L’Euro 2016 approchant, les présidents des clubs français sont de plus en plus nombreux à céder à la tentation des grands stades. Dernier en date : Louis Nicollin, qui veut quitter la Mosson pour une arène flambant neuve. Mais cette épidémie de grands projets est à haut risque. Pour l’économie des clubs comme pour le football populaire.
« Il nous faut un nouveau stade, sinon on est morts ». La sentence, implacable, est de Louis Nicollin. Dans un entretien à la Gazette de Montpellier, le président du MHSC démontre avoir été touché par l’épidémie des grands stades qui frappe, un à un, les clubs français. Et Loulou a trouvé un prétexte parfait : les inondations du mois dernier, qui ont rendu l’ancien stade de la Mosson inutilisable au moins jusqu’à la fin de la saison.
Épidémie ? Assurément : ces dernières années, on ne compte plus les clubs français qui ont choisi de quitter leur enceinte historique pour un nouveau stade flambant neuf. Grenoble, Lille, Le Mans, Nice, Le Havre, Valenciennes, Bordeaux, demain Lyon, peut-être Montpellier… voire Paris ?
Il faut dire que ces projets ont de quoi séduire : on entendra les présidents des clubs parler de « rentrer dans une autre dimension » et autres « rêver plus grand ». Pour les plus ambitieux, il sera même question d’y faire résonner bien fort la musique de la Ligue des champions… Quel supporter ne rêverait pas de cela pour son équipe ?
Des merveilles rutilantes aux gouffres financiers
Sauf que dans les faits, la musique de la Ligue des Champions n’arrive pas souvent dans ces grands stades ultra-modernes. Aux premières difficultés, le stade où l’on s’imaginait accueillir le Bayern dans une ambiance bouillante se transforme en une enceinte aux trois quarts vide où l’on joue sa survie contre Nancy ou Lens. Des clubs comme Grenoble, Le Mans et Valenciennes, qui avaient un instant « rêvé plus grand », ont violemment mordu la poussière, victimes de ce qui a ressemblé à une malédiction. Il faut dire que ces chantiers coûtent cher aux clubs et aux villes qui accompagnent : jusqu’à 400 millions d’euros pour le futur grand stade de Lyon.
Foot-business contre patrimoine
Bien sûr, on répondra que Lille et Nice conjurent pour l’instant la malédiction. Mais au-delà des arguments économiques, c’est toute une vision du football qui se retrouve dans ce que les Brésiliens ont appelé les « éléphants blancs ».
Car les déménagements sont aussi l’occasion, pour les clubs, de transformer des enceintes populaires en salles de spectacle aseptisées. Nombreux sont les groupes ultras, comme la Brigade Loire de Nantes, à boycotter les déplacements à Lille depuis que le LOSC joue ses matchs au stade Pierre-Mauroy. En cause : des tarifs prohibitifs (25 euros minimum) et un flicage excessif. Rien, surtout pas un public à l’ancienne, ne doit venir perturber le show de luxe voulu par la FIFA et l’UEFA. Les stades, qui étaient jusqu’ici des bastions de la culture populaire, deviennent de grands complexes de luxe, inaccessibles aux classes populaires. Le grand projet « OL Land » en est la caricature : loin de tout, accompagné de boutiques et d’hôtels de luxe… on est à des années-lumière du football populaire.
Alors dans un football qui a déjà, dans sa quasi-totalité, cédé aux sirènes des transferts astronomiques, des salaires mirobolants et du merchandising à outrance, les supporters doivent avoir leur mot à dire. Et les présidents ne pas céder à la tentation d’entendre la musique de la C1 dans leur stade…