En quelques mois, Jorge Sampaoli est déjà parvenu à gagner la confiance de son groupe et celle des supporters tout en obtenant des résultats. Le FC Séville est actuellement troisième de Liga et d’ores et déjà en passe de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions.
Article original de La Tercera du 17 octobre
Il était là dans le vestiaire, à manger des fruits. Mais Jorge Sampaoli a oublié le rendez-vous promis à Juan Baeza, un des hommes du service presse du FC Séville, pour réaliser l’unique interview qu’il a accepté jusqu’à présent en Espagne. Une discussion à travers laquelle Sampaoli a été fidèle à sa franchise habituelle. Il veut qu’on l’appelle Jorge (ne m’appelez plus « Mister »), une règle inhabituelle qu’il a instituée également dans le vestiaire tout juste arrivé à Séville. Comme en conférence de presse, à peine a-t-il vu les yeux de son interlocuteur qu’il a accepté de répondre ouvertement à toutes les questions. Sans filtre. Avec une extrême délicatesse, il a parlé de football durant 40 minutes (temps accordé préalablement). Et quand il a vu sa montre, il s’est levé aussitôt pour préparer l’entraînement. On a dû le convaincre de rester cinq minutes de plus pour les photos de rigueur. C’était du Sampaoli à l’état pur. Il ne sait toujours pas comment ils ont réussi à le convaincre.
Au final, la discussion était si saisissante que le club a opté pour aller au-delà de la simple interview écrite pour son magazine officiel en décidant de réaliser un documentaire, Filosofia Sampaoli. Un documentaire dans lequel Juan Baeza a seulement oublié de lui demander s’il connaissait La Giralda (le clocher de la cathédrale de Santa Maria, le monument le plus emblématique de la ville) ou El Parque María Luisa (le plus grand parc urbain de Séville). Il semble qu’il n’y soit jamais allé, ni même sur la Plaza del Salvador à deux pas de la plus grande église de la ville, lieu où les Sévillans ont pris l’habitude de se rendre pour boire une bière et rompre avec la routine. Sampaoli semble intéressé par autre chose. En ce moment, il vit dans un hôtel proche du stade et il est possible qu’il se couche et se lève en imaginant le but de la victoire : « Un homme qui, pour le moment, est là pour ce qu’il est et qui peut l’affirmer clairement. »
Trois mois sont passés depuis que le technicien argentin est arrivé à Séville et Álvaro Paloma, journaliste pour le journal local Estadio Deportivo, n’a pu avoir aucune interview de lui. « S’il nous en donne une cette saison, on pourra s’estimer heureux ». Mais il s’y attendait en connaissant les principes de cet homme, convaincu qu’il peut changer l’histoire, s’emparer du ballon et passer des heures entières dans la partie de terrain adverse. Un message qui a semé le doute dans la ville, habituée ces trois dernières années à l’économie du Séville d’Emery et à ses printemps inoubliables en Europa League. « Il a fait les gens se dire : ‘à voir si cet homme va préférer perdre en jouant bien plutôt que gagner en jouant mal’, quand ici il est question de gagner. Séville a toujours été une ville très exigeante. »
La réalité est que le FC Séville est une équipe compétitive capable de gagner (6-4) face à l’Espanyol et de ne pas prendre de but face à une Juventus qui tire 16 fois au but. De paraître à l’agonie contre Leganés après avoir mené (0-2) pour finalement l’emporter (2-3) dans les dernières minutes. De ces résultats, Sampaoli se montre autocritique et s’appuie sur ce mot (« amateurisme ») qui l’accompagne partout et que les supporters ont retenu avec une certaine ironie. En réalité, tout se passe grâce à l’engagement colossal que Sampaoli a obtenu de ses joueurs. « La plupart ont joué à mille et une position en trois mois. Vitolo a joué partout. Iborra a même été gardien (contre l’Athletic Bilbao, ndlr)… Mais je n’ai rencontré personne dire du mal de cet entraîneur. Tout le monde le soutient à 100%. »
Peut-être que ça fait aussi partie de la planète de Jorge, comme cette manie de faire les cent pas dans sa zone technique. En ça, l’Europe ne l’a pas changé. Il est capable d’oublier le rendez-vous avec le service presse de son propre club. Juan Baeza a dû aller le chercher au vestiaire, et après l’avoir écouté durant 40 minutes intenses, le discours de l’entraîneur ne laissait plus aucune ambiguïté. Chaque seconde en valait la peine. « Il a seulement souri quand on a parlé de musique. »
Car il a parlé de football. Que de football. Et de son staff technique composé de 11 personnes. Il y a ceux qui étaient déjà là et ceux que Sampaoli a fait venir, si bien que lors des entraînements, il y a presque autant d’assistants que de joueurs. Selon Álvaro Palomo, « ils restent presque tous pour tout analyser jusqu’au plus petit détail. » Comme l’explique Juan Baeza, ce travail a pour objectif que les joueurs adhèrent viscéralement à son idée. Et si un jour il y parvient (« il y parviendra » selon le capitaine, Iborra), peut-être qu’un jour viendra le moment où il chantera l’hymne de Séville, qu’il prendra une bière sur la Plaza del Salvador ou qu’il ira courir au Parque Maria Luisa. Mais pour le moment, il reste où il est. Il devait en être ainsi. L’Europe ne se conquiert pas en trois mois.
Sampaolie est meilleur que Zinedine Zidane