Le match Spal-Cosenza de ce samedi 3 octobre ravive les souvenirs de la figure calabraise originaire de Ferrare. Depuis 30 ans, beaucoup contestent les circonstances officielles de sa mort, dont les supporters de Cosenza qui ne l’ont jamais oublié.
Denis Bergamini, ce nom ne vous dit probablement rien. Honnête joueur de Serie B à Cosenza, courtisé par Parme, il reste surtout dans les mémoires pour son décès prématuré. Et aux circonstances troubles. Le 18 novembre 1989, la ville de Cosenza est sous le choc. Donato Bergamini, dit “Denis”, est retrouvé sans vie au bord de la route près de Roseto Capo Spulico à mi-chemin entre Cosenza et Tarente. Le milieu de terrain se serait suicidé en se jetant sous les roues d’un camion qui l’aurait traîné sur 60 mètres.
Une version à laquelle sa famille, ses coéquipiers et les supporters n’ont jamais cru. Qu’est-ce qui aurait motivé le jeune homme de 27 ans à s’ôter la vie ? Rien selon ses proches estimant que l’hypothèse ne colle pas avec le personnage. L’enquête a toutefois été archivée validant la thèse du suicide. Le corps ne présentait pourtant aucune blessure compatible avec cette version et n’était pas couvert de boue, malgré la pluie et les flaques d’eau le jour de l’accident.
Les supporters en rempart contre l’oubli
La nouvelle suscite logiquement un choc en Calabre. Michele Padovano, son grand ami, portera le maillot numéro 8 de Bergamini lors du match Cosenza-Messina (2-0) le lendemain du drame. Numéro avec lequel Padovano lui-même a marqué le premier but. Aujourd’hui, le virage du stade Gigi Marulla porte son nom, tandis qu’un buste représentant Bergamini trône à l’intérieur des vestiaires. L’ancien footballeur de la Roma et de l’AC Milan Carlo Petrini a tenté de faire la lumière sur cette mort mystérieuse. Dans son livre “Le footballeur suicidé” publié en 2001, il fournit des détails sur l’histoire de Denis Bergamini sans que ceux-ci ne soient cependant prouvés.
Mais ce sont bien les supporters qui permettent à l’affaire de ne jamais tomber dans l’oubli. Depuis presque 31 ans, ils ne cessent de réclamer “justice et vérité” à travers de nombreuses actions et banderoles. Les Ultrà Cosenza organisent le 27 décembre 2009 le premier “Bergamini Day” en présence de la famille du footballeur. Comme beaucoup, ils sont convaincus que Bergamini a été assassiné. Cette manifestation a pour but de parvenir à la réouverture de l’enquête. 300 personnes défilent dans les rues de la ville à cette occasion.
Nouveaux éléments et réouvertures du dossier
Et la réouverture des investigations survient enfin le 29 juin 2011 pour homicide volontaire. Quelque chose cloche avec la thèse du suicide appuyée par Isabella Internò, l’ex-fiancée de Denis présente ce soir-là, et le chauffeur du camion Raffaele Pisano. Le couple s’était séparé. Isabella Internò continuait néanmoins d’essayer de récupérer Denis Bergamini, comme lors de cette ultime fois avant son suicide selon sa version. Celle-ci est pourtant mise à mal par un témoin évoquant deux autres hommes accompagnant Isabella Internò au moment du drame. Hélas la justice referme une nouvelle fois inexplicablement l’enquête.
Un nouveau rapport remis à la justice le 27 février 2012 conclut que Denis Bergamini était déjà mort au moment de percuter le camion. En somme si la version de l’ex-fiancée était juste, les chaussures, la chaîne et la montre de Bergamini auraient subi de gros dommages. Au contraire les effets personnels du joueur étaient presque intacts. Pour la deuxième fois, en mai 2017, l’enquête sur sa mort est réouverte. Le mois suivant, l’exhumation des restes de Denis Bergamini est ordonnée. Là aussi, les premières constatations contredisent la parole d’Isabella. Le dos du corps censé avoir percuté le camion est épargné, au contraire de l’abdomen.
Oui, Denis Bergamini a bien été tué
Les conclusions de l’autopsie arrivent en novembre de la même année. Denis Bergamini est décédé par suffocation. Il aurait été étranglé par un foulard avant d’être jeté vers le camion afin de déguiser le crime en suicide. Un an après ces révélations, en novembre 2018, la soeur du joueur reçoit un coup de fil d’un témoin. L’enregistrement sera diffusé sur la chaîne Rete 4 dans l’émission Quarto Grado.
« Ce soir-là, il y a de nombreuses années, j’étais à peine plus qu’un garçon. En raison des conditions de travail, j’étais juste derrière ce camion. Je regarde des vieilles photos de la scène depuis deux jours. […] Elles démontrent qu’il n’y a pas de choc. Ce pauvre type (le chauffeur ndlr) ne l’a pas écrasé, il l’a trouvé devant. De plus, du garde-corps, il n’y a pas d’espace pour sauter, comment votre frère aurait-il pu le faire ? Je vous en dis plus. De l’autre côté, depuis le terrain, j’ai réalisé qu’il y avait trois personnes : une femme, qui criait de désespoir, et deux hommes, puis à côté d’eux une voiture noire. Ces deux hommes ont emmené la femme et l’ont forcé à monter dans la voiture et à partir. »
Aujourd’hui encore, la famille attend toujours des évolutions dans cette affaire. Le match Spal-Cosenza de ce samedi 4 octobre était une bonne occasion de le redire. Denis Bergamini, originaire de Ferrare, était attaché aux deux équipes. Sa soeur, Donata Bergamini, a d’ailleurs reçu un maillot des dirigeants de la Spal et de Cosenza avant le coup d’envoi. Elle n’est pas seule dans ce combat menée avec l’association “Verità per Denis”. Maintenant que la vérité a éclaté, sur Facebook ils sont 12 000 à réclamer justice.