15 titres de champions, 12 coupes de Croatie, 1 coupe UEFA. Le Dinamo Zagreb est un monument du football croate pourtant remis en question par une partie de ses plus fidèles supporters. La saison 2012/2013 a vu le Dinamo sacré champion pour la huitième fois consécutive. Cette hégémonie sur le football croate s’est pourtant déroulé dans un stade sonnant creux en raison du boycott organisé par ses supporters. La raison à ces tribunes dégarnies, un conflit interne entre les Bad Blue Boys, principal groupe de supporters, et le président exécutif, Zdravko Mamic, dont les BBB contestent depuis plusieurs saisons les méthodes de gestion. Les Bad Blue Boys groupe désavoué par la direction et victime d’une répression sans faille luttent pour sauver leur club de cœur.
Le Dinamo a pour particularité d’être un club public appartenant à la mairie de Zagreb sous la présidence de Zdravko Mamic. Mais pourquoi l’actuelle direction est-elle controversée ? Les Bad Blue Boys remettent en question la direction du club organisée telle une oligarchie.
En effet, le clan Mamic dirige le club d’une main de fer notamment grâce à des appuis politiques tels que Davor Šuker, président de la Fédération croate de football. L’exemple de la gestion financière reste anecdotique, les supporters accusent Mamic d’avoir fait main basse sur les finances du club. Il faut noter que le Dinamo a réalisé de bonnes opérations sur le mercato depuis maintenant de nombreuses années; Lovren à Lyon pour 10M€, Modric à Tottenham pour 18M€ ou plus récemment le prometteur Tin Jedajav vendu à l’AS Roma pour près de 5M€. Ainsi depuis 2007, le club a perçu près de 100M€ grâce à la vente de ses joueurs. Cependant le réinvestissement sportif reste faible, seul le quart de la somme touchée grâce à ces départs a permis un renouvellement de l’effectif avec essentiellement l’arrivée de joueurs libres (donc gratuit). Zdravko Mamić a transformé le club en une entreprise à son seul profit, en pratiquant une politique de transferts des meilleurs jeunes à outrance sans réinvestir cet argent dans le club.
Et dans le clan Mamic, je demande le fils. Mario Mamić joue un rôle essentiel dans la direction du club. En tant qu’agent sportif, le fils prodigue a essentiellement des joueurs du Dinamo pour client (le hasard fait parfois si bien les choses). Les joueurs signant au Dinamo sont fortement incités à choisir comme agent le fils Mamic, pour ne pas dire obligés. La direction du Dinamo Zagreb est le parfait exemple du football mafieux soutenu politiquement dans un pays où la corruption est encore ancrée dans la société et dans l’impunité totale de l’UEFA . Les supporters, avec en tête de file les Bad Blue Boys, jouent pleinement leur rôle afin de s’opposer à une direction jugée illégitime.
« Zajedno za Dinamo », une contestation forte
Pour lutter contre le clan Mamic, les Bad Blue Boys suivis par certains supporters lambdas et de nombreux intellectuels fondent l’association « Zajedno za Dinamo » (Ensemble pour le Dinamo). Ces supporters unis par leur amour du Dinamo, ont obtenu une première victoire avec l’adoption d’une loi contre les conflits d’intérêts grâce au travail du ministre des Sports et de l’Education du nouveau gouvernement, Zeljko Jovanovic. Zdravko Mamić a perdu l’un de ses appuis politiques avec la victoire du Parti de gauche lors de l’élection présidentielle de 2011 mais peut toujours compter sur la protection de la mairie de Zagreb et de la fédération croate.La situation actuelle du Dinamo est un véritable enjeu politique pour les élections à la mairie de Zagreb dont les prétendants souhaitent gagner les milliers de voix de ces contestataires. Chaque parti politique y va de son petit commentaire, bien entendu à l’encontre de la direction actuelle. « Le problème du club peut être résolu s’il cesse d’être une planche à billets pour Zdravko Mamic » a déclaré le candidat Branko Vukšić.
Des ultras dans la tourmente
On ne va pas se voiler la face, les Bad Blue Boys sont loin d’être des enfants de cœur. Leur réputation d’hooligan dépasse la frontière croate, il s’agit là d’un groupe craint à l’échelle européenne pour leur violence. La ligne de conduite des BBB est simple, le boycott des matchs de la bande de Krunoslav Jurčić . Les BBB ont également comme souhait de ne pas répondre par la violence face aux attaques de Mamic. Le groupe ultra boycottant leur stade, malgré tout la ferveur est toujours présente avec des manifestations devant l’enceinte sportive les jours de match. De plus, la répression policière est de plus en plus forte pour endiguer ce mouvement contestataire. En 2011, Nikica Marovic, un supporter du Dinamo est condamné à 4 ans de prison ferme après une enquête jugée bâclée suite à un jet de pétard entraînant la perte d’un œil pour un policier. Cette répression mène les Bad Blue Boys dans une crise interne, les effectifs du groupe diminue au fil des années et les nouveaux adhérents se font désormais rares. Pourtant les déplacements conduisent des centaines de supporters à suivre leur équipe favorite en Croatie et dans l’Europe entière lors des matchs de Ligue des champions. La réputation des Bad Blue Boys leur fait défaut, ils sont confrontés à des interdictions de rentrer dans les stades et à la police. La France a pu se frotter à ces célèbres croates en novembre dernier lors de PSG-Dinamo Zagreb se soldant par un affrontement entre les supporters des deux équipes. Ce déplacement, en dépit de l’interdiction, s’est conclu par l’arrestation de 103 membres des BBB. Mais au delà de la violence, les Bad Blue Boys sont des ultras à part entière jouant parfaitement leur rôle de douzième homme avec un soutien inconditionnel dans la victoire comme dans la défaite. Lors du match Tottenham-Dinamo Zagreb, le soutien des supporters croates pendant 90 minutes malgré la défaite 4-0 a été largement relayé par la presse britannique. Ce déplacement à Londres a permis d’améliorer l’image des BBB à l’étranger.
Le futur des Bad Blue Boys et du Dinamo Zagreb en particulier s’écrit en pointillé. La récente victoire de la droite aux élections municipales de Zagreb soutient le clan Mamic à la tête du club le plus titré de Croatie. La ligne de conduite du boycott choisie par les Bad Blue Boys ne risque pas d’évoluer.L’association « Ensemble pour le Dinamo » peut être décisive pour le futur du Dinamo si elle parvient à continuer à mener un combat sur la scène politique. Mais surtout, combien de temps les instances de football garderont le silence face à cette situation ?