À Paris, le combat des supporters jugés indésirables devient de plus en plus difficile. Alors que le PSG maîtrisait Nantes à la Beaujoire dimanche soir (0-2), une vive altercation a opposé CRS et ultras parisiens. Présents en tribune Erdre, nous avons aussi pris des coups. Après le match, les forces de l’ordre ont bloqué les contestataires pendant plus de trois heures. Dix d’entre eux ont été interpellés. Reportage.
Le match est fini depuis presque une heure, la pelouse est vide, les lumières de la Beaujoire s’éteignent progressivement. Pourtant, environ cinquante visiteurs sont encore présents, ou plutôt bloqués. Ils patientent en face d’une baie vitrée. Derrière, une trentaine de CRS armés jusqu’aux dents. Sur certains visages parisiens, des plaies, des coquards. L’un d’entre eux, encore en sang, se fait évacuer. La soirée a été mouvementée. « On ne s’attendait pas à une telle galère », assure-t-on côté parisien.
Tout avait pourtant bien commencé, ou presque. Nous partons de Paris à seize heures, en immersion avec une trentaine d’ultras du PSG contestataires et deux heures de retard. Certains membres de la bande n’avaient pas l’air pressés.
Quatre heures plus tard et des stickers collés sur tous les péages de l’autoroute A11, nous arrivons à la Beaujoire. Dans le groupe, les consignes sont claires : « Pas de signes distinctifs, on se divise en groupe de deux et on rentre tranquillement ». Les ultras parisiens sont prudents. Ce soir, un arrêté préfectoral interdit à tout individu reconnu comme supporter du PSG de s’approcher de la Beaujoire, à l’exception de ceux munis de billets pour le parcage « officiel ».
Les forces de l’ordre « les attendaient »
« On est presque tous sur la liste noire du PSG qui nous refuse la vente en parcage extérieur », explique Karim*, l’un des leaders du groupe. Du coup tout le monde est muni d’un billet en tribune Erdre. Il s’adresse aux autres : « Faites gaffe les gars, s‘ils vous choppent, vous risquez l’IDS (interdiction de stade, ndlr) ». Les Renseignements Généraux (RG) sont déjà au courant de la venue des Parisiens. Jean-Sébastien Evrard, journaliste à l’AFP, était en salle de presse lors de la réunion du service d’ordre de la Beaujoire : « On les a entendu dire qu’ils attendaient une cinquantaine d’ultras parisiens hors secteur visiteur ». La discrétion est donc de mise, d’autant plus qu’en petits groupes, ils pourraient être vulnérables face aux supporters adverses. Rappelons que nous sommes en terre nantaise.
L’entrée se passe sans encombre, nous nous installons dans le coin gauche de la tribune Erdre, fréquentée majoritairement par des familles. Elle fait face à la tribune Loire, fréquentée par les ultras nantais et notamment par la Brigade Loire. . On est à 15 minutes du coup d’envoi, nous sommes une quarantaine. À quelques mètres de nous, au moins 800 « lynx », noms donnés aux supporters du PSG non-contestataires, tentent de mettre l’ambiance dans le parcage visiteur. Mais, sans capo, ils manquent d’organisation et leurs tentatives sont étouffées par les chants du kop nantais. Pour l’instant, les ultras se font discrets, certains brandissent des drapeaux nantais pour ne pas être repérés.
Roués de coups
C’est à l’entrée des joueurs que tout bascule. Jean-Sébastien Evrard raconte : « Ça s’est passé très vite, une cinquantaine d’ultras pénètrent l’axe central de la tribune, on ne les a pas vu arriver, certains se sont camouflés avec des écharpes de Nantes ou de clubs européens». Ils sont rapidement rejoints par leurs collègues contestataires dissimulés dans toute la tribune. Le journaliste AFP précise : « C’était un peu le foutoir, mais l’ambiance était pacifique ». Les intrus tentent notamment d’empêcher les Nantais de la tribune Erdre de déployer leur tifo. Les CRS rappliquent. Les Parisiens se regroupent en bas de la tribune. Après un léger round d’observation, les CRS chargent les ultras, « c’est violent ».
Affrontements entre supporters du PSG et forces… par rtl-fr
La charge est brutale (voir vidéo), ça part dans tous les sens, les policiers matraquent, les Parisiens se défendent à coups de pied. La majorité arrive à fuir sur le côté. D’autres, recroquevillés contre la barrière encaissent. Certains tenteront d’entrer sur le terrain pour échapper aux coups. Les policiers frappent et gazent à tout va. L’un de nos reporters est aussi passé à tabac. Résultat : 4 points de suture au front. Le tout sous les yeux de familles, majoritairement présentes en tribune Erdre. L’affrontement était largement évitable, le but des forces de l’ordre était de déplacer les ultras de tribune, sur une vidéo (voir ci-dessous), on voit les parisiens faire des gestes de main pour demander aux policiers de ne pas charger. Ils semblaient prêts à être escortés pacifiquement dans une autre tribune. Durant l’altercation, de l’autre côté, les ultras de la tribune Loire déploient un beau tifo pour l’entrée des joueurs.
Dix ultras interpellés
Petit passage à l’infirmerie, le temps de se faire rafistoler, puis nous rejoignons les contestataires en zone tampon, partie de tribune entre le parcage visiteur et la tribune Erdre. Beaucoup manquent à l’appel. Dix ultras ont été interpellés. D’autres groupes, ont tout simplement décidé de quitter le stade de peur que la situation ne s’envenime.
Reste une quarantaine d’ultras parisiens, ils sont enfermés dans la tribune, les CRS ne laissent plus personne sortir. Sur la barrière, les capos tentent de mettre l’ambiance en lançant des chants, les premiers fonctionnent, les supporters « officiels » reprennent les plus connus. Puis l’intensité diminue, tout le monde semble sur les nerfs. Les buts ne sont même pas fêtés. En face, la tribune Loire assure le spectacle, comme toujours.
En deuxième mi-temps, les ultras nantais déploient une banderole « Fichier STADE, fichage des supporters par l’Etat, pour des sociétés privées… ou comment légaliser la discrimination ». Les Parisiens les applaudissent. La banderole fait directement référence à la création du fichier STADE, autorisant la collecte d’informations personnelles (carte, immatriculation, photos, profils sur les réseaux sociaux, personnes en relation avec le supporter, etc…). La fin de match sera l’occasion pour les autorités françaises d’expérimenter cette nouvelle mesure.
Au final, le PSG s’impose 2-0, les joueurs viennent donner leurs maillots aux « lynx » plutôt qu’aux ultras, sous le regard dépité de ces derniers.
La fin de l’histoire est longue, plus longue que le match. Nous sommes d’abord bloqués plus d’une heure devant les portes vitrées, cadenassées par les CRS. Ils nous font ensuite sortir, trois par trois. Là, un comité nous attend. Des policiers relèvent l’identité des supporters, et prennent les visages en photo.
Bloqués au stade pendant trois heures
Pourquoi ces mesures ? Selon Pierre Barthélemy, avocat défendant des contestataires, elles auront une utilité double pour les autorités publiques : « Des interdictions de stade vont sans aucun doute être envoyées aux supporters parisiens présents en tribune Erdre », motif : « Violation d’arrêté préfectoral ». L’avocat ajoute : « Les photos viendront enrichir le nouveau fichier STADE » et « les clubs pourront ensuite refuser la vente de billets aux individus fichés ».
Après plus de deux heures d’attente, les supporters parisiens sont parqués sur ce terrain vague. (DR)
Nous repartirons finalement de Nantes à 2 heures du matin. Les contrôles ont duré plus de 3 heures. Côté parisien, certains n’en reviennent pas. « Cela fait des années que je fais des déplacements, je n’ai jamais vu ça », s’offusque Lucien un ancien Supras. Karim répond : « Ils font tout pour nous dissuader de venir. Il y a deux ans, ils avaient bloqué notre car huit heures à l’entrée de Toulouse alors que notre équipe jouait là-bas ». Exténué, le contingent arrive à Paris à 5 heures 30. On est lundi, dans quelques heures, certains iront travailler. « J’en ai marre, les gars, pour moi, c’est fini les déplacements », promet un contestataire. Son acolyte lui réplique « Ne dis pas ça, tu reviens à chaque fois » en ajoutant : « Le PSG, c’est comme une drogue pour nous, même avec tout ce qu’ils nous font subir, on ne lâchera jamais ».
* Les prénoms ont été modifiés.
Le PSG ne veut plus de supporters ultras, de ceux qui mettent l’ambiance et font le boulot de 12ème homme.
Les préfets ont peur de dérives et pondent des arrêtés pour se rassurer, pour dire « voyez, j’avais interdit, et ils ont foutu le bordel, ce n’est pas de ma faute ».
Tous les clubs sont pénalisés aujourd’hui (le déplacement des supporters nantais à Bordeaux pour samedi prochain est impressionnant de bétise) : les stades vont devenir des salles de spectacles (hum… ou pas : big up les rennais ! 😀 ) sans vie.
Je suis totalement outré de la teneur sécuritaire et de la politique répressive à l’égard des ultras,
Cependant, il y a une chose que je ne comprends pas à la lecture de cet article : quel intérêt pour ces supporters parisiens d’empêcher les « supporters » nantais (en tribune Erdre ce sont plus des spectateurs que des supporters…) de déployer leur tifo ?!?
des ultras qui se plaignent qu’on ne puisse pas les laisser accéder librement au stade, qui se plaignent d’être fichés, et de ne pouvoir développer des animations en tribune… je suis tout à fait solidaire. mais empêcher des supporters adverses de déployer un tifo, c’est justement les empêcher de faire ce pourquoi les ultras parisiens se battent (notamment). c’était donc une tentative stupide qui a donné l’occasion aux forces du désordre de pratiquer leur activité favorite tonfa + lacrymo. c’est ce qui s’appelle en gros « tendre le bâton pour se faire battre »…
Mefiance… C’est un journaliste qui relate ça… Mais si en effet les mecs ont empeché le déploiement du « tifo » en erdre, alors la, leur action est grave paradoxale… Vouloir se faire discret mais « foutre la merde » en tribune adverse… De quoi justifier par les autorités la charge des crs… Après méfiance parce que la phrase vient d’un journaliste…