Les Bleus sont en quarts de finale, et c’est bien le principal, quand on sait d’où ils viennent. Au regard du contenu, il y a des choses à dire : La France a eu peur, et a souffert pendant les deux premiers tiers du match, et n’a retrouvé la maîtrise qu’après l’entrée de Griezmann.
Entame stressante
Tactiquement, la première mi-temps fut nivelée par le bas. La France, comme le Nigéria était coupée en deux et souffrait d’une très mauvaise transition défensive. C’est ce qui explique les nombreuses situations dangereuses du début de match, le tout faisant planer une atmosphère très stressante sur la rencontre. Peu de maîtrise donc du stress, du stress donc peu de maîtrise. Déjà un corner de chaque côté après 3 minutes et un ballon qui va vite d’un but à l’autre, sans qu’aucune des deux équipes ne maîtrise son sujet défensivement. Des deux côtés, on passe rapidement et facilement de la défense à l’attaque, mais l’inverse est plus laborieux.
Et à ce jeu-là, c’est le Nigéria qui trouve son compte, car les lignes françaises sont terriblement espacées. Le trio Benzema – Giroud – Valbuena presse haut sur la relance, mais la défense n’embraye pas et ni Pobga ni Matuidi ne viennent couvrir les flancs. Ainsi, les Africains sortent facilement du pressing bleu et trouvent les appuis entre les lignes pour conserver le ballon, et les positions latérales pour faire partir des centres dangereux.
En pilonnant la surface de Lloris, les Super Eagles ont fait reculer le bloc de Deschamps et ont ainsi pris le contrôle du ballon, au contraire du scénario que tout le monde attendait. Sûrement inhibés car secoués, les Bleus ont reculé et laissé le porteur nigérian (souvent Obi Mikel) diriger la manœuvre dans une relative tranquillité.
Debuchy, Evra et le 4-1-2-3
Debuchy s’est trouvé dans un grand inconfort : il ne savait pas s’il devait accompagner les attaques, de peur de découvrir son côté, et hésitait également à défendre en avançant pour la même raison. D’autant plus que la diagonale Onazi – Musa était particulièrement bien rodée. La donne est la même pour Evra de l’autre côté face à Odemwingie. Finalement le surnombre (ne serait-ce qu’à 2) n’est jamais crée par les trios [Debuchy – Pogba – Valbuena] et [Evra – Matuidi – Benzema], et les Bleus souffrent sur leurs flancs.
La France n’évolue pas tant dans un 4-3-3 que dans un 4-1-2-3, dont les lignes sont bien distendues. Ce manque de compacité la fait également souffrir sur les seconds ballons (on peut penser à l’attentat de Matuidi), ce qui équivaut à souffrir tout court face au Nigeria de Stephen Keshi, qui comme le veut la formule – alterne bien jeu court et jeu long. Et use beaucoup des côtés pour centrer, ou même frapper. Les Bleus concèdent beaucoup de corners et de coups-francs dangereux, mais les Nigérians jouent mal les coups sur ces phases arrêtées.
Ce gros temps faible initial aurait pu (dû ?) être sanctionné par le but d’Emenike, refusé pour un hors-jeu centimétrique.
Même après ce temps fort, le Nigéria conserve ses lacunes défensives du début de match, particulièrement évidentes contre la Bosnie en phase de poules. Même en attaquant à 4 (sans Debuchy ni Evra, donc), les Bleus restent dangereux en transition, grâce au talent de Pogba. Sur une attaque rapide, il suffit d’un une-deux bien senti entre le Turinois et Valbuena pour forcer Enyeama à une énorme parade. Debuchy aurait aussi pu ouvrir le score dans les mêmes circonstances, en profitant de l’écart entre les lignes nigérianes, provoquée par la position relativement haute de Mikel. Les occasions se succèdent dans les deux sens jusqu’à la mi-temps sur le même schéma que lors de l’entame.
Soit les Bleus défendent à 5 (avec Cabaye), soit ils le font à 7 (avec Matuidi et Pogba), mais ils ne le font jamais à 10. L’écart entre ses latéraux et lesdits ailiers permet au Nigéria de faire très mal aux Français qui vont terriblement souffrir de cette faiblesse défensive jusqu’à l’heure de jeu.
Griezmann fait le lien
Le tournant évident du match est l’entrée de Griezmann pour Giroud. Car si les Bleus manquaient de solidité en 4-3-3 (4123), ils manquaient également de liant dans le jeu, raison pour laquelle il n’étaient dangereux qu’en attaque rapide. Valbuena n’a pas autant décroché que lors des précédents matchs (15 passes reçues du trio Sakho-Varane-Cabaye contre le Honduras, 7 hier). Giroud était terriblement esseulé devant, et Benzema ne s’est pas montré capable de décrocher depuis le côté gauche.
La première grosse occasion française est créée par un décrochage du Basque. A la réception d’une passe verticale de Koscielny, il pose un double une-deux avec Benzema et force Enyeama à une grosse parade. À partir de ce moment, le match a changé. L’attaquant de la Real Sociedad a changé le 4-1-2-3 en un 4-3-2-1 par ses décrochages en possession du ballon et par son activité défensive. Il a libéré Benzema de son rôle ingrat et le Madrilène a pu retrouver sa position axiale. Il a été à l’initiative du temps fort offensif qui précède le but et la frappe de Cabaye sur la barre. A ce moment-là, la confiance a définitivement changé de camp et le Nigéria a pris conscience qu’il avait laissé passer sa chance. Finalement, c’est une erreur d’appréciation d’Enyeama qui fait tourner le match, mais le but récompense un gros temps fort tricolore.
Conclusion
Forcément, dans un match aussi débridé tactiquement, la décision s’est faite dans les deux surfaces, et c’est là que le Nigéria a commis l’erreur fatale. Cela dit les hommes de Keshi ont été la meilleure équipe sur le terrain pendant 70 minutes, même s’ils ne sont pas parvenus à concrétiser leur supériorité, comme ils n’ont jamais donné l’impression d’être plus solide que les Bleus défensivement.
Avec un 4-1-2-3 contre un 4-2-1-3 aux airs de 4-2-4, le match tournerait forcément à l’équipe la plus équilibrée et la France l’a été à partir de l’entrée de Griezmann. Chaque match a sa vérité mais il faudra évidemment faire mieux dans le contenu pour faire le poids avec l’Allemagne, même si elle a peiné à sortir en vie de son match face à l’Algérie. Une partie bien plus relevée tactiquement.
Coucou. J’ai regardé ce match et j’ai été ravie des résultats. Même si au final les Bleus ont perdu face à l’Allemagne, ils ont pu se hisser en quart de finale, c’est déjà ça.