Il y a quelques semaines, Ashanti Gold SC, club de D1 au Ghana, annonçait l’arrivée d’un jeune entraîneur français. Cette deuxième expérience dans l’élite ghanéenne est l’énième étape du parcours incroyable de Romain Folz. A 30 ans, il a déjà travaillé en France, au Maroc, aux Etats-Unis, en Ouganda, en Egypte et au Ghana. Il nous dévoile son parcours, les choix et les opportunités qui lui ont permis de se construire en tant qu’entraîneur.
Alors commençons par le début, je suppose que vous avez joué un peu ?
RF : J’ai joué au plus haut niveau régional sur la région bordelaise jusqu’à 17 ans, puis j’ai immédiatement basculé sur l’entraînement.
Pourquoi avoir décidé si jeune de se consacrer à l’entraînement ?
RF : Ça a toujours été mon ambition. Je suis un passionné de l’entraînement. J’ai simplement décidé de me lancer là-dedans plus tôt que la majorité, notamment dans le but de passer les diplômes au plus vite.
La première trace trouvée de vous est aux Etats-Unis (Charleston Golden Eagles). Quel a été votre parcours entre vos 17-18 ans et ce départ aux Etats-Unis ?
RF : J’ai entraîné des équipes de jeunes sur la région bordelaise, notamment au Stade Bordelais. Dans le même temps j’étais également entraîneur pour l’équipe 1 d’une équipe de football entreprise, ce qui était d’ailleurs très enrichissant. Par la suite, à 21 ans j’ai entraîné la réserve de l’AS Salé au Maroc. Puis avant l’année avec les Golden Eagles, j’étais déjà aux USA depuis 2 ans, où j’ai entraîné des équipes de jeunes (masculines et féminines) au plus haut niveau dans les États respectifs où je me trouvais, notamment pour l’académie partenaire du FC Bayern.
Comment se retrouve-t-on à 21 ans au Maroc ? Avez-vous postulé tout simplement ou la démarche a été différente ?
RF : Un de mes parents est d’origine marocaine, j’ai donc de fortes attaches avec le pays. Concernant ce poste, je me suis simplement rendu directement au club et ai exprimé mon souhait d’y avoir un poste. Après m’avoir mis à l’essai 2 semaines, on m’a confié cette mission.
Aux Etats-Unis, vous avez exercé dans divers contextes (universitaire, académie Bayern et West Virginia entre 2015 et 2018). Qu’est-ce que vous avez appris de ces expériences ?
RF : Disons que ça m’a conforté dans l’idée que j’avais déjà, à savoir qu’avoir une bonne capacité d’adaptation est primordiale. J’y ai également appris beaucoup par rapport au management humain, ayant eu à gérer des joueurs venant d’horizons différents. Les résultats ont été très bons et je ne retiens que du positif de mon expérience américaine. Je n’exclus d’ailleurs pas du tout d’y retourner, au contraire je dirais même.
Vous parlez un excellent anglais. C’était déjà le cas avant de partir aux Etats-Unis ou c’était également un objectif de cette étape ?
RF : C’était déjà le cas, j’avais un bon niveau à mon départ. J’ai toujours pris du plaisir avec l’apprentissage des langues étrangères. Mais c’est certain que le fait d’être aux USA a perfectionné mon anglais, notamment sur le terrain.
Par rapport à l’expérience universitaire aux Etats-Unis, est-ce que cela s’apparente à ce que vous avez pu vivre dans un gros club amateur comme le Stade Bordelais ou cela n’a-t-il rien à voir ?
RF : C’est complètement différent. Le soccer universitaire est une expérience à part. Ne serait-ce que par son format, la draft etc… C’est vraiment propre aux États Unis.
Est-ce dur de s’y acclimater en tant que Français ?
RF : Pour mon cas, l’acclimatation a été plutôt simple. J’ai été très bien accueilli et j’ai pu travailler avec des gens fantastiques. Par ailleurs, j’avais quelques Français dans l’effectif, donc je n’étais pas totalement dépaysé.
Après les Etats-Unis, vous êtes retourné en Afrique, c’est bien cela ?
RF : Je suis retourné en Afrique oui, au Maroc dans un premier temps, puis avec la sélection de l’Ouganda.
En Ouganda (janvier-juillet 2019), vous travailliez aux côtés de Sébastien Desabre (actuel entraîneur de Niort), n’est-ce pas ? Comment s’est passée la rencontre avec lui ?
RF : Exactement. J’ai demandé à le rencontrer lorsqu’il était en poste au Wydad Casablanca la première fois. La rencontre s’est très bien passée et il m’a donné une opportunité.
Vous étiez analyste vidéo avec l’Ouganda ? Avez-vous apprécié cette expérience au sein d’une sélection ? Comment avez-vous vécu la CAN 2019 ?
RF : Oui tout à fait. Ce fut une expérience exceptionnelle, nous avons fait un parcours honorable. Nous avions vraiment un bon groupe de joueurs avec qui travailler. L’ambiance, la ferveur, c’était vraiment une expérience très positive.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur Denis Onyango, le gardien ougandais ?
RF : Excellent gardien, sûrement un des meilleurs que j’ai pu côtoyer. Humainement fantastique, une très bonne personne et un vrai moteur pour un groupe.
Pour revenir à l’analyse vidéo et aux diplômes. Est-ce que vous avez passé tous vos diplômes en France ? Est-ce que l’analyse vidéo était un module enseigné ou avez-vous appris sur le tas ?
RF : Pour les diplômes, je les ai passés dans 3 pays : France, Angleterre, et Espagne. Concernant la vidéo, j’ai appris sur le tas dirons-nous, mais je me suis « formé » seul plusieurs mois à l’avance avant de prendre la fonction.
Pourquoi avoir décidé de passer les diplômes dans 3 pays différents ? Que vous a apporté chaque formation ?
RF : J’ai passé les formations à l’étranger car dans un premier temps, je n’ai pas été accepté en formation en France. Avec le recul c’est sûrement une bonne chose, car j’ai pu piocher des différentes méthodes de travail et chaque pays m’a apporté des éléments différents.
Après l’Ouganda, vous avez rejoint Pyramids FC avec Sébastien Desabre (août 2019-janvier 2020). Que retenez-vous de cette expérience ? C’est un grand club en termes d’investissement et ambitions, non ?
RF : L’expérience à Pyramids FC était très bonne, et j’étais évidemment très heureux de retrouver Sébastien, cette fois-ci dans un contexte club. C’est en effet un club avec de très grandes ambitions et des conditions de travail très bonnes. Je leur souhaite le meilleur et d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.
Vous avez ensuite été en charge de Bechem au Ghana (janvier-juillet 2020). Comment s’est déroulé votre arrivée là-bas et cette première expérience de numéro 1 dans l’élite ? Quels étaient les regards sur vous en tant que numéro 1 à un si jeune âge ?
RF : Mon arrivée à Bechem s’est faite de ma propre initiative. Personne n’est venu me chercher, j’ai postulé directement dans quelques clubs, et le directeur sportif de Bechem United FC m’a fait confiance pour gérer l’équipe. L’expérience s’est extrêmement bien passée en terme de résultats, ce qui m’a permis de me forger un certain statut. Malheureusement la saison a dû être arrêtée prématurément à cause de la pandémie, mais j’y ai rencontré des joueurs et hommes de grande qualité. Les regards étaient forcément douteux à mon égard dans un premier temps, je suis devenu le plus jeune entraîneur dans l’histoire de cette Ligue professionnelle. Mais après avoir remporté les premiers matchs et imposé un certain cadre, les doutes se sont dissipés très vite.
Vous venez de passer quelques mois à Niort (juillet 2020-mars 2021). Quel était votre rôle dans le staff de Desabre ? Avez-vous apprécié ce retour au pays et ce que vous avez pu voir et apprendre en Ligue 2 ?
RF : Mon retour en France était également un souhait de ma part, dans la mesure où je souhaitais me rapprocher de ma famille, au moins pour quelques mois tout en ayant un challenge excitant. Niort et Sébastien m’ont donné cette opportunité, et je les en remercie. Mon rôle était divisé entre plusieurs tâches. J’étais toujours chargé de la vidéo, tout en étant le lien entre le groupe pro et la réserve, et il m’arrivait régulièrement d’intervenir sur le terrain. Mais il est vrai que j’aurais aimé que ce dernier aspect soit plus présent. J’ai beaucoup apprécié travailler à Niort et découvrir la L2. Je pense que le club a énormément de talents à faire valoir et je suis certain que Sébastien Desabre peut faire passer un cap au club dans sa globalité. Je continue à suivre les résultats, j’y ai gardé de très bons amis.
Votre retour au Ghana, à Ashanti Gold, semble également lié à Nana Kwasi Darlington que vous avez connu à Bechem (ex-CEO). Quel est le projet qui vous a été présenté et vous a convaincu de retourner en Afrique ?
RF : Oui Kwasi Darlington a appuyé pour mon retour, mais j’étais déjà en contacts avancés avec le club avant sa venue. Ashanti Gold SC est un grand club au Ghana et même en Afrique, j’ai été convaincu par le discours ambitieux des dirigeants. Par ailleurs, les conditions sont bonnes, et j’ai senti qu’il s’agissait d’une belle opportunité pour ma carrière, une évolution logique, et j’ai eu envie de relever le défi.
Quelles sont vos ambitions dans ce club ? Vous avez également recruté Manu Rodriguez qui travaillait avec vous aux Etats-Unis. A quel point est-ce important de pouvoir compter sur des hommes de confiance ? Travailler à nouveau avec lui fait-il également partie d’une réflexion à plus long terme ?
RF : Mes ambitions dans le club sont à court terme pour le moment, je souhaite obtenir les meilleurs résultats possibles, match après match, et nous verrons où nous serons en fin de saison. Jusqu’à présent nous sommes invaincus depuis mon arrivée, et avons brisé une série de 8 ans sans victoire à domicile contre un autre grand club (Hearts of Oak), nous sommes sur la bonne voie. Si je viens à décider de poursuivre l’aventure, j’établirai un plan d’objectifs plus précis. La venue de Manu était un point primordial, elle était actée à mon arrivée. Il était déjà mon adjoint à West Virginia et c’est une très bonne personne, sur et en dehors du terrain. Je suis ravi de l’avoir à mes côtés dans cette mission.
https://www.youtube.com/watch?v=qIEfsKMrvlk
Au-delà du football, comment avez-vous vécu ces nombreuses expériences à l’étranger en tant qu’homme ?
RF : D’un point de vue humain, je n’ai tiré que du positif de toutes ces expériences à l’étranger. Elles m’ont donné des clés pour être capable de m’adapter à différentes situations tout en restant performant. J’ai eu la chance jusqu’à maintenant d’avoir obtenu des résultats très positifs, et je travaille au quotidien pour continuer en ce sens.
N’est-ce pas difficile d’un point de vue amical ou familial de devoir toujours recommencer à zéro dans divers endroits ?
RF : Évidemment, au niveau familial ou même amical, ce n’est pas toujours simple, mais j’ai la chance d’être bien entouré, par des gens qui me soutiennent et ont toujours cru en moi. Je pense que dans un avenir très proche, je serai dans l’optique de gérer un projet à long terme, de façon à mieux concilier certains aspects.
Qu’avez-vous gardé de chaque pays ?
RF : Ce que j’ai gardé de chaque pays serait une liste très longue, mais voici un point pour chaque pays que je pourrais ressortir :
Maroc / La chaleur et la générosité des gens.
Égypte / La beauté du pays.
Ghana / L’ambition exceptionnelle des jeunes sportifs en général.
USA / Une culture fantastique dont je suis tombé amoureux.
Ouganda / La gentillesse unique du peuple.
Encore une fois, il s’agit d’un point parmi des dizaines, tous positifs.
Quels sont vos meilleurs et pire souvenirs ?
RF : J’ai beaucoup de très bons souvenirs, mais j’ai envie de parler d’un qui est très récent, c’est la victoire avec Ashanti Gold contre Accra Hearts of Oak. Il s’agit d’une grosse victoire pour la ville, le club, c’était un moment très important. Je pourrais également citer la CAN 2019, ou la victoire en championnat NCAA aux USA, tous des souvenirs très forts.
Mon pire souvenir serait certainement la défaite face au Sénégal lors de la CAN. Notre parcours fut bon, mais j’ai le sentiment que si nous avions passé ce tour, nous aurions pu réaliser quelque chose d’exceptionnel. Malgré cela, le Sénégal était très fort sur ce match et méritait sa qualification. Avec plus d’efficacité, je pense tout de même que nous aurions pu faire un coup.
Quelles sont vos ambitions à plus long terme ? Un retour en France ?
RF : Mes ambitions à venir sont nombreuses, mais oui revenir en France pourrait m’intéresser. Prendre un projet à plus long terme également. J’ai eu peu d’expériences très longues jusqu’à présent, soit car j’étais dans un staff (et donc sujet à un départ lié à l’entraîneur principal) soit par choix dans le but d’aller plus haut rapidement (mes clubs étaient tous informés de mes souhaits). Aujourd’hui, ayant eu de bons résultats et à ce point dans ma carrière, je serai bien plus enclin à prendre un projet plus long.
Vous avez quitté la France assez jeune. Était-ce également à cause des nombreuses portes qui sont fermées pour des profils de jeunes entraîneurs sans carrière de joueur professionnel, contrairement à ce qui se passe en Allemagne par exemple ?
RF : J’ai en effet quitté la France très jeune car, comme vous le dites, les portes sont assez fermées pour de jeunes entraîneurs. Ce n’est pas un reproche, mais une réalité. Malgré tout je reste reconnaissant de ce que j’ai pu apprendre et tirer des formations faites en France. L’un dans l’autre, c’était clairement mieux pour mon cas. J’ai pu avancer plus vite, me former, et vivre des aventures fantastiques. La France reste mon pays, et y travailler est bien sûr tout à fait possible et envisageable, si tout est réuni pour cela. Aujourd’hui, je suis en poste, mais dans le futur, si un projet intéressant se présente en France, j’y porterai bien évidemment attention.