En Argentine, le 1er avril dernier est paru Los 11 caminos al gol (Les 11 chemins vers le but) du journaliste chilien Eduardo Rojas Rojas sur l’entraîneur argentin, Marcelo Bielsa, aux éditions Sudamericana (disponible sur Google Play ou sur Kindle). À la différence des biographies qui lui ont été consacrées (Lo suficientemente loco d’Ariel Senosiain ou La vida por el fútbol de Roman Iucht), cet ouvrage revient autrement sur le particularisme de l’actuel coach de l’Olympique de Marseille. Le journaliste argentin Ezequiel Fernández Moores en a livré quelques bribes le jour de sa sortie. Traduction*.
Description : Quand arrive Marcelo Bielsa, tout change. Il est passé par l’Argentine, la France, l’Espagne et le Chili, où la sélection connaissait l’une des pires crises de son histoire. Elle n’avait pas participé à la Coupe du monde 2002 ni à celle de 2006 et sous Bielsa, elle s’est qualifiée avec les honneurs pour la campagne 2010. Le Rosarino n’a honoré qu’un mandat à la tête de la sélection, mais a laissé la sensation que quelque chose de grand s’était passé. Il ne s’agit pas seulement de qualification pour le Mondial ou d’une manière de jouer jamais vu jusqu’alors, c’est bien plus que cela. Sa manière d’être, ses mots et sa méthode de travail ont atteint tous les recoins de la société chilienne. Ou qu’il aille, le pouls populaire l’a adopté, admiré et a pleuré son départ. Los 11 caminos al gol est une manière de récupérer son travail. Un travail indélébile bien que le football continue sa marche avec de nouveaux entraîneurs et de nouveaux résultats. Le journaliste et aujourd’hui dirigeant Eduardo Rojas Rojas donne la main au lecteur tout le long d’une série de cours magistraux donnés par Bielsa, alors sélectionneur du Chili. Dans ce livre, il nous expose sa réflexion la plus profonde. Un récit qui, en plus d’être un parfait manuel de football, peut être utilisé pour affronter n’importe quel défi : avec une dose massive d’idées, de passion et de travail.
Son nom est apparu dans quelques bulletins de vote lors des élections départementales dimanche dernier à Marseille. Les supporters l’ont ovationné hier lors de l’entraînement comme lors des derniers matchs. Ils lui ont chanté : « Bielsa no se va » (Bielsa ne part pas), lui ont présenté des tifos qui disaient « San Marcelo de Marsella ». Marcelo Bielsa, entraîneur d’une notoriété implacable, fait face à la dernière ligne droite qui peut le couronner champion de France avec l’Olympique de Marseille lors d’une inattendue période d’autogestion. Après trois matchs nuls et une défaite, ses méthodes de travail ont « suscité rejet, lassitude et fatigue » au sein de l’effectif, admet Bielsa. Il a ensuite évoqué « l’autogestion », ce qu’il voyait comme « un signe de maturité et de progrès » fait par le groupe. Pour finir, il a avoué avoir révisé des « consignes » dues à des « opinions » de joueurs sur ses décisions et qu’ils lui ont fait faire des concessions qui ont affaibli sa position. L’équipe a réagi avec deux victoires et un match nul. Et l’optimisme est de retour avant le match de dimanche face au PSG, leader avec deux points d’avance. Bielsa ne fait pas plus que de suivre le mouvement, toujours fidèle à lui-même.
Il y a quelques années, au Chili, lorsque Marseille ne figurait pas dans ses plans, Bielsa parlait de leadership à l’abri des caméras. « Le leadership, c’est libérer le groupe, les joueurs à des moments déterminés, disait-il. Plus qu’à être obéi, le leader cherche à être interprété. C’est l’unique moyen pour que son leadership soit durable et se maintienne, même si vous avez déjà perdu le pouvoir. » Ces discours étaient donnés dans des écoles et des universités. Les entreprises payaient au minimum 5000 dollars pour les organiser, argent que Bielsa réutilisait pour construire un centre d’entraînement destiné aux sélections de jeunes chiliennes. Après avoir mené le Chili jusqu’aux huitièmes de finale de la Coupe du monde 2010, Bielsa a accompli sa mission, a tenu sa parole, et a quitté la sélection sur fond de polémique compte tenu des changements de présidence des autorités chiliennes. Ses rapports technico-tactiques ont été aperçus flottants sur le Rio Maipo, aux alentours de Santiago. Une partie de ce matériel et une compilation de ses discours qu’il donnait à tout le territoire chilien revivent aujourd’hui en Marcelo Bielsa. Los 11 caminos al gol est un livre qui sortira cette semaine à Buenos Aires. C’est un Bielsa sans filtre. « Un maître » pour Eduardo Rojas Rojas, journaliste et ancien dirigeant, auteur du livre qui nous plonge dans l’intimité d’une salle de classe. « Un maître qui enseigne avec la timidité de celui qui sait trop. Sans rien sauvegarder. »
En 190 pages, la méthode Bielsa parle de leadership, mais aussi d’éthique, tactique, technique, but, démarquage, pressing, tir au second poteau, liberté, discipline, style, systèmes, entraînement, formation, supporters, entreprises et journalisme. Bielsa considère que « les joueurs ne sont pas des machines » et assure qu’il hait « la mécanisation. » Il dit de la récupération du ballon qu’elle forge l’identité morale et la force mentale puis énumère 17 manières de l’effectuer. Une passe se définit de 11 manières différentes et s’exécute de 36 façons. Il stipule ainsi qu’il y a des « élus » (c’est pourquoi je m’appelle Bielsa et pas Ricardo Bochini [1]), raison pour laquelle il a dénommé un exercice de passe « l’Orellana » pour Fabián Orellana, joueur de la sélection chilienne. « Il la demande avant et la reçoit après (le une-deux en fait, ndlr), car s’il l’a reçoit avant, comme il est léger, il sera en difficulté. C’est la nature qui te l’enseigne. Ceci est un acte de survie. Ceux qui en ont le moins marchent toujours en regardant le sol en espérant trouver un peu de monnaie. Là, c’est la même chose. La culture est admirable, c’est une expression de la culture extraordinaire. Parce que la culture de ceux qui l’ont est différente de la culture de ceux qui ne l’ont pas », dit-il.
En 2015, quand l’OM est entré dans une période critique après une première partie de saison formidable durant laquelle Bielsa suscitait les éloges, l’entraîneur argentin a fait face à la presse. À un journaliste qui le questionnait sur des problèmes de position, il lui a rappelé que l’OM était l’équipe qui marquait le plus de buts en championnat. À un autre, préoccupé de ne pas avoir vu Doria sur le terrain alors qu’il a coûté 5 millions d’euros, il lui a signifié qu’il ne comprenait rien du métier s’il fallait faire jouer un joueur au prétexte « qu’il avait coûté beaucoup d’argent. » « Nous, nous ne pensons rien, nous posons seulement les questions », lui a répondu le journaliste. À cela, Bielsa lui a rétorqué que l’énoncé de la question dénotait qu’il n’y avait pas de réflexion. Le livre de Rojas reflète l’ennui de Bielsa avec la presse tabloïd qui « fomente » les conflits, qui « invente » des informations si le protagoniste ne parle pas, qui n’éduque pas mais « joue avec l’émotion des gens », qui écrit sans préciser les sources et en utilisant le conditionnel. Autant de choses qui, affirme-t-il, « ne font pas les grands journaux du monde. L’arme des journalistes est la parole écrite. Mon arme est la parole parlée. J’utilise cinquante phrases pour compléter une idée et l’expliquer avec clarté. Ensuite, vous devez synthétiser cela en une ligne, et moi, ça me terrorise, peut-être parce que je ne peux pas écrire. Je préfère que personne ne me connaisse plutôt qu’on me connaisse à tort. »
Dans un autre discours, à choisir une qualité, Bielsa choisit : « S’adapter à l’exigence, ne pas s’effondrer, ne pas faillir, persister malgré l’adversité, affronter les difficultés sans se pervertir en étant toujours fidèle à soi-même ; être disposé à mettre en place les risques préétablis, accepter le défi, le changement, le risque, tolérer la douleur, savoir souffrir. » Il choisit aussi le prestige à la popularité, les faits aux mots, la construction à l’objectif, la discrétion à l’exhibitionnisme, la peur à la confiance, l’ordre à la spontanéité, davantage l’intuition à la connaissance. Il dit qu’il a peu de tolérance pour l’indifférent, que les joueurs doivent être fiables pour leurs coéquipiers. Pour les passes à deux touches. Pour le pressing simultané. Que dans la victoire les changements sont risqués. Et que dans la défaite, il observe. Que l’entraîneur doit accepter la diversité. Harmoniser, pas diviser. Que la discipline a peu de règles et que le pardon fait le bien de tous. Que la solidarité entre les meilleurs et les plus faibles fait la force du groupe et n’est pas négociable. Que le 4-3-3 ou quel que soit le système, plus que de football, est de la géométrie et de l’infographie à la TV. Que son obsession est d’attaquer et que pour défendre « nous courons tous. » Que « tout ce qui se passe sous la direction du dirigeant est de sa responsabilité. » Que lui lit et copie. Que l’important « est de ne pas se déguiser ce en quoi nous ne sommes pas. » Et qu’il n’est jamais bon « d’associer le message au succès. Parce que le succès est déformant et que celui qui écoute est tiraillé, dit Bielsa. Il ne sait pas s’il faut répondre aux valeurs proposées ou au succès qui recherche le vainqueur de service. »
Dans un autre discours, il dit admirer la compétitivité du joueur argentin, mais se questionne sur le fait qu’il soit le produit de « la peur de perdre » parce qu’en Argentine, se lamente-t-il, « il est plus important d’humilier l’autre que de gagner. » Bielsa nous dit qu’il aime le football. Il l’aime quand il dit « qu’il n’y a rien qui unit plus un entraîneur et un joueur que l’union qu’il a avec son joueur. Et cela, grâce à Dieu, en dehors du métier. Preuve que le joueur le veut vraiment. » Le football, nous dit Bielsa, « peut se passer de tout », moins de « l’écusson. » Parce que l’écusson, « c’est ce qui émeut » et parce que « le football vient du peuple. » Du Bielsa à l’état pur. Que vous aimiez ou non son football, qu’il gagne ou pas dimanche face au PSG, il sera difficile de rencontrer un autre Bielsa, un entraîneur plus supporter que les supporters. « Avec le temps, le monde du football n’appartient-il pas plus à l’homme d’affaires plutôt qu’à l’amateur ? », demande-t-il dans un de ses discours. Avant d’énumérer les qualités qu’il a appris du sport : « J’ai appris que la générosité était meilleure que l’indifférence, j’ai appris la valeur de la signification du courage, j’ai appris l’importance de l’effort et j’ai appris la transcendance de la rébellion. J’affirme que je ne suis pas seulement un passionné de football, je suis passionné par tout. » Dans le dernier épisode que publie l’OM sur sa page web dans une série qui suit la lutte pour le titre de journée en journée (Objectif Match, ndlr), Bielsa demande à ses joueurs avant le 4-0 contre Lens : « Il faut les manger dès les premières minutes. On ne les laisse pas respirer ! »
[1] L’expression pase bochinesco (que l’on peut traduire par une « passe bochinesque ») est utilisée en Argentine pour décrire une passe permettant à un attaquant de se trouver en situation de marquer.
*Article original : http://canchallena.lanacion.com.ar/1780815-el-marselles
Bonjour
Pouvez me dire si ce livre existe en français ?
Je ne trouve malheureusement que la version espagnole
Merci d’avance
Cdlt
Bonjour,
Malheureusement il n’existe qu’en espagnol pour le moment.
Sportivement,
bonjour
toujours pas en francais ?
Bonjour, non hélas, mais sachez qu’on prépare un projet inédit sur Marcelo Bielsa. 😉
Sportivement,
L’équipe de La Grinta
ha bon ?
en profondeur ou des anecdotes que j ai hélas tout vu …
je suis inconditionnel je le reconnais mais je reste frustrer de ce qu il me reste a connaitre …
profondeur des seances, entrainement de son pressing et déplacement …
l homme dans tout ce qu il est ce que devrait etre le sport le football selon moi
bien a vous
bonjour,
ce livre n’est-il toujours pas paru en français
BOnjour, où puis-je me commander le livre en espagnol ? sur les sites de la FNAC et AMAZON il n’est disponible qu’en EBook. Dans l’attente de votre retour, Merci. Eva