carlo Ancelotti ou Zinedine Zidane, cette « aura » peut s’effacer très vite, puisque le joueur de football de haut niveau recherche avant tout de la « crédibilité », de la « compétence », tant humaine que technique.
En résumé, quelqu’un qui pourra lui permettre de briller tout en prenant du plaisir à exercer un métier qui reste avant tout un jeu appris dans la rue ou la cour de récré. L’Allemagne a su faire confiance à ces profils qui sortent des sentiers battus, et elle ne semble pas s’être trompé tant la carrière de ce coach semble promise à un grand avenir. L’école française des entraîneurs osera-t-elle s’engager dans cette voie ?
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