Le championnat d’ouverture argentin livre son verdict dimanche lors de la dernière journée. Quatre équipes sont encore dans la course et le hasard fait décidément bien les choses puisque ces mêmes équipes s’affrontent dans ce qui ressemble à deux finales parallèles : Newell’s-Lanus (30 points chacun) et le très attendu Vélez-San Lorenzo (Vélez étant également à 30 points tandis que San Lorenzo possède 32 points). Avantage donc au Cuervo. Ces dernières années, les deux clubs de Buenos Aires sont les protagonistes d’un match qui va désormais au-delà d’une simple rencontre. Violence , trophées et fierté : Zoom sur un clasico qui n’en est pas un .
Qu’on le veuille ou non, désormais, personne ne peut qualifier ce match de « normal » . D’un côté comme de l’autre , on attend ce match tel un véritable clasico. Une « rivalité de quartier » a toujours subsisté entre Vélez et San Lorenzo : ceux habités généralement par les supporters de Vélez ( Liniers, Villa Luro, Vélez Sarsfield) et ceux de de San Lorenzo ( Bajo Flores, Boedo, Almagro) sont géographiquement proches. Malgré tout, les deux clubs possèdent déjà un rival bien défini : Huracan pour San Lorenzo et Ferro pour Velez. Alors comment en est-on arrivé à cette haine mutuelle entre ces deux institutions ? L’animosité a vraiment commencé le 22 décembre 1940. Cette année-là, Vélez devait battre San Lorenzo pour rester en première division. Une défaite 2-0 condamnera le « Fortin » à la descente en deuxième division. Le deuxième tournant se situe aux alentours des années 80. Le club cher au pape venait de descendre à son tour à l’échelon inférieur, deux ans seulement après avoir perdu son stade situé sur l’avenue de La Plata sous l’impulsion de la dictature. Vélez louait donc son enceinte, le stade José-Amalfitani, à ses voisins du Boedo. Beaucoup de rumeurs et d’histoires racontées par des « anciens » retracent cette époque. Du côté de San Lorenzo, on affirme que beaucoup de gamins alors supporters de Vélez ont retourné leur veste et sont devenus supporters du Cuervo. Une hypothèse invérifiable mais plausible. En effet, El Ciclon, à cette époque, était déjà un poids lourd du football argentin et remplissait le stade de Vélez à chaque fois qu’ils y jouaient. Chose que Vélez ne pouvait pas faire du fait de sa faible cote de popularité . L’institution de Liniers a vraiment commencé à passionner les foules dans les années 90. Le président de l’époque, Ricardo Petracca , aurait eu du mal à accepter cette situation ( humiliation ?) et pris la décision de virer San Lorenzo qui a dû ensuite louer les stades d’Atlanta ou encore de Boca Juniors.
Popularité contre trophées
Pendant les années 90 , le club de coeur d’Omar da Fonseca devient l’une des équipes les plus fortes d’Argentine. Sous la présidence du très controversé Raul Gamez, ancien chef de la barra locale, Vélez rafle de nombreux titres internationaux dont une Coupe Libertadores en 1994. Les matchs à cette époque entre les deux institutions sont très mouvementés. Le duel Chilavert contre Ruggeri en 1997 est le point culminant d’une violence rarement vue sur un terrain de football.Sur le rectangle vert , c’est la guerre et en coulisses, ça l’est tout autant. Gamez, selon ses propres aveux, a moyennement apprécié lors d’un déplacement que San Lorenzo fasse défiler ses « peñas » ( sections de supporters réparties sur l’ensemble du pays) devant la tribune de Vélez. Ça touche là où ça fait mal : sa popularité en Argentine. Il décide donc de répondre de la meilleure des manières, en faisant défiler ses coupes internationales dont cette fameuse Copa Libertadores. Si vous voulez énerver un supporter de San Lorenzo, parlez-lui de la Libertadores. En effet, ce trophée, le plus important du football sud-américain, est le seul qu’il manque du côté du Gasometro. Considéré comme l’un des 5 grands ( Boca , River , Independiente, Racing et San Lorenzo) du football argentin , le Cuervo estsouvent moqué à ce sujet. En 2005, Gamez a donc parfaitement préparé sa vengeance et elle marche comme sur des roulettes . Les supporters vêtis de rouge et bleu commencent à casser les sièges devant cette provocation et à affronter la police. Cette rivalité a pris une autre ampleur à ce moment-là.
Morts et violences
Dès lors, toutes les oppositions amènent des incidents violents. Lors du tournoi de clôture (clausura) 2007, des bagarres éclatent entre les fans en tribune latérale et un supporter de San Lorenzo est hospitalisé en urgence. En 2008 , Emanuel Alvarez devient la première victime fatale de cette rivalité. Ce jeune de 21 ans se trouvait dans l’un des 40 cars prévus pour le déplacement au Gasometro. Au niveau de la Quemita ( là ou se situe le complexe sportif de Huracan), une violente embuscade est tendue aux hinchas de Vélez et Emanuel perd la vie suite à une blessure par balle. Ses homologues, furieux, ont ensuite provoqué de nombreux incidents dans le stade pour obtenir la suspension du match . En 2010, de nouveaux incidents surviennent. Après un triste 0-0 , la police met du temps à faire sortir les fans visiteurs Ceux de San Lorenzo, sur les nerfs, commencent à s’en prendre à leurs ennemis. Résultat : deux blessés grave dont un commissaire victime d’un clou logé dans son crâne. Pour éviter tout incident, en mars 2011, les deux présidents Abdo et Raiffaini décident de poser ensemble et de s’échanger les écussons respectifs. Un petit geste vain. Au bout de 7 minutes de jeu, l’arbitre doit interrompre le match après que les supporters de San Lorenzo commencèrent à casser tout ce qui se trouvait à leur portée. Le bruit courait qu’un supporter de San Lorenzo avait été tué lors de la fouille avant de rentrer dans le stade. Ce fait divers n’est pas encore élucidé et les hypothèses sur la mort d’Aramayo subsiste. Depuis ces deux morts, les affiches entre Vélez et San Lorenzo se jouent généralement à tribune visiteur fermée et même parfois à huis clos comme en 2012 . Celle de dimanche se jouera uniquement avec les socios du Fortin.
Le » non-clasico »
On ne voit pas le match de la même manière des deux côtés. À Vélez, on considère clairement que c’est un clasico puisque celui historique contre Ferro, qui joue en deuxième division, n’a pas lieu depuis trop longtemps. Du côté de San Lorenz , on préfère jouer la carte de l’ignorance en déclarant haut et fort que Vélez est un match banal. Les joueurs et le président vont également dans ce sens. Mais personne n’est dupe en Argentine, et personne ne gobe cette hypocrisie. Cubero, capitaine de Vélez, a lancé : « San Lorenzo ne [le] considère pas comme un derby mais quand ils perdent contre nous, ça leur fait mal ». Le club de Mauro Cetto souffre d’un certain complexe de supériorité. Il est plus populaire et n’accepte pas de « jouer dans la même cour ». Mais sportivement parlant, Vélez est au-dessus sur les 20 dernières années. Un retard à combler en partie dès dimanche pour le leader avec un nouveau titre. La notion de clasico est tellement importante en Argentine que ce match, au final, n’est qu’une rivalité exacerbée. Rien de plus . Mais une chose est sûre, d’un côté comme de l’autre : ils se détestent.