En Argentine, Les play-off pour la montée en deuxième division ont commencé. Le hasard fait, décidément, bien les choses puisque San Telmo et Dock Sud vont s’affronter ce mercredi et dimanche. Rappelez-vous, il y une dizaine de jours, une fusillade entre les supporters des deux camps avait fait deux victimes. Portrait de l’une des rivalités les plus violentes de Buenos Aires.
Ils sont voisins. Ils vivent ensemble, vont au même supermarché, se croisent aux réunions parents-professeurs dans les mêmes écoles, affrontent les mêmes problèmes de la société argentine presque dans le même quartier. Ils souffrent tous les deux de la marginalité, de la violence, du trafic de drogue et des nuisances liées à la prostitution. Eux, ce sont les supporters de San Telmo et Dock Sud. Pour connaître ces deux institutions, il ne faut pas avoir peur de se salir les chaussures, il ne faut pas avoir peur de la rue.
On pourrait croire que le Club Atletico San Telmo représente le coquet quartier touristique de San Telmo au centre de Buenos Aires. C’est en partie vrai puisque les origines du club sont associées à ce secteur et à celui de Puerto Madero, d’où son nom. Mais il représente surtout la Isla Maciel.
Isla Maciel, zone de non-droit
La Isla Maciel est un quartier situé dans la ville d’Avellaneda, au sud de Buenos Aires à quelques mètres du quartier de La Boca et de La Bombonera. Pour s’y rendre depuis la capitale, il faut soit emprunter une barque depuis La Boca pour traverser le fleuve Riachuelo qui les sépare, soit prendre l’autoroute Buenos Aires-La Plata qui longe le quartier. Durant presque un siècle, la Isla Maciel était surtout connu pour ses maisons closes et était l’une des zones rouges les plus importantes de Buenos Aires. Aujourd’hui encore, il est proscrit de s’aventurer à cet endroit. En effet, la quasi totalité du coin est une zone de bidonvilles et les médias ont même surnommé les lieux « le triangle de la mort ». Il est composé de la Isla Maciel, du quartier de Dock Sud et du bidonville « la Villa Tranquila » qui n’a rien de tranquille. Ces trois ghettos voisins forment géographiquement un triangle.
Le stade de San Telmo d’une capacité de 6 000 personnes se situe au cœur de la Isla Maciel. Un coupe-gorge pour toutes les équipes de deuxième et troisième division qui ont rencontré les Bleus et Noir. En 2006, les hinchas de San Telmo se sont affrontés violemment avec ceux de Talleres de Escalada pour le compte de la 21ème journée de B Metropolitana ( 3ème division). Après ces heurts, les autorités ont décidé de fermer le stade jusqu’à nouvel ordre. La mesure est d’ailleurs toujours en vigueur et San Telmo joue « à domicile » en dehors de la Isla Maciel. Le chef de barra de San Telmo, Ricardo Pavone, est également l’un des leaders de la barra du Club Atletico Independiente. Lors d’un reportage de la télévision espagnole, il exhibait fièrement une arme devant le journaliste Jon Sistiaga.
Dock Sud, le frère ennemi
Il suffit de traverser l’autoroute Buenos Aires-La Plata depuis La Isla Maciel pour se trouver en territoire ennemi. Le panorama est le même que pour San Telmo : le fief du Club Sportivo Dock Sud se trouve au milieu du quartier de Dock Sud. Une zone de non-droit déconseillée aux touristes qui se divise entre « les tours du docke », un complexe urbain à l’architecture similaire aux cités françaises et « la villa inflamable », un bidonville. Le club de Dock Sud n’a jamais connu les joies de la première division au contraire de San Telmo, il a toujours joué dans les divisions inférieures. À dire vrai, Dock Sud est surtout connu pour sa barra brava particulièrement violente et son stade de 8 000 places difficile d’accès. La barra de Dock Sud est dirigée par le groupe « Los Homeros », un groupe très lié politiquement avec le maire de la ville d’Avellaneda, kirchneriste.
San Telmo et Dock Sud se sont rencontrés 58 fois, avec un bilan de 15 victoires des deux côtés. Pendant 14 ans, ces clubs évoluaient dans des divisions différentes. Insuffisant pour dissiper la rivalité, tant la haine entre les deux clubs se reflètent tous les jours entre les deux quartiers. À la sortie des boites de nuits ou encore lorsque les supporters se croisent lors de déplacements, la violence est permanente. Plus qu’un derby de football, c’est une guerre de quartiers qui se joue sur le terrain et dans les tribunes.
Le 10 novembre dernier, deux supporters de San Telmo avaient perdu la vie dans une embuscade tendue par des supporters de Dock Sud, les autorités ont donc pris la décision de faire jouer les matchs aller et retour entre les deux clubs dans le stade de Fenix (54 km au nord de Buenos Aires), à huis clos. Par ailleurs, des effectifs de police supplémentaires seront chargés de faire régner l’ordre dans les deux quartiers pendant le match. En espérant que ces mesures de sécurité soit suffisantes…