En 2017, le défenseur Luisão disait : « Je pensais que le Benfica allait être un tremplin pour les grands en Europe. Je pensais que j’allais rester un ou deux ans et puis partir ». Mais, le Benfica a supplié son professionnalisme, son assurance dans les airs, ses bons pieds, et lui a sculpté un rôle à sa mesure. Géant. Et après 15 années, l’œuvre est finie. Adeus, Capitão.
« Personne qui est l’objet d’une tendresse ou d’une admiration passionnée de la part de quelqu’un. » Ou d’un public. Si Luisão est une idole en son club, ce n’est pas parce qu’il est la tête d’affiche d’un projet sportif composé de stars, ni car il a fait remporter des titres continentaux à son club par une cascade de buts. Mais c’est bien parce qu’il s’est dévoilé tel un leader en charge, d’une unique cause tout au long de sa carrière. Pourtant c’est fini. Déjà, en juin 2017, il avait affirmé qu’il envisageait de dire au revoir à sa carrière depuis Lisbonne : « J’ai une profonde reconnaissance pour Cruzeiro, mais le ‘timing’ est déjà passé. J’ai fait une grande carrière au Benfica et terminer ma carrière ici serait le meilleur cadeau pour tout ce que le Benfica m’a offert dans ma carrière ». Après de longues semaines à errer sur les différents bancs de Liga NOS, il est certain que l’on ne verra plus le n°4 défendre son maillot rouge sur le terrain.
Ce 25 septembre 2018 est forcément un triste jour dans les allées de l’Estádio da Luz, tous forcés de dire adieu à l’une de ses légendes. Et le drame touche le club à toutes les échelles. Le supporter, tant bien que mal, va devoir s’habituer à ne plus apercevoir ce grand chauve en short-maillot, mais qui sait, en costume ? Les jeunes joueurs, eux, perdent une idole dans le parcours et une référence dans le jeu. L’entraîneur, lui, voit s’envoler son intermédiaire sur le terrain, celui qui ordonnait les mouvements et les têtes de son équipe. Le président enfin, perd un allié qu’il avait été chercher de lui-même au Brésil quinze ans avant, pour construire une nouvelle étape de son club.
O Capitão
Seulement, il y a quelques mois lorsque Benfica se déplace à Dortmund dans le cadre des huitièmes de finale retour de la Ligue des Champions, le défenseur central fête sa 500e cape sous le maillot rouge alors qu’il avait démarré la saison sur le banc. Et cet été, il prolongeait son contrat dans la capitale portugaise. Si bien évidemment la question de comment le capitaine d’un club qui entame le début de sa 16èmesaison consécutive au club peut résilier son contrat, trois mois après l’avoir prolongé d’un an, pose un point d’interrogation sur la gestion du club ; il est évident qu’avec ses 538 matchs joués pour Benfica et accompagné par quatorze coupes nationales, six Liga NOS, Luisão peut quitter paisiblement les terrains. Car , ce que l’on retiendra aussi de lui, c’est son élégance. Après un tacle glissé, il se relève droit et fier, avec la classe : les épaules larges, la tête haute, le crâne reluisant, le regard perçant, l’aigle sur le cœur. Et bien sûr, avec le brassard de capitaine sur le haut du bras.
À 25 ans, Fernando Santos, aujourd’hui sélectionneur du Portugal, lui confie le capitanat. Silencieux et porté par ses quelques 21 sélections avec le Brésil, il a pourtant conquis, sans problème, le vestiaire composé de Petit, Rui Costa, Simão, Nuno Gomes et Fabrizio Miccoli. Associée à son intelligence de jeu et sa technique, la confiance qu’il dégage en fait un vrai leader. « Luisão est exemplaire », déclara l’ex-entraîneur de Benfica. En fait, le Brésilien se dévoile être un membre de cette catégorie de joueur dont la capacité de meneur d’hommes se mesure davantage par l’exemple que par les paroles. Alors quand ses hommes ne dominent pas le champ de bataille, il se lance lui-même en expédition. Toujours pour la même raison : permettre à son clan de gagner. Quand il est interrogé à choisir le meilleur moment de sa carrière, il élit son but dans les dernières minutes face au Sporting Portugal en 2005, qui lance Benfica vers le titre national. Luisão était un Général en mission. Et ses initiatives étaient de cet ordre-là.
Le pied de Jesus…
Lorsqu’il arrive au SLB pour deux millions d’euros à l’été 2003, son club est condamné depuis des années à voir Porto (7 fois), le Sporting (2 fois) et Boavista (1 fois) se partager le trophée. Pourtant, cette période à Benfica lui offre un nouveau statut. Dès sa première saison, en 2004, le fougueux jeune de 23 ans remporte la Coupe du Portugal et finit vice-champion. L’année suivante, il offre du haut de son crâne le trophée à son équipe. Et en 2010, le sage soulève son second titre national. Entre temps, il passe dans les mains de l’artisan Jorge Jesus : « Pour moi, le défenseur rapide et intelligent n’est pas celui qui est capable de faire un sprint, mais celui qui est bien positionné. C’est ce que j’ai tenté d’améliorer tout au long de ma carrière : comprendre le football d’une manière plus tactique afin d’améliorer mon rendement », raconte Luisão. Puis il reprend : « Jorge Jesus est arrivé dans au moment déterminant dans ma carrière, pour grandir comme joueur. Je ne le cache pas, puisque c’est un entraîneur qui m’a beaucoup aidé au niveau du positionnement. Nous jouions avec une défense haute, de manière risquée et il fallait être très intelligent. » Et ce n’est pas un hasard si sa collaboration avec J. Jesus coïncide avec le début du cycle victorieux de Benfica de 2010 à 2017.
Dans le 4-2-3-1 de Jesus, il est le point de référence qui permet à la statue de l’aigle benfiquista de tenir debout. Depuis sa base arrière, il analyse et dirige la partie comme un joueur d’échecs. En 2013, il est le cerveau d’une équipe formée d’Arthur, David Luiz, Fábio Coentrão, Matić, Enzo Pérez, Pablo Aimar, Salvio, Rodrigo Moreno, Nicolás Gaitán et Cardozo. En 2014, dans la conquête commando de la Ligue Europa qui passe par une bataille au Juventus Stadium en demi-finale, il est le seul à ne pas perdre pied dans la dernière demi-heure qui dénude son équipe évoluer à dix. Et même face à Llorente, Chiellini, Bonucci et Tévez, du haut de son mètre quatre-vingt-seize, il domine les vestiges de l’Europe du sud. A Girafa.
… Et la face du SLB
« Je veux marquer l’histoire de Benfica », lâche Luisão lorsqu’il met les pieds à Lisbonne en 2003, au temps où ce n’était pas une formalité du discours d’arrivée. Quinze ans après, il est là le triomphe. En inscrivant son nom parmi les trois joueurs les plus capés du SLB, il a marqué le club à jamais. Pendant son pouvoir, le Brésilien s’est construit le palmarès le plus impressionnant de l’histoire du club avec vingt titres. Il a formé tour à tour les jeunes David Luiz, Ezequiel Garay, Jardel, Lindelöf, et Rúben Dias. Mais par-dessus tout, Luisão et son style auront marqué les esprits : son amour pour le maillot rouge, son contrôle du jeu et son don à renforcer l’équipe au moment d’entrer sur le terrain. En Chine, dans le monde des négociations, l’idée de « Mianzi » consiste à toujours sauver les apparences lors d’un échange. Surtout, elle signifie « la face est à l’homme ce que l’écorce est aux arbres ». De 2003 à 2018, il a été la face du Benfica. Et le sera toujours. Une classe à part qui danse au moment de faire ses adieux : « Aujourd’hui, je vois des ‘merci, capitaine’ mais je crois qu’il est l’heure de dire ‘merci Benfica, du fond du cœur’. »