Des femmes qui supportent avec ferveur leur équipe, portent les couleurs de leur groupe, font les deps et bâchent en tribune, c’est plutôt rare. Désormais elles ouvrent grand leur bouche pour s’imposer en tant que femmes, force légitime des stades. Le 10 juin dernier, une rencontre à São Paulo a réuni plus de 300 femmes de 50 entités différentes pour revendiquer le droit d’évoluer dans un univers où l’homme domine, les tribunes.
La rencontre a le mérite de donner une sacrée visibilité aux supporters féminines, et aussi d’organiser un mouvement naissant. Car au Brésil, les filles sont minoritaires mais bien présentes dans les tribunes. Il n’est pas rare d’avoir des collectifs de filles comme sous-groupes d’une association de supporters (Torcida Organizada en portugais brésilien, TO). Ils se nomment sur le même modèle que les autres sous-groupes, qui distinguent en général les quartiers : « commandement féminin », « cellule féminine ». Leur stickers, ce sont souvent des nanas bien gaulées, dont l’inspiration est issue des codes foot et brésilien : manga, super héros (Harley Quinn), indienne, hip-hop, guerrière et aventurière (Tomb Raider). D’autres créent leur propre groupe comme c’est le cas de Jordana : à la tête de la TOR (Torcida Organizada Rubra, club Anapolina), elle fonde le Mouvement Xatas pour permettre aux filles d’avoir plus d’autonomie sur les actions sociales, que toute torcida réalise au Brésil.
En tribune, ça bâche surtout des messages anti-macho : « Respecte les nanas », « Le stade est aussi un lieu de gonzesses ». Les groupes soutiennent donc l’initiative. Les femmes se sont même rendues à la rencontre de São Paulo défrayées par leur groupe. « Dans mon groupe, les femmes ont une voix. les femmes peuvent mener, elles peuvent être directrice, elles portent le matériel, elles jouent des grosses caisses, elles portent des étendards ». Dans l’asso les filles sont acceptées. Ça fait parfois plus de 15 ans qu’elles y sont, minoritaires mais présentes. On leur a refusé l’accès à des réunions, ou la participation à des déplacements jugés trop dangereux. Elles creusent leur petit trou et se font respecter à force de caractère. Les mecs leur dédient même des chansons (rap funk très typique des cités au Brésil) plutôt sympas célébrant la féminité dans le groupe. Un changement en tribune qu’il serait bon de voir en société, non?
Pour Natalia Beatriz, supporter du Corinthians non affiliée à une asso, le machisme est pire en dehors des associations : « La situation des femmes est encore plus compliquée en dehors des tribunes de l’asso. Les mecs sont des foutus play-boy. Ils ne connaissent pas le quotidien des supporters, ils viennent que de temps en temps au stade. Dès que tu cries, que tu critiques l’arbitrage, ils disent que tu ne comprends rien au foot. Mais putain (sic), bien sûr que je capte, sinon je ferais quoi dans un stade ? Putain, mais je ne fais pas que mater les joueurs ! Et je ne suis pas venue juste pour accompagner mon mec bordel ! » C’est même parfois le mec qui accompagne.
« C’est moi qui emmènerai mon fils au stade. Ce sera pas son père, son oncle. Non, ce sera moi. »
Cette supportrice de la Juventude, l’affirme : « C’est moi qui emmènerai mon fils au stade. Ce sera pas son père, son oncle. Non, ce sera moi ». Pas évident pour les femmes d’aller à l’encontre des préjugés qui s’ancrent dans une société traditionaliste. « Ce n’est pas une guerre de genres. Je vais en tribunes parce que c’est aussi mon espace. Je ne vais pas demander pardon. Je ne vais pas demander la permission. Je ne suis pas une intruse dans les tribunes. »
Si on comptait sur les femmes pour diffuser une image moins violente et plus douce des supporters (la femme, cet être doux, qui donne la vie… ben voyons), c’est loupé. « Les femmes en 2017 vont supporter, picoler, porter des mini-jupes.. Il fait 38 à Rio, donc oui on vient en mini et en top, et si ça dérange quelqu’un les gars, regardez ailleurs! Personne ne va décider ce qu’on va porter ou ce qu’on va picoler. S’il y en a une de nous qui boit et qui vomit, il y en aura une autre pour lui tenir les cheveux et lui appeler un taxi. » Enfin un discours sensé.
« Personne ne va décider ce qu’on va porter ou ce qu’on va picoler »
À la TOR, Camisa 12 do Inter ou d’autres, les femmes sont directrices ou occupent des postes de direction et ça fonctionne très bien. L’ANATORG, (alliance d’asso de supporters) qui a missionné ce jour-là une délégation de plus d’une dizaine d’hommes, est un peu hors-sujet. Ils tentent de défendre un supporter allemand qui décrète que sa nana reste chez elle parce que les tribunes, c’est pas pour les femmes. Un grand moment. À la question de l’organisatrice hyper respectée Dada des Gaviões da Fiel, (qui a notamment tenu tête aux hommes pour allaiter en tribune) « est-ce qu’il y a des femmes dans votre conseil d’administration ? », le président de l’ANATORG répond « non, mais c’est pas fait exprès » (oh, shit). Un modèle : le collectif démocratie corinthienne. Le club de Socrates, qui a soutenu le peuple pendant la dictature, est encore une fois précurseur : le collectif applique la parité pour toutes les représentations. Un homme, une femme.
De l’antifascisme au féminisme
La rencontre a le soutien de pas mal d’assos : ANATORG, Museu do Futebol, Torcedores pela Democracia, AGIR (Arquibancada, Ampla, Geral e Irrestrita), Respeito FC, Futebol, Mídia e Democracia. Que des associations qui défendent une vision tolérante du foot et combattent le racisme, la violence, le machisme, l’homophobie, le football moderne.
Des revendications concrètes ressortent de la journée : un choix de vêtements plus grands pour les femmes, une délégation féminine pour les vigiles à l’entrée et dans le stade pour éviter de se faire siffler et peloter, le droit de taper sur la grosse caisse au même titre que les hommes, et de porter des mini shorts par 40 degrés, même en tribune. En filigrane, un problème de fond : rester femme dans un univers masculin, culturellement reconnu comme étant pour les hommes. Un combat contre le machisme d’une société qui érige le foot comme un sport de garçon dès le plus jeune âge.
La jeune supportrice de la Brigada Marighella, asso anti-fasciste communiste, porte un slogan comme un petit hymne révolutionnaire. « A arquibancada vai ser tudo feminista » : Les tribunes vont toutes devenir féministes. En tout cas c’est bien parti, et ça vient du Brésil.
Vivement que les feministes envahissent les stades européen… ca ferait vraiment du bien dans ce monde de macho 😉
Morceler l’unité d’un pays pour empêcher ses habitants d’avoir une vue nationale…
Les femmes, les hommes
Les jeunes, les vieux
Les blancs, les autres
Les hétéro, les homos
Quand on se focalise sur son petit nombril, on laisse le champ libre au mondialisme.
Se déterminer par son sexe, voilà une bassesse d’esprit qui permet de dire que les femmes se rapprochent doucement mais sûrement des hommes.
« vue nationale », « mondialisme », « les femmes se rapprochent des hommes »!?!
Mais dis donc, ça ressemble vachement à un discours de troll nazillon à qui ça fait mal aux couilles d’imaginer qu’une femme puisse avoir les mêmes droits que lui.
Allez la bise au berger allemand;-)