Gilles Verdez, journaliste sportif qui connait bien le PSG, a accepté de commenter la sanction alourdie de Leonardo par téléphone. Le Brésilien a été reconnu coupable ce jeudi en commission d’appel d’une bousculade sur Alexandre Castro, arbitre de PSG-VA le 5 mai dernier. Le directeur sportif est désormais suspendu jusqu’au 30 juin 2014 alors qu’il était condamné initialement jusqu’au 8 février.
Quelle est votre réaction concernant la sanction alourdie en appel de Leonardo ?
Gilles Verdez : Je trouve ça trop sévère. Déjà, pour moi, la sanction était déjà trop élevée. On ne peut pas bousculer un arbitre, ça c’est entendu. Il faut donner l’exemple quand on est professionnel par rapport au monde amateur où les arbitres sont plus livrés à eux-mêmes, moins protégés, il y a moins de médias etc. Donc on ne peut pas laisser les arbitres se faire bousculer, il fallait sanctionner. Mais pour moi, 9 mois dont 3 avec sursis, ça aurait été idéal. Déjà 9 mois je trouvais ça sévère, mais alors là, la sanction encore alourdie… Je trouve que ça ne va plus ! C’est disproportionné.
Est-ce qu’il paie le fait de ne pas s’être présenté devant la commission d’appel ?
GV : Oui, sa défense à été mauvaise à mon avis. Alors il a tenté l’histoire des images en première instance, ça n’a pas marché. Ces nouvelles images n’ont pas modifié la perception des gens qui jugent avaient eu du geste. En appel, il a fait une erreur de ne pas s’être présenté. D’autant que les gens qui l’ont défendu comme Jean-Claude Blanc ne sont pas des gens qui ont une expertise du football français. Italien, peut-être mais pas français. Donc ils ne connaissent pas les gens, ils ne connaissent pas les instances. Sa défense aurait dû être assurée par lui-même et peut-être que ça a paru arrogant aux gens de la commission. En tout cas c’est une absence préjudiciable, donc je pense qu’il paie ça effectivement aussi.
Gilles Verdez, vous avez enquêté sur les propriétaires du PSG pour votre récent ouvrage*. On sait que le Qatar veille à son image. Est-ce que cette décision peut remettre en cause l’avenir de Leonardo à Paris ?
GV : D’abord, à l’heure où l’on parle je n’ai pas de certitude. A mon avis, non. C’est mon avis parce qu’ils l’ont soutenu vraiment mordicus en première instance malgré la sanction. Deuxièmement, le rôle effectif de Leonardo c’est plutôt de leur recruter une star : Cavani, Cristiano Ronaldo ou Rooney que d’être présent dans les vestiaires ou sur le banc, ou ailleurs. Sa sanction ne l’empêche pas de travailler. Ce que je pense moi, c’est que Leonardo va tout faire pour finaliser une grande star pour que le PSG puisse passer à autre chose et oublier l’intersaison qui n’est vraiment pas bonne depuis la fête du titre gâchée jusqu’aux atermoiements pour trouver un successeur à Ancelotti et puis maintenant la suspension alourdie. Donc le PSG et (ndlr : il insiste sur le « et ») Leonardo vont essayer d’effacer ça. A ceci dit, la procédure n’est pas finie puisque des recours sont possibles au CNOSF et au Tribunal arbitral du sport. Si les dirigeants du PSG estiment que cette sanction n’est pas bonne, ils doivent aller au bout. Ce qui compte aussi pour eux c’est l’histoire des 3 points avec sursis qui, eux, sont renvoyés à la commission. Ça, ce n’est pas très sérieux parce que c’est un peu la commission qui renvoie à la commission qui renvoie à la commission… Une spécialité bien française !
Leonardo est-il encore utile au Paris-Saint-Germain maintenant que le club est reconnu en Europe ? Et allons même plus loin, n’a-t-il pas été un frein pour l’arrivée d’un grand entraîneur après Ancelotti ?
GV : Sa mission n’est pas terminée, la preuve le PSG veut gagner la Ligue des champions et s’en remet encore à lui pour recruter une star. Il a quand même les réseaux, les facilités de contacts et maintenant l’expérience. Donc, ils misent encore sur lui. Après, Leonardo étant là, c’est pour ça qu’il ne faut pas un entraîneur qui veut tous les pouvoirs. Mais ça, c’est le profil de Leonardo et de la constitution de la sphère directionnelle du PSG qui veut ça. Avec un président qui représente le Qatar, avec un Etat au pouvoir, avec Leonardo en directeur sportif, il faut un entraîneur qui se plie à cette colonne vertébrale. Il ne faut pas un franc-tireur qui veuille régir tout. C’est pas seulement Leonardo, un éventuel problème pour un entraîneur qui veut aussi être manager, recruter etc. C’est la structure même du PSG qui peut lui poser un problème : avec un actionnaire interventionniste, contrairement aux clubs anglais qui le sont beaucoup moins. Donc non, pour répondre clairement : Leonardo n’est pas un frein. Ça pousse les gens qui manquent d’expérience à mon avis, heureusement qu’il est là.
Gilles Verdez : « Le PSG c’est une histoire, des supporters historiques, une âme, un esprit. Et le Qatar, tout-puissant qu’il est, ne peut pas changer ça »
Laurent Blanc justement a accepté ces conditions. Il compte quelques amis dans les médias, va-t-il bénéficier d’une clémence que n’a pas eue Ancelotti ?
GV : Ah, je trouve qu’Ancelotti a vite gagné la confiance des médias ! Il sait se les mettre dans la poche, il est malin. Il parle dans toutes les langues, il ne dit pas grand-chose mais il le fait bien. Au niveau de la com, il a été un peu critiqué par certains et puis tout le monde a oublié. Il a fait l’unanimité quand il est parti. Après Blanc, oui il a des amis, ceci dit ses amis ne l’ont pas empêché d’être écarté de l’équipe de France à un moment
Et le fait qu’il soit français ?
GV : Alors le fait qu’il ait des amis, pour l’avenir c’est peut-être un atout mais on verra. Le fait qu’il soit français, c’est à mon avis l’une des raisons du choix initial. Je ne sais pas si ça l’aidera. Mais quitte à prendre un entraîneur qui n’était pas un premier choix, ils se sont dit autant prendre un français. Pour essayer de se rapprocher des Français et des gens qui vont au stade, de faire moins équipe internationale donc sous-entendu possible mercenaire.
On a pu voir l’intransigeance des instances du foot français avec les nouveaux riches Paris et Monaco, êtes-vous inquiet du signal envoyé à de potentiels investisseurs étrangers ?
GV : Non pour le coup, non. Ce qui m’ennuie dans la sanction de Leonardo c’est si on le fait payer parce qu’il est Leonardo ou si on fait payer le PSG parce que c’est le PSG. A part ça, qu’il y ait une vérification pour toutes les sommes d’où qu’elles viennent, qu’il y ait un contrôle pour tous ces clubs me parait très bien. Je suis pour une extrême rigidité en la matière. Là, les instances font du bon boulot. Qu’elles vérifient tout, moi ça ne me gêne pas. Je ne veux surtout pas que n’importe qui puisse venir dans le football français.
Vous êtes natif de Saint-Germain. Est-ce que ce serait encore le PSG si le club ne s’entraînait plus dans cette ville ?
GV : Non, comme ce n’est pas le PSG quand le logo change, quand le maillot change et qui ne joue plus au Parc des Princes. Il faut garder tout ça mais c’est une tendance du Qatar de modifier, de jouer un peu sur l’histoire au nom de l’avenir. Et ça, ça me gêne. Le club c’est une histoire, des supporters historiques, une âme, un esprit. Et le Qatar, tout-puissant qu’il est, ne peut pas changer ça. Il faut respecter le club et son entité dans son intégralité.
* « Le PSG, le Qatar et l’argent : l’
Propos recueillis par Adrien Verrecchia