Au retour de la pause internationale, le FC Séville de Pablo Machín était premier de Liga avec un point d’avance sur le FC Barcelone avant le match avancé d’Alavès. Avant le déplacement au Camp Nou, pour la neuvième journée de championnat, le mécanisme de son nouveau jouet semble habité par son identité. Anatomie de jeu.
Idée : « Je veux être Pablo Machín, j’ai mes propres idées. »
Il y a quelques semaines, son équipe accueillait le Real Madrid de Julen Lopetegui pour le renverser en une trentaine de minutes. Avant la rencontre, Pablo Machín déclarait : « Ce soir, nous allons nous amuser ». S’amuser, se divertir, « la chose la plus importante dans le football » selon Jürgen Klopp. Avec un plan de jeu ambitieux, ses hommes abattent ceux de l’ancien coach de la Roja (3-0), contraint de s’incliner en conférence de presse : « Nous n’avons pas été à la hauteur. » Car dès lors, avec le FC Séville, Machín possède les cartes pour réaliser de remarquables combinaisons. Et sa mission passe forcément par gagner les jetons des grands de la table.
Avant son histoire à Gérone, il prenait la tête de Numancia et son adjoint Jordi Guerrero assurait sur Sphera Sports : « Quand il est arrivé, il s’est assis avec le staff et nous a demandé comment nous voyions l’équipe. Puis il s’est assis avec moi un jour et a décidé de changer les choses. Nous avons perdu les deux premiers matchs mais, de là, les choses ont changé. » Cette saison, après un nul face à Villarreal et deux défaites contre le Betis puis Getafe, ce n’est donc pas une surprise si son équipe à enchaîner quatre victoires de suite en inscrivant 14 buts. À Sphrera Sports toujours, Alex Granell, le milieu de terrain de Gérone, décrivait d’ailleurs son ancien coach comme « une personne qui a des idées très claires » capable de « transmettre les préceptes d’un système de jeu qu’il a défendu à tout prix. » Lorsque Marca lui demande qui est son modèle, l’entraîneur espagnol raconte : « Je veux être Pablo Machín, j’ai mes propres idées. » En clair, les hommes changent, la manière aussi mais la philosophie ne varie pas. Dès le début de son périple à Séville, il a tenté d’adapter son jouet à la danse du 3-4-3. Mais depuis la défaite contre Getafe (0-2), le 16 septembre dernier, il s’équilibre en 3-5-2, s’agite mieux et aligne cinq victoires en six matchs. Encore à Gérone en octobre 2017, il déclarait pour Marca : « Ce système possède des avantages aussi bien pour attaquer que pour défendre. Après, la différence se fait avec les joueurs que tu mets à certains postes (…) Il peut permettre à nos joueurs du milieu de briller. » Et après quelques semaines, ce sont eux qui permettent à la partie rouge de Séville d’éblouir.
Phase avec ballon : Banega, for Ever
Face à un adversaire replié, les centraux deviennent trois pourvoyeurs de relances ravis face à la multitude d’options. Car devant eux, André Silva, Ben Yedder, Pablo Sarabia ou Franco Vázquez sont sans cesse en mouvement à l’intérieur du jeu. Seulement, quand ils sont pressés, Banega décroche et récupère la balle pour s’occuper de la relance. C’est lui qui est le lien entre les défenseurs-relanceurs et ses partenaires positionnés plus haut. Si bien souvent, ce sont des joueurs de couloir, il peut compter sur le positionnement de Vázquez et Sarabia proche de lui pour offrir une option de sortie courte et axiale. Alors que l’usage de longs ballons est fécond lorsque les relanceurs cherchent André Silva, qui grâce à une déviation, va permettre aux milieux relayeurs de lancer un Wissam Ben Yedder très mobile, seulement 26% des attaques sévillanes se font dans le cœur du jeu.
Néanmoins, les joueurs de Pablo Machín ne calent pas sur l’équation de l’élaboration. Avec ceux du Barça, ils ont inscrit le plus de buts en Liga sur phase arrêtée (12). Simplement, les pôles de création de Séville sont désaxés. En effet, 74% des attaques passent par les ailes (39% à droite et 35% à gauche). Car les mouvements se font principalement sur les côtés, de deux manières – surtout à droite, où Sarabia et Navas s’illustrent tous deux en réalisant le plus de dernières passes en Liga (4). D’une part, sur l’initiative des combinaisons des latéraux et de leurs appels. D’une seconde, par les pieds de Banega, indispensable à Machín, chargé de renverser sur les côtés. Ensuite, les axiaux avalent l’espace dans le dos des défenseurs. Comme le montre le superbe but face au Celta Vigo : Navas centre au sol pour Ben Yedder à l’entrée de la surface, qui mise sur Franco Vázquez seul face au jeu. Ensuite, l’Argentin lobe la ligne défensive de six joueurs et offre à Sarabia la possibilité de servir à nouveau l’ancien attaquant de Toulouse devant le but vide. Ou encore la première action du choc face au Real : Banega sert Jesús Navas sur son côté droit à hauteur de la ligne médiane, qui force Marcelo à sortir de l’alignement défensif. L’ailier relayeur Pablo Sarabia exploite ce décalage, s’insère dans l’espace libre et lance André Silva qui attaque la profondeur dans le dos de Sergio Ramos, trop amené à compenser la sortie de Marcelo.
Transition : densité et intensité
Alors qu’elle présente des joueurs adéquats au jeu de position (surtout au milieu), l’équipe de Pablo Machín se veut surtout très verticale. Avec seulement 48.7% de possession en moyenne depuis le début de saison, son équipe se dévoile impressionnante d’intensité. Autour du porteur de balle, les options de passes sont variées : jeu court en déviation ou jeu long. Pendant les transitions offensives, l’équipe la plus performante en termes de buts sur contre-attaque du championnat (2 buts), cherche aussi l’amplitude grâce aux côtés. Ce qui donne qu’en Liga, elle est la 3è équipe à réaliser le plus de centres par match (22). Sur le premier but marqué contre le Real Madrid (André Silva, 17e), on retrouve une répartition de la surface adverse presque machinale au moment du centre de Navas qui suit une récupération dans l’axe : les deux attaquants au centre, le latéral opposé en bout, les milieux offensifs devant. Une multitude d’options de passe puisque l’équipe attaque avec beaucoup d’hommes. Sur le second (André Silva, 21e), deux des quatre offensifs axiaux accompagnent Navas après le corner du Real Madrid. Quelques minutes plus tard, après une nouvelle récupération dans le camp adverse, ils sont quatre (Sarabia, Ben Yedder, Vázquez et André Silva) dans les dix-huit derniers mètres.
Phase sans ballon : pressing haut et pentagone
Le jeu vertical de Machín est cohérent avec ses idées en phase défensive. Ou l’inverse. Les idées en phase défensive de Machín sont cohérentes avec le jeu vertical de son équipe. Et se veut flexible selon deux attitudes. D’un côté, si son équipe accumule les joueurs dans les zones proches du ballon et qu’elle établit un pressing haut à la perte de balle dans le camp adverse, c’est pour déclencher des attaques rapides. Derrière Ben Yedder et André Silva les chasseurs de relance, Sarabia et Vázquez sont les adjudants d’un pressing intense que Jesús Navas et Arana enveloppent. De l’autre, après une perte de balle en son camp, elle s’organise, bouche l’axe et entraîne la possession rivale vers les côtés.
Avec un large avantage au score contre les Merengues (3-0), l’équipe de Machín s’est placée en bloc médian sous la forme d’un 5-3-2 avec Sarabia et El Mudo Vázquez dans l’axe pour soutenir Banega. Ces deux-là sont aussi amenés à renforcer les ailes. Mais cela pose une limite : Sarabia arrive souvent en retard et accentue l’isolement de son latéral dans une position d’un contre deux. Contre une équipe comme Levante aux nombreux joueurs offensifs, malgré la victoire (2-6), Séville a souffert des appels de José Luis Morales dans le dos d’Aleix Vidal, lancé par son latéral, seul dans une position haute. Dans ce bloc médian, le milieu forme un pentagone pour éviter que les passes s’effectuent à l’intérieur du jeu. Pourtant, face à des joueurs qui attaqueraient balle au pied l’axe, le milieu de Séville pourrait aisément craquer : étirer la ligne du milieu sur la largeur aurait pour conséquence de laisser Banega seul dans l’axe avec un grand espace à couvrir. Mais actuellement, dans le haut de tableau aucune équipe n’en semblent capable, excepté le Betis de Sétien et un Real Madrid avec Isco. Au Sánchez Pizjuán, après la décision de Lopetegui de repositionner Asensio dans le cœur du jeu, Pablo Machín a densifié son milieu en passant du 5-3-2 en phase défensive à un 5-4-1 avec une ligne resserrée et renforcée dans l’entrejeu. D’ailleurs le rôle des relayeurs est souvent amené à changer : contre le Real Madrid, Sarabia et Vázquez ont été invités à sortir très haut sur Kroos et Modric en positions décrochées. Puis à la couverture de l’axe contre Levante.
Il y a quelques semaines en finale de la Supercoupe d’Espagne à Tanger, Séville avait fini par tomber contre le FC Barcelone avec son pressing et ses nouveaux principes de jeu (1-2). Après quelques tours de carte sous forme de préparation psychologique et technique, Machín prendra-t-il la décision de faire un all-in ?
Bonjour,
J’ai été déçu par la performance du FC Séville face au FC Barcelone. Je pense que Pablo Machín devra revoir son effectif, s’il veut que son équipe termine la saison sur le podium.