Grâce à une grande maîtrise tactique, la Juve a fait exploser la Roma dimanche soir dans le choc de la 18e journée de Serie A. En dépit d’une possession largement supérieure à celle de leurs adversaires, les Romains n’ont jamais été en mesure d’inquiéter la Vieille Dame, pénalisés par la faiblesse de leur pressing. L’équipe de Conte fonce vers son troisième Scudetto.
Le manque d’audace de la Roma
Si les Romains ont possédé le ballon dans les grandes largeurs, à aucun moment ils n’ont mérité de gagner le match. Face à cette Juve ultra-compacte et regroupée, ils ont terriblement manqué de pénétration et n’ont pu produire leurs échanges que dans les deux premiers tiers du terrain. Jamais ils n’ont été capable de déstabiliser l’équipe de Conte en combinant dans le dernier tiers en prenant le parti définitif d’asphyxier la Vieille Dame. Les Giallorossi ont souvent stationné dans le camp de la Juve, mais ils n’en ont jamais vraiment fait le siège en occupant vraiment en nombre, ou en osant (pouvant) combiner très haut. Une fois arrivés dans les 30 derniers mètres, leurs échanges étaient précipités, et toutes les passes étaient faites vers l’avant.
Par peur de se faire contrer ? Possible. En tout cas, l’équipe de Rudi Garcia a aussi manqué d’ambition dans sa manière de défendre. Les Romanistes ont consommé plusieurs temps faibles. Pendant ceux-là, on les a vu défendre finalement très bas, sans agressivité, et sans avoir l’audace de déclencher le pressing tout terrain sans lequel une possession aussi disproportionnée n’est que peu avantageuse. Jamais, on a vu la paire Benatia – Castan flirter avec la ligne médiane en jouant clairement le hors-jeu. Les deux stoppeurs romains sont toujours restés 10 bons mètres derrière, même au plus fort de la « domination » de la Louve. Il faut dire que dans les duels, surtout dos au but, le duo Llorente – Tevez les a largement dominé. Offensivement aussi, les deux rocs n’ont jamais donné la « première largeur » de l’attaque placée, en prenant la place de leurs latéraux.
1-0
L’ouverture du score de Vidal sanctionne un bloc très bas manquant clairement d’agressivité défensive. Sur cette séquence, on voit que Totti défend sur Pirlo alors que De Rossi joue comme 5e défenseur, laissant Bonucci, premier relanceur turinois, sans adversaire direct. Au cours de l’action, trois duels vont voir un Piémontais réussir une passe dos au but, malgré la pression d’un Romain. Tevez, au duel avec Castan, sert Lichsteiner ; Vidal face à Pjanic, sert Tevez, avant que l’Apache ne délivre le alley-oop final au Chilien. Avec De Rossi sur le dos. Manque d’agressivité collective et individuelle, absence de (premier) pressing. Finalement, après un quart d’heure, même si elle possède le ballon dans les grandes largeurs, la Rome est punie on ne peut plus logiquement vu son manque d’audace à la fois offensive dans l’utilisation du ballon, et défensive dans l’agressivité et le pressing.
La solitude de Totti
Le rôle défensif de Totti dans le 4-3-3 aura été la clef du premier quart, au terme duquel le match bascule. S’il pouvait rejouer ce match, Garcia le commencerait sûrement en 4-2-3-1. Son capitaine a été terriblement seul au pressing, tiraillé entre deux tâches : surveiller Pirlo au risque d’ouvrir la première relance de Bonucci et inversement. Le manque de pressing n’a offert que trop rarement à la Roma le 3 contre 3 que Garcia avait peut-être en tête. Plus souvent, ce fut un 2 contre 1 : Bonucci et Pirlo contre Totti, voire un 4 contre 1, vu la faible activité de Gervinho et Llajic, comme l’illustre l’angle de passe trouvé par Bonucci ci-dessus.
Les triangles du 4-3-3 romain annihilés
Après l’ouverture du score, les Romains ont essayé de faire ce qu’ils n’avaient pas fait jusqu’alors offensivement, cherchant plus d’appuis dans la zone de vérité. Mais là encore, par manque de justesse et face à une Juve ultra compacte et agressive, il se précipitent en n’inquiètant pas les Bianconeri. Maicon ne passe jamais derrière Asamoah, et Dodo ne dépasse jamais Lichsteiner. Gervinho ne combine que trop peu avec son latéral et sa qualité de percussion est neutralisée par les prises à 2/3 qu’il subit face à Lichsteiner, Vidal et Barzagli. Les triangles Maicon – Pjanic – Ljajic à droite et surtout Gervinho – Dodo – Strootman à gauche n’ont que trop peu combiné, et ce trop loin du but de Buffon. Jamais, ils n’ont véritablement créé de décalage. Bien neutralisé par le dense cœur du jeu de la Juve, et pas assez aidé par un bloc trop bas et pas assez conquérant, Totti n’a jamais pu transformer ces triangles (et celui du cœur du jeu De Rossi – Pjanic – Strootman) en losanges.
Pirlo > De Rossi
En fin de première mi-temps, la Roma a tenté de faire monter son bloc d’un cran. On a vu Totti venir presser sur Bonucci, Gervinho sur Barzagli et Ljajic sur Chiellini. Le problème, c’est que le reste du bloc (milieu et défense) a continué à stationner toujours aussi bas. L’équipe s’est retrouvée coupée en deux, en 4-3-0-3, ce qui a laissé à Pirlo, libéré du marquage de Totti – mais pas pour autant ennuyé par De Rossi – une grande liberté dans la distribution. La comparaison de leurs matchs illustre bien ce Juve – Roma. 56 passes réussies dont 21 vers le dernier tiers du terrain pour Pirlo, 72 passes dont 9 vers le dernier tiers pour De Rossi.
Le 4-2-3-1 romain / désastreuse fin de match
Après le 2e but, marqué sur un coup de pied arrêté obtenu dans des circonstances conformes à la première mi-temps : avec une Roma brouillonne dans l’utilisation et inefficace dans son repli défensif, Garcia tente un coup. Il sort Dodo pour Torozidis (poste pour poste) et Pjanic pour Destro, Basculant du 4-3-3 au 4231, avec une ligne Totti – Ljajic – Gervinho derrière le nouvel entrant. Si les Romains sont maintenant quatre là ou ils étaient trois, ce remaniement n’aura pas l’effet escompté pour une Louve toujours trop peu conquérante dans le pressing et qui va continuer à s’empaler sur une Juventus compacte. En face, les locaux restent dangereux offensivement et parviennent toujours à sortir le ballon aussi facilement. Comme un aveu de faiblesse tactique, c’est Totti qui sort pour Florenzi à la 72e.
Incapables d’utiliser la largeur et de jouer entre les lignes serrées de la Juve, le dauphin perd de plus en plus vite le ballon. De Rossi assassine Chiellini à la 75e, ouvrant la porte à une fin de match catastrophique pour la Louve. Sur le coup-franc qui suit, Castan met la main sur la ligne et quitte à son tour le terrain. Vidal laisse le penalty à Vucinic qui achève son ancienne équipe.
La Roma touche ses limites
On l’avait bien vu face au Napoli, le 4-3-3 de Garcia est joueur offensivement, mais défensivement, la méthode est plus le repli que le pressing tout-terrain. Dimanche soir, cette méthode a montré ses limites face au 5-3-1-1 compact de Conte. Sans oser attaquer en nombre, la Magica n’est pas allé au bout de ses idées sur le plan offensif. A l’image de ses attaquants, trop peu actifs au pressing. Pire : même lorsqu’ils l’ont été, la défense n’a pas embrayé le pas. Offensivement, les Romains n’ont jamais trouvé la largeur nécessaire pour déséquilibrer une Juve qui n’en manquait pas, avec cette solide ligne de 5. Pogba a été chirurgical et Vidal tranchant. Les deux milieux n’ont pas manqué de se projeter vers l’avant, alors que devant eux, Tevez et Llorente ont terriblement pesé sur le duo Benatia – Castan. Entre cette ligne de 5 et ce quatuor, Pirlo a joui d’une grande liberté pour diriger le chantier.
En ne régnant que sur son dernier tiers et en laissant globalement l’initiative du jeu à son adversaire, le leader a totalement maîtrisé son sujet grâce à une grande versatilité et un excellent dépassement de fonction, bien illustré par la verticalité de Pogba et Vidal, ainsi que l’apport offensif de ses latéraux. En lui laissant délibérément le ballon, la Juve a été bien plus dangereuse offensivement et efficace défensivement que la Roma. Totti symbolise la faillite romaine sur ce match. Le Capitano a été complètement nullifié. A aucun moment il n’a été un point d’appui efficace pour les attaques placées de la Roma.
Après 17 matchs sans défaite, même s’il faut bien préciser que son équipe était en perte de vitesse avant la trêve (2 victoires et 5 nuls), Rudi Garcia consomme sa première gifle tactique en tant que coach de la Roma. Evidemment, ce premier revers ne doit pas remettre en question son bilan, mais plutôt la véritable aptitude de sa Roma à jouer le titre. Nul doute son équipe – jeune et peu fournie en quantité – va jouer une partie importante de sa saison dans les prochaines semaines. Avec maintenant 8 points d’avance sur son dauphin, la Juve fonce logiquement vers son troisième Scudetto.