« J’aimerais simplement adresser un message à toute l’équipe. Les joueurs ont été très, très bons. Je suis ravi du niveau de performance affiché sur cette partie. Pour la première fois de la saison, nos déplacements et notre positionnement ont été bons. » Les propos de Pep Guardiola après la victoire obtenue face à Brême, quelques jours avant la trêve, sont sans équivoque. Ce match était d’autant plus intéressant qu’il a vu l’émergence d’un système novateur, qu’on pourrait revoir dans les prochaines semaines décisives qui attendent le Bayern.
Il est difficile de catégoriser les positions d’une équipe dans laquelle quasiment tous les joueurs évoluent sur deux lignes. Si on devait s’entêter à le faire pour le Bayern de Guardiola, on dirait tout de même qu’il évolue en 4-2-4. Car ni Ribery ni Götze n’appartiennent vraiment au cœur du jeu.
Évidemment, le milieu de terrain est loin d’être un no man’s land. Mais les rôles de Kroos (le relayeur) et Thiago (le faux 6) sont assez différents dans « l’action type ».L’Espagnol décroche pour assurer la première relance, s’intercalant entre Boateng et Van Buyten. À ce moment, Rafinha et Alaba sont déjà loin. Kroos « remplace » Alaba sur la gauche, alors que Götze, calquant son mouvement sur celui de Thiago, vient offrir une solution dans le cœur du jeu. Solution de passe qui ne veut pas forcément dire que la passe aura lieu. A noter que Ribery calque lui aussi ses mouvements sur ceux de Götze dans ce triple décrochage.
Action type : Le côté droit et le double-rôle de Götze
À droite, c’est le triangle Rafinha, Muller, Götze qui fait la loi. Si les décrochages de l’attaque vers le milieu de Götze sont synchronisés avec ceux de Thiago (du milieu vers la défense), l’Allemand se comporte de façon beaucoup plus verticale une fois le ballon arrivé dans le dernier tiers. Des la 4e minute, un mouvement collectif décrit parfaitement le cahier des charges du faux 9 bavarois : Le ballon part de Neuer qui joue court sur Boateng. Alcantara décroche. A ce moment-là, l’ancien Borussen a déjà rejoint le cœur du jeu. Sa course attire un milieu vert et oblige Garcia (arrière gauche) à sortir sur Rafinha. Le latéral brésilien prend appui sur Muller par un double une-deux. Pendant ce temps, Ribery – qui était déjà venu proposer son aide au cœur du jeu – stoppe sa course verticale et Götze plonge dans son dos. Muller le sert dans les pieds, même s’il avait l’espace pour le faire en profondeur.
Rafinha en symbole de la verticalité
Sur beaucoup de séquences offensives, le Bayern ne fait peu que très peu de passes en retrait. Voire aucune. La présence de Mandzukic va aussi dans ce sens, même si le Croate n’est pas indiscutable, surtout dans les gros matchs. C’est le cas sur l’action qui amène le coup franc du 2-0 et du 3-0 lors de la victoire à Brême. On l’avait également vu lors de la victoire (4-0) à Schalke.
Aller relativement vite vers l’avant, tout en relançant très La Volpe, c’est aussi une des caractéristiques de ce Bayern-là. Son animation est assez verticale, il est pressé d’arriver rapidement dans les 30 derniers mètres. Là, le jeu long des arrières prend toute son utilité. Boateng se montre capable d’allonger des transversales du gauche quand il joue avec Van Buyten. Dante, gaucher, est évidemment aussi capable de le faire. Il avait notamment offert un but à Muller face à City dans cette configuration à l’aller. Il a récidivé lors du retour sur le 1-0.
- La passe volleyée de Rafinha, directement vers l’avant, sur la même action, indique la volonté verticale de Guardiola. Au Barça, dans cette configuration, Alves aurait sûrement cherché un appui sur Xavi, pour produire l’habituel hypnotisant enchaînement de pa-passes. Là, Rafinha va chercher l’appui plus haut.
Le comportement de Rafinha est aussi un marqueur clair de cette verticalité. Cette passe directe adressée à Muller à Brême, on l’a retrouvée vendredi à Gladbach’ sur l’ouverture du score. Quand le ballon de Boateng arrive chez Rafinha, il ne repasse pas nécessairement par Kroos. Souvent, il va directement chez Muller.
Le cahier des charges du Brésilien – qui est définitivement passé de doublure de Lahm sous Heynckes, à titulaire régulier sous Guardiola – n’a pas grand-chose à voir avec celui d’Alves. Sa distribution est beaucoup plus directe et verticale. Là où Alves bâtissait un pont horizontal avec son cœur du jeu pour devenir le véritable ailier du Barça, Rafinha – s’il joue également avec Kroos – a une relation plus forte avec le joueur qui joue devant lui, dans un vrai poste d’ailier droit. Depuis quelques matchs, Muller semble s’est s’installé dans cette position. Ce qui pourrait pousser Robben vers le couloir gauche, à la place qu’occupait Shaqiri, vendredi à Gladbach. On avait vu le Hollandais dans cette position à Moscou en Champions’, ou encore à Dortmund en championnat.
- La fin de l’action décrite plus haut. Götze poursuit sa course vers l’avant, alors que Ribery inverse la sienne. Ces courses croisées désorientent la défense du Werder. Après son échange avec Rafinha, Muller a trois choix : prendre appui sur Ribery, servir Götze dans les pieds ou en profondeur. Dans tous les cas, c’est bien le Français qui ouvre la porte sur cette action. Sans toucher le ballon.
Jeu sans ballon et dépassement de fonction
L’action n’aboutit pas, mais la méthode est là : décrocher, se rendre utile par ses courses sans ballon, avant de plonger dans la profondeur. Là, Ribery est comme un appui fantôme. Il a juste occupé un adversaire par sa course. Une minute avant, il était un appui réel entre les lignes. Le Français, en position de 10 avait déjà servi Rafinha qui trouvait Mandzukic. Le latéral avait été signalé hors-jeu, à tort.
Dans ce 4-2-4, le jeu du Bayern penche parfois à droite : les trois joueurs ayant touché le plus de ballons à Brême sont Van Buyten, Thiago et Rafinha. Malgré (ou grâce à ?) ce relatif tangage, la solution va venir du côté gauche sur une percussion de Ribery, rendue possible par une pénétration en dribble d’Alcantara, après un relai avec Alaba (dont la position devient parfois plus intérieure quand Ribery écarte). Le Français débloque la situation depuis son poste de base, alors qu’il ne l’avait pas encore occupé depuis l’entame du match.
Thiago de faux 6 à faux 9 / l’avantage de presser à 4
Si les joueurs de Guardiola avaient souvent 2 fonctions offensives dans son Barça, désormais, à l’image de Thiago ou Götze, ils en ont trois, voire quatre. Le dépassement de fonction est une des grandes lignes de ce 4-2-4. Thiago est à la fois premier relanceur et milieu vertical, quand il n’est pas 9 et demi, Ribery est à la fois ailier gauche et playmaker, Mandzukic et à la fois ailier gauche et buteur, Götze est à la fois 8 et 9 et demi…
À Gladbach, vendredi dernier, le cœur du jeu Lahm-Kroos n’a jamais vraiment été esseulé. Les déplacements relativement intérieurs d’Alaba et les multiples décrochages de Thiago ont donné à Kroos et Lahm un soutien numérique qui a permis au Bayern de tenir le ballon durant de longues séquences. Sur beaucoup de relances de Neuer, on a vu Alcantara (qui jouait devant) revenir jusqu’au niveau de Lahm pour faire le nombre face au pressing adverse, avant de retrouver sa place en attaque dans les secondes qui ont suivi.
Autre avantage notable offert par cette ligne de 4 attaquants : le pressing sur les premières relances adverses. Forts de cette présence en nombre, les Bavarois ont soit forcé Ter Stegen à allonger, soit énormément perturbé ses relances courtes. C’est suite à l’une d’elles qu’est intervenue l’occaz’, puis le penalty du 2-0, le ballon étant alors récupéré par le Bayern à 30m du but adverse.
Les rôles de ce Bayern semblent plus interchangeables que ne l’étaient ceux du grand Barça. C’est un plus théorique que seule la vérité du terrain pourra valider en Ligue des Champions, au moment d’établir cette inévitable comparaison.
Pourquoi ce choix ?
Le match de vendredi dernier était particulièrement intéressant pour plusieurs raisons. D’abord car l’opposition était de bonne qualité. Gladbach est 4e de BuLi et n’avait plus perdu chez lui depuis mai dernier, déjà face au Bayern. Globalement, le plan de Lucien Favre était d’opposer au Bayern un 4-4-2 compact, avec une animation très verticale, et beaucoup de jeu long. Avant l’ouverture du score de Götze, le match se résumait à une partie de gagne-terrain, les locaux balançant (presque) intelligemment pour mieux respirer.
Et là, la verticalité offerte par ce 4-2-4 est précieuse. En plus de ce qu’elle apporte au pressing, elle évite au Bayern de s’empaler sur la défense. Et de se trouver ainsi dans une situation de possession stérile, loin du but adverse. Le Barça avait déjà souffert, au plus fort de sa rivalité avec le Real de Mourinho, de ce manque de pénétration. Peut-être cette relative lacune passée est-elle entrée dans la réflexion de Guardiola au moment de concevoir ce plan plus direct ?