Ce week-end marque la dernière journée du championnat Croate avec comme match phare le « derby éternel » de Croatie opposant le Dinamo Zagreb à l’Hajduk Split ce samedi à 15 heures. Anciennement membres du championnat Yougoslave, les deux équipes se confrontent pour la suprématie nationale depuis l’indépendance de la Croatie. La rencontre oppose les deux clubs les plus populaires du pays mais également deux groupes de supporters réputés à travers l’Europe. Zoom sur le Večiti Derbi croate.
Le 25 juin 1991, la Croatie déclare son indépendance vis-à-vis de la Yougoslavie. S’ensuit une guerre de près de dix ans dans la région des Balkans. Durant cette période, le football vit au rythme du conflit avec la création d’un nouveau championnat en Croatie, la Prva HNL. Les deux principaux clubs du pays, le Dinamo Zagreb et le Hajduk Split rejoignent le nouveau championnat national. Les deux écuries croates faisaient alors partie des clubs phares de l’ex-Yougoslavie, formant avec l’Etoile de Belgrade et le Partizan de Belgrade le big four. En 1992, la première édition de la Prva HNL est remportée par le Hajduk marquant le début d’une rivalité nationale.
D’un côté, le HNK Hajduk Split est fondé en 1911 par des étudiants de la ville. De l’autre, le Dinamo Zagreb émerge à la fin de la Seconde Guerre mondiale, crée par le gouvernement communiste. En 1993, en plein cœur de la Guerre de Yougoslavie et de l’escalade du nationalisme, le premier président de la République croate, Franjo Tudman, juge que le nom du club « sonne trop serbe » et le rebaptise alors Croatia Zagreb. Au début de l’année 2000, après la mort de Tudman, le nouveau gouvernement social-démocrate rend au club son nom d’origine. Sur le terrain, l’hégémonie sportive des deux clubs sur le championnat est sans partage. Il faut remonter à la saison 2001-20002 et le sacre du NK Zagreb pour retrouver un titre ayant échappé aux deux clubs les plus populaires de Croatie. Ainsi, depuis l’indépendance du pays et l’instauration du nouveau championnat, les Modri ont remporté 16 titres de champion contre 6 pour Split.
Cependant, l’antagonisme entre les deux clubs dépasse de loin la simple sphère sportive. C’est la confrontation entre Zagreb, capitale du pays et Split, la ville de province la plus riche bordant la côte adriatique. Le sociologue Drazen Lalic résume : Zagreb « privilégié politiquement, économiquement et en termes de sport » et Split « économiquement dévasté, culturellement négligé, rejeté politiquement, pillé en termes de sport ». L’exemple le plus symbolique reste le transfert de l’international croate, Josip Simunic. Le défenseur de Hoffenheim était sur le point de signer pour l’Hajduk Split avant que la direction du Dinamo ne jette son dévolue sur le joueur. Après avoir reçu une meilleure offre, Simunic rejoindra le club de la capitale.
Une gestion financière calamiteuse
Les deux entités ont en commun leur gestion financière calamiteuse. En 2012, Split était sur le point de mettre la clé sous la porte. L’Hajduk est endetté à la hauteur de 12 millions et le conseil municipal de la ville décide de ne pas se porter garant d’un emprunt de 4 millions d’euros. Sous la menace d’une faillite, 2000 supporters se réunissent devant la mairie pour mettre la pression sur les élus de Split. L’équipe municipale, par peur de l’impopularité, cède et règle une partie de la dette du club. Cette situation compliquée n’a malgré tout pas empêché le club de réaliser de bonnes performances, accrochant même un billet pour la Ligue Europa.
Du côté de Zagreb, arrivé en tant que directeur exécutif en 2005, Zdravdko Mamic a annoncé publiquement lors de sa prise de pouvoir vouloir remporter les dix prochains championnats. Aujourd’hui, l’homme le plus contesté du football local vient de remporter son neuvième titre de champion. Malgré cette réussite sportive, la famille Mamic a fait main basse sur les finances du club de la capitale. Le Dinamo a récolté près de 100 millions d’euros depuis 2007 grâce à la vente de ses meilleurs joueurs sans pour autant les réinvestir. Une situation intenable pour les supporters qui ont préféré boycotter les matchs en signe de protestation. Une direction soutenue par la Fédération de football croate qui agit sans se soucier de la FIFA.
Des groupes de supporters historiques
Le derby éternel est le match à ne pas perdre. L’ancien entraîneur du Dinamo, Branko Ivankovic l’avait bien compris en déclarant : « Personne ne peut se permettre de perdre un tel match. La presse et les médias se déchaînent contre le vaincu. Il faut ensuite supporter les railleries du camp adverse pendant des semaines. Personne n’a envie de supporter cela ».
Les fans participent pleinement au match à travers leur rôle de douzième homme. L’attaquant international naturalisé croate, Eduardo da Silva, ancien joueur du Dinamo se souvient : « J’ai vu un certain nombre de choses au Brésil, mais quand je vois le spectacle offert par nos fans ici, un frisson descend le long de ma colonne vertébrale. C’est gigantesque ». Les deux principaux groupes de supporters, la Torcida Split (fondé en 1950, plus vieux groupe de supporter en Europe) pour le Hajduk et les Bad Blue Boys pour le Dinamo Zagreb ont un passé sulfureux. En effet, lors de l’éclatement de la Guerre Yougoslavie, les supporters des deux groupes s’engagent dans l’armée. Aujourd’hui, un monument aux morts rend hommage aux supporters tués lors du conflit devant les stades des deux clubs. Sur le parvis du stade Maksimir de Zagreb, il est écrit : « Pour tous les fans du Dinamo pour qui la guerre commença le 13 mai 1990 et s’acheva en perdant la vie, sur l’autel de la patrie croate ». Les membres de la Torcida et des Bad Blue Boys ont fait front commun en décembre 2013 lors du match opposant les deux clubs afin de lutter contre un football gangrené par la corruption (voir vidéo ci-dessous). Les rivaux ont partagé la même tribune lors de la rencontre, scénario impensable il y a encore quelques années. Malgré tout, cet équilibre reste fragile et les vieux démons réapparaissent vite. En avril dernier une rencontre fortuite sur l’autoroute, alors que les deux groupes rentraient de leurs déplacements respectifs, se termine en un violent affrontement se soldant par 104 arrestations.
Cependant, le stade Maksimir sonnera sûrement creux ce samedi à 15 heures, les Bad Blue Boys boycottant toujours les rencontres. Ce type de contestation n’est pas nouveau du côté de Zagreb. En 1991, lors du changement du nom du club en Croatia Zagreb, les BBB décidèrent de protester contre cette atteinte à l’histoire du club. Il faudra alors attendre la mort du président Tudjman en 1999 pour que les supporters puissent revenir voir jouer leur équipe de cœur, le Dinamo Zagreb.
Du côté des supporters de la Torcida Split, un de leurs chants risque de résonner. Celuic- commence par « Si vous ne devenez pas le nouveau champion » , avant la réponse : « La Torcida sera dans le deuil mais vous pardonnera … Parce que nous savons que vous êtes toujours les meilleurs, et nous ne vous tournerons jamais le dos ». Et pour cause, le Dinamo Zagreb a été sacré champion de Croatie pour la neuvième année consécutive. Ce qui n’enlève rien à l’attractivité du match.
– if it’s in Croatia, it surely can’t be « večiti derbi ». Croatian word is « vječiti », but there’s only one derby that goes by that name and that’s Zvezda-Partizan in Serbia.
– war in Croatia lasted 4 years (1991.-1995.)
– Dinamo wasn’t created by the communist government, they just changed the name of Građanski, also founded in 1911.
– there are only Hajduk fans in this video. As a Croatian, I can’t imagine them ever walking side by side. Bloodshed would start in a few seconds.