Le 21 octobre 1983, le ministre de la Justice colombien donne le ton. Rodrigo Lara Bonilla déclara devant les médias que « les équipes de football professionnelles ayant des liens avec le trafic de drogue sont l’Atlético Nacional, Millonarios, Santa Fe, Deportivo Independiente Medellin, America de Cali et Deportivo Pereira ». L’America de Cali et l’Atlético Nacional Medellin sont parmi les clubs les plus titrés de Colombie mais également parmi les plus controversés d’Amérique du Sud. Retour sur les sombres liens entre le football colombien et les narcos.
Tout commence à la fin des années 70 et à l’avènement des grands cartels colombiens, avec d’un côté le cartel de Cali et de l’autre celui de Medellin mené par le fameux Pablo Escobar.
Tous deux se battent pour contrôler le trafic de drogues en direction des Etats-Unis. Leurs revenus sont exorbitants, à tel point que Pablo Escobar devient le 7ème homme le plus riche de la planète. Ironie du sort, les grands clubs colombiens traversent tous une crise économique importantes. Ils avaient donc besoin de l’argent des cartels.
Le football étant un magnifique moyen de devenir populaire et de blanchir l’argent de la coke, les deux cartels décidèrent donc de s’implanter dans ce milieu. Pablo Escobar devint ainsi le principal actionnaire de l’Atlético Nacional Medellin tandis que Gilberto Rodríguez Orejuela, le chef du cartel de Cali surnommé El Ajedrecista (Le joueur d’échecs) devint le président de l’America de Cali.
Escobar et les clubs de Medellin
Beaucoup de socios de Pablo Escobar se sont d’abord impliqués dans le club du Deportivo Independiente Medellin. Pablo Correa et Hector Mesa ont été les principaux actionnaires du DIM. Au début des années 80, ils seront retrouvés mort par balle suite à une fusillade entre mafieux. Le mécénat se retrouvera aux mains de Dario Ocampo, un nouveau riche et patron de la plupart des boites de nuits du pays.
Aucune preuve n’a encore établi une possible implication des narcotrafiquants sur le Nacional, mais certains détails sont troublants. Pendant les années 60, avant l’ère Escobar, le Nacional est dirigé par un certain Hernan Botero. Son frère, Roberto Botero, était en prison pour le blanchiment de 70 millions d’US dollars en relation avec le trafic de drogue. Hernan Botero est condamné lui à 18 ans de prison pendant l’ère Escobar. Durant la période Escobar, le président le plus symbolique fut Hernan Mesa. Celui-ci fut à l’origine d’une cargaison de 1 762 kilos de cocaïne à destination de Miami en 1982. Par ailleurs, les exemples de pression du cartel de Medellin sont également nombreux. L’arbitre de la demi-finale de la Libertadores contre le Danubio Montevideo a avoué avoir reçu des menaces de la part du cartel. En 1990, l’homme au sifflet dénonça des tentatives de corruption de la part des dirigeants après le match contre le Vasco de Gama. En 1989, le cartel de Medellin assassina Alvaro Ortega pour « mauvais arbitrage » provocant la suspension du championnat cette année-là.
Il n’était pas rare de voir Pablo Escobar en personne dans les tribunes du Nacional ou même sur la pelouse pendant qu’il était sensé être en prison en Colombie. René Huiguita, l’idole du Nacional, a d’ailleurs rendu visite à Escobar dans la prison « el Catedral ». Escobar aurait investi des millions de dollars dans le club Nacional. Pendant cette période, le Nacional a gagné une Copa Libertadores, une Coupe intercontinentale et 4 championnats colombiens.
Au début des années 80, un des principaux chefs du cartel de Medellin contrôlait financièrement le club de son cœur : les Millonarios de Bogota. Il s’agit de Gonzalo Rodriguez Gacha, un des narcotrafiquants les plus puissants et influents de l’histoire, plus connu sous le nom du « mexicano » (le Mexicain). Les Millonarios se trouvaient dans une crise sportive et financière sans précédent au début de l’année 82. Le club ne participait plus aux finales depuis leur dernier titre en 78 et avait un besoin urgent d’argent frais. Le poste qu’occupait un homme respectueux et droit comme Alfonso Senior était désormais entre les mains d’un homme aux chemises ouvertes et chapeau de cow-boy qui s’appropriait toutes les terres possibles dans la région du Magdalena. Les Millonarios remportent le championnat de 1987 et 1989. Un joueur de cette époque livra quelques années plus tard une anecdote truculente. Le « Mexicano » invita les joueurs pour fête le titre. Il ramena une vingtaine de prostituées du « meilleur » bordel de Bogota, la nourriture des meilleurs restaurants et de l’alcool « à gogo ». Après deux jours de fête non stop, il se rendit compte que la plupart des joueurs s ‘étaient endormis. Il pris sa mitraillette et tira des rafales en l’air en criant : « Je vous ai invité pour baiser pas pour dormir ! ».
Les supporters des Millonarios racontent que pour pouvoir supporter son équipe, Rodriguez Gacha se déguisait en ours, la mascotte du club, pendant que toute la police du pays était à ses trousses .
D’autres clubs ne sont pas en reste. Le Deportivo Pereira, une petite équipe, était la propriété exclusive de l’excentrique multimillionnaire Octavio Piedrahita, un homme associé -sans preuve- à Pablo Escobar. Étonnement, cette formation habituée à se battre pour le maintien termina quatrième du championnat en 1982. Piedrahita devint ensuite le président du Nacional Medellin et se fera assassiné dans la guerre des cartels.
Maradona, l’America et le cartel de Cali
À Santa Fe, les nouveaux investisseurs ont remplacé les traditionnels socios, incapables de supporter les charges économiques trop importantes. Guillermo « la Chiva » Cortés dénonça l’argent sale qui entrait dans les caisses du club et démissionna. La direction revint donc au groupe « Grupo Inverca » de Cali et les principaux actionnaires étaient Fernando Carrillo et Phanor Arizabaleta , membres du cartel de Cali.
Du côté de l’America de Cali, mêmes éléments confondants sur des liens entre cartel et le club phare du « Valle del Cauca »…
La famille Rodriguez Orejuela, aux commandes du cartel de Cali, voulait en premier lieu infiltrer le Deportivo Cali qui était à l’époque le meilleur club colombien. Malheureusement pour eux, la structure du Deportivo Cali empêchait le contrôle du club par les malfrats. Le président, Alex Gorayeh, s’opposa au fait qu’un homme, possédant une fortune inconnue, fassent partie des actionnaires du club. Les actions du Deportivo étaient la propriété de riches familles et d’aristocrates de Cali.
Miguel Rodriguez, l’un des deux chefs du Cartel de Cali, était un fidèle supporter de l’autre club de Cali : l’America. Ce club n’avait encore jamais remporté le moindre titre et Miguel n’était pas disposé à « s’écraser » devant les élites de Cali comme l’avait fait son frère Gilberto avec le Deportivo Cali.
Depuis la moitié des années 70 jusqu’au début des années 90, l’America appartenait et était financé par le Cartel de Cali.
C’est durant cette période que le club Caleño remporta la plupart de ces trophées grâce à des joueurs de la trempe de Julio César Falcioni, Hernán Darío Herrera, Roberto Cabañas, Pedro Sarmiento, Ricardo Gareca et Aurelio José Pascuttini.
Le Cartel de Cali ne se contentait pas de s’occuper du football local mais également mondial. Il aurait ainsi offert 4 millions de dollars aux dirigeants péruviens lors du « Mundial 78 » pour perdre face aux Argentins. Le fils de Orejuela aurait déclaré cette affaire. Les relations entre le dictateur Videla et les narcotrafiquants n’étaient inconnues de personne. En échange, les Colombiens étaient assurés de pouvoir continuer tranquillement leurs affaires en Argentine.
Maradona aurait également été approché par le Cartel. Miguel Orejuela aurait proposé 3 millions de dollars pour pouvoir s’attacher les services de Pelusa pendant 6 mois. Le neveu de Miguel Rodriguez Orejuela raconte, dans son livre « El hijo del ajedrecista II » (le fils du joueur d’échec), le repas entre « El pibe de oro » et les chefs du cartel de Cali. Celui ci aurait eu lieu en 1979 après un match entre Argentinos Juniors et l’America De Cali. Miguel Rodriguez aurait fait l’offre au milieu du repas, Maradona subjugué par le luxe de la villa et du garage aurait accepté sans sourciller. L’opération ne se réalisera pas à cause de l ‘agent de Diego qui prétexta une meilleure offre provenant d’Espagne. En voyant qu’il ne touchait aucune commission, il aurait fait « capoter l’affaire ». Les chefs du cartels ne gardèrent aucune rancune envers Maradona.
Le fils de Orejuela a d’ailleurs toujours affirmé que Diego et son père entretenaient de très bonnes relations. Ils s’envoyaient régulièrement des cadeaux : Rolex d’un côté, maillots de l’autre. Maradona aurait eu des contacts avec la mafia napolitaine mais également avec le cartel de Cali. Par ailleurs, Orejuela réussit à faire venir des pointures du football dans son club comme Bilardo, Gareca et Falcioni. Les joueurs étaient privilégiés et obtenaient de nombreux présents comme des voitures de luxe, des prostituées ou encore des villas. Orejuela aurait même financé les clubs rivaux de l’America pour pouvoir susciter l’intérêt du championnat et ainsi gagner plus d’argent grâce au public. Ainsi le championnat colombien était le championnat le plus truqué du monde pendant ces années. Les joueurs, dirigeants, arbitres étaient corrompus. Pendant cette Période, l’America remporta huit championnats colombiens et échoua trois fois en finale de la Copa Libertadores.
La liste des dirigeants de football assassinés à cause de leurs liens avec le trafic de drogue est longue : De Hernan Botero (président du Nacional, premier narcotrafiquant colombien déporté dans une prison américaine), en passant par Eduardo Davila (Union Magdalena, lié au trafic de Marihuana), Ignacio Aguirre (Tolima , assassiné dans les années 80) , Cesar Villegas (tué en 2002, lié au club de Santa Fe) et Juan José Bellini (président de la Fédération et ancien dirigeant de l’America )
Cette période s’arrêta à la mort de Pablo Escobar et l’arrestation de Gilberto Rodríguez Orejuela en 1995, mettant ainsi un terme (officiel) aux activités du cartel de Medellin et à celui de Cali. Pourtant, le football colombien a toujours du mal à enlever cette étiquette qui lui colle à la peau. L’argent des » grands cartels » a disparu mais les liens avec les narcotrafiquants a persisté jusque dans les années 2000 : 12 dirigeants du DIM furent écroués, le club de Pereira est suspecté d’avoir des liens avec Carlos Jimenez alias «Macaco », un important trafiquant de drogue et un dirigeant du Santa Fe extradé aux Etats-Unis. Les grands clubs colombiens sont soumis aux restrictions de la liste Clinton mais de nombreux groupes paramilitaires et trafiquants de drogues possèdent des actions importantes dans les clubs de division inférieures où les contrôles sont quasi inexistants. Suffisant pour se demander quand est-ce que le football colombien aura totalement les mains propres…
Faux. Pablo Escobar été supportaire del DIM, archirival d’Atletico Nacional. Il ne manquait pas une transmission radio d’un match du DIM, et il a été meme enterré avec le drapeau du DIM sur son corps. Popeye, sa main droite, raconte que même quand ils était en train de se cacher de l’armée colombienne qui était à quelques kilometres d’eux, il s’arrêtait pour écouter les matchs de l’équipe de ses amours, le DIM.