Le Borussia Dortmund est autant connu pour la qualité de son football que pour ses fidèles supporters. Le Signal Iduna Park, l’antre du Borussia, a une capacité de 80720 places mais possède surtout le plus grand kop debout d’Europe avec la Südtribüne. Chaque week-end, cette tribune accueille 25000 supporters qui sont l’épicentre de la ferveur du club. Les médias ne cessent de vanter les mérites de cette tribune comme un exemple à suivre. A juste titre ?
La Südtribüne, le mur jaune, la cathédrale d’Allemagne. Tout autant de noms pour une tribune unique aux caractéristiques démentielles : 100 mètres de large, 52 mètres de profondeur, 40 mètres de hauteur et tout en haut de la tribune une inclinaison de 37 degrés. Dortmund est l’un des seuls clubs qui peut se targuer d’avoir un public fidèle dans toutes les situations. Le Borussia est à la tête des affluences européennes. Entre 2003 et 2005, le club est au bord de la faillite mais établit un nouveau record du nombre moyen de spectateurs. En avril 2012, après deux sacres de champion d’Allemagne, le Borussia passait la barre des 60000 membres dans son fan club. Ces nouveaux supporters sont pour certains des opportunistes à la recherche de sensation forte dans l’une des meilleures tribunes d’Europe.
D’autres se rendent au stade car c’est un effet de mode. Ils se déplacent sans connaitre le fonctionnement de la tribune ou même sans chanter. Les habitué du mur jaune considèrent que ces nouveaux Schwarz-Gelben sont là pour profiter de l’ambiance et non pour y participer. Ainsi, un véritable business s’est crée autour de la Südtribüne. Un abonnement coûte en moyenne 200 euros mais la liste d’attente est longue de plusieurs années pour avoir son précieux sésame. Certains supporters décident de louer leur abonnement, les prix s’envolent et peuvent atteindre trois fois le prix d’origine. Les ultras borussen The Unity ont d’ailleurs annoncé le boycott du match de Coupe d’Allemagne le 3 août prochain en raison des tarifs jugés excessifs. Outre l’arrivée de ce nouveau type de spectateurs, la Südtribüne est au cœur de division interne entre différents groupes.
Les vieux démons du hooliganisme ne disparaissent jamais
La Südtribüne est composée de plusieurs groupes dont le plus important reste The Unity, fort de 800 membres. Le principal groupe de supporters de Dortmund est officiellement apolitique même si certains membres ont participé à des manifestations contre l’extrême droite et des t-shirts antifascistes apparaissent dans la tribune les jours de match. « Nous condamnons le racisme et l’intolérance ainsi que la répression étatique. Nous voulons une culture de fans, dynamique et mature » déclare The Unity. Des groupes moins influents sont présents dans le bloc 13 du kop, tels que les « Desperados 1999 » et le « Northside ». Ces deux groupes ne cachent pas leur lien avec l’extrême droite. En août, lors du premier match de la saison avec la présence de la chancelière Angela Merkel, une banderole apparaît dans la Südtribüne, « Solidarität mit dem NWDO » (« Solidarité avec les NWDO« ).Le NWDO est l’abréviation de « Nationaler Widerstand Dortmund“, une organisation néo-nazie que le ministre de l’Intérieur avait interdit peu de temps auparavant. En septembre dernier, un membre des DES99 a été condamné lors du procès d’un groupe néo-nazi qui avait attaqué des activistes de la « jeunesse alternative », un mouvement d’extrême gauche. Il faut noter que les jeunes néo-nazis sont invités par l’ancienne génération qui a été au centre de la montée de l’hooliganisme dans les années 1980.
Les Desperados 1999 sont au cœur d’incidents tant lors des matchs de l’équipe première que de l’équipe réserve. Par exemple, lors du match amical BVB II-SC Verl, les ultras de Dortmund ont été responsables de jets de fumigènes et du saccage du stade. De plus, les Desperados cherchent à étendre leur influence dans la Südtribüne aux dépens de The Unity. Pour cela les supporters du bloc 13 n’hésitent pas à utiliser la violence, comme ce fut le cas lors du match Shakhtar-Borussia. Lors de ce déplacement, des ultras de The Unity ont été attaqués par des néo-nazis.
Le rôle de la direction de Dortmund
La présidence du club cherche à endiguer le mouvement hooligan et le développement de la politique dans les tribunes. Mais cette politique du club n’est pas anodine. Le service de sécurité du club composé d’environ 800 membres a été infiltré par des militants de l’extrême droite. Ainsi, la direction a licencié un membre de la sécurité lié au groupe Northside. Les dirigeants ont promis la « tolérance zéro » au développement de l’extrême droite dans les tribunes face à la défiance des néo-nazis et leurs actes de représailles croissants. Quelques 3.000 hooligans sont actuellement sur la liste noire des 18 équipes de Bundesliga du pays, parmi eux 200 fans de Dortmund. Mais le Borussia innove dans les politiques de lutte contre la violence. Un programme pilote a été crée afin de réhabiliter les jeunes hooligans en leur offrant la chance d’effectuer un service communautaire et de pouvoir retourner au stade. Cette politique vise les hooligans de moins de 25 ans. Elle permet aux participants de réduire la durée de leur interdiction de stade. « Notre tâche n’est pas seulement de marquer des points, mais aussi de faire preuve de responsabilité sociale », a déclaré le chef de projet Hans-Joachim Watzke. Cette politique innovatrice a été créée par la direction avec la bénédiction des ultras de la Südtribüne et de la police dans le but d’une union sacrée de l’ensemble des supporters du Borussia.
Aujourd’hui, des groupes tels que les Desperados et le Northside n’ont pas les effectifs pour dominer la Südtribüne. Malgré tout, depuis plusieurs années ils remettent en question la sécurité du stade et obligent la direction du club à intervenir. Le concept de « sécurité dans les stades » adopté par la Ligue de football allemande en 2012 est le signe d’une volonté ferme de lutter contre la violence dans les stades. Au-delà des superbes images de tifo largement reprises par les médias.