Révélé en 2014 par Pablo Correa et capitaine de la dernière équipe de Nancy joueuse (2016), Clément Lenglet à ensuite dévoilé son sens de la rythmique sur la scène européenne en compagnie d’une rouge sévillane avec qui il a rapidement flirté. Et, si l’espoir est arrivé au Barça pour être un soldat remplaçant de Valverde, les premiers mois lui ont suffi pour confirmer avec le sourire à l’appel lancé par la reine d’Espagne. Près de 4 ans après ses débuts en Ligue 2.
Le berceau de « Monsieur Propre »
Si le public du Camp Nou peut aujourd’hui profiter des danses de son relanceur, c’est essentiellement parce que Clément Lenglet a pris le temps de nettoyer sa scène. En août 2014, le défenseur vient de signer son contrat professionnel il y a seulement quelques semaines, mais tant pis, le potentiel est trop important aux yeux de Pablo Correa qui l’emmène défier l’AJ Auxerre pour le 2ème tour de Coupe de la Ligue. Et c’est sous les projecteurs qu’il finit par s’étriller. Après une mini-compilation de passes imprécises couplées à des fautes dangereuses, le défenseur a dû attendre le retour de la trêve en janvier 2015 pour être à nouveau aligné dans le onze.
Récemment dans So Foot, Clément Lenglet détaille cette affaire : « C’était difficile à comprendre sur le coup, mais aujourd’hui, je le remercie de l’avoir fait, puisque ça a provoqué un déclic chez moi et dans ma façon de jouer. » Résultat : quelques mois plus tard, il est titulaire et capitaine de l’équipe à 19 ans. Mais surtout, Lenglet devient irremplaçable, étant à la fois l’âme du groupe, le guerrier de la défense et le cerveau de l’équilibre tactique de l’ASNL. Car si l’équipe de Pablo Correa s’affiche comme puissante et raffinée dans la maîtrise du jeu, c’est notamment grâce à son « Monsieur Propre ». Autoritaire sans voix, il cumule les duels gagnés sans transpirer.
Méticuleux, il capitalise les anticipations ingénieuses. Rassurant pour les plus angoissés. Et pour les plus audacieux. Son jeu long (5.2 longs ballons par match lors de la première partie de saison 2016/2017) à la manière d’un Sergio Ramos ou d’un Bonucci, apporte des solutions ibériques à une formation (son coach surtout) réputée pourtant très anglo-saxonne. Son Nancy en sort impeccable : champion de deuxième division la saison précédente, l’ASNL est 13ème de Ligue 1 à neuf points de l’Europe avant son départ lors de l’intersaison 2016-2017.
85 matchs après ces débuts contre Auxerre avec Nancy, un brassard récupéré en quelques matchs, la visite des installations de la Juventus à l’été 2015, plus de puissance, de barbe et l’accouchement d’un rôle de leader dans l’arrière garde nancéienne, Lenglet est acheté contre 5 millions d’euros par le FC Séville. Une histoire qui démontre une fois de plus que le poste de défenseur central requiert du temps.
L’exil et ballets continentaux
À Séville, Jorge Sampaoli avait choisi Clément Lenglet pour compléter sa défense. Mais après avoir répondu à « l’appel » de son pays, Eduardo Berizzo (d’août à décembre) et Vincenzo Montella (de décembre à avril) prennent successivement en main le FC Séville. Poussé par le destin, Lenglet se révèle comme un grand espoir et met en œuvre ses qualités de relance et d’anticipation dans une défense à trois. Il est devenu la première option de relance de la manœuvre andalouse. Contre Manchester United en Ligue des champions, jusqu’au bout du match, il reste debout face aux nombreux centres et accélérations de la paire Lingard-Rashford.
Bilan, il rend une copie propre : trois interceptions, une faute, cinq passes imprécises sur 20, six bons longs ballons. Au tour suivant, le match contre le Bayern a raconté la même histoire. Un ballet de défenseur central gauche sans et avec ballon : six interceptions, cinq duels gagnés sur six, six bons longs ballons et 89% de passes réussies. Lenglet évolue plus haut que Simon Kjaer et participe à la montée du bloc sévillan, est imprenable sur les ballons aériens et convaincant par son autorité dans les duels. Toujours debout. Comme le modèle Paolo Maldini : « Si je suis obligé de tacler, c’est que j’ai commis une erreur ».
Il y a quelques mois en conférence de presse, Mourinho racontait : « Monsieur Bonucci et monsieur Chiellini pourraient aller dans une université comme Harvard pour donner des cours sur comment être défenseur central. Ils sont fantastiques, absolument fantastiques. » Dans un monde où les deux Bianconeri sont professeurs au sein de cette glorieuse académie du défenseur central, alors sur ces ballets européens, monsieur Lenglet a montré qu’il pouvait au moins tenter les concours d’entrées. Avant la fin de saison, son entraîneur déclare : « C’est un champion. Sur et en dehors du terrain. Il peut jouer dans un grand club comme le Barça dans le futur. » À la fin de la saison 2017-2018, le jeune défenseur français est admis. Direction Barcelone.
Titulaire pour la première fois contre le Girona d’Eusebio Sacristán alors qu’il n’avait que 25 minutes dans les jambes sous le maillot blaugrana, c’est encore sous les projecteurs, qu’il a fini par s’étriller. À la 35è minute, l’arbitre avec assistance de la VAR siffle un coup de coude dangereux sur Pere Pons et exclut Clément Lenglet. Dans le quart-d’heure qui suit, Girona renverse le score (Stuani 45’ et 51’) avant que Piqué (63’) ne permette au Barça de revenir au score. 2-2. Les semaines qui ont suivi racontent l’histoire de la construction d’un soldat fidèle, discipliné, qui fait son devoir, mais ne se montre pas. Quelques mois après ce baptême dans le derby catalan, le revoilà en 2019 dans le clásico dans un rôle de patron de l’arrière-garde barcelonaise au côté de Piqué. Revanche.
Impérial, le numéro 15 a tout anticipé aussi bien en l’air qu’au sol (neuf ballons aériens, quatre anticipations, deux récupérations) et rendu une copie de monsieur propre (deux fautes, quatre passes imprécises sur 31, quatre bons longs ballons). Résultat : si le Barça a subi (dix-sept tirs au total), le Real n’a cadré que 17,6% de ses tirs (trois sur dix-sept, et sept bloqués). Vinicius et Varane ont vu respectivement quatre et un tir échoué comme des vagues sur le roc Clément Lenglet.
Ce soir-là rappelle celui du 13 mars 2018, alors que Séville et Manchester United se battent pour une place en quarts de finale de la Ligue de Champions, les Red Devils ne cadrent que 16% de leurs tirs (un sur six). Lenglet en a bloqué trois et ce double rendez-vous avec Lukaku le pousse en plein milieu de la scène. Retour à Madrid pour le clásico, avec le ballon il a été chargé comme toujours, de devenir le premier chasseur de la meute à Ernesto Valverde. En phase offensive, à côté de Piqué, Lenglet s’est chargé de transmettre le ballon à Busquets devant lui ou à Alba à sa gauche. Mais aussi à Dembele ou Coutinho loin devant, en coupant le Bernabeu en deux.
La raison de l’âge
Naturellement, c’est dans le sillage de Piqué que Clément Lenglet se révèle. Huit mois après son arrivée, grâce au souffle de l’Espagnol, le Français peut même légitimement penser à valider ses diplômes de l’université dans laquelle Bonucci et Chiellini dispensent des cours. Car Lenglet émerge dans toute la palette du défenseur central : anticipation et lecture du jeu, duels aériens, interventions au sol et responsabilité dans la relance. Dans la lignée de sa saison en Liga, où le destin – la blessure de Samuel Umtiti– l’a poussé en plein milieu de la scène et a fini par lui offrir un rôle influent, Clément Lenglet a été élu « meilleur homme du match » du clásico du 2 mars dernier par le mythique Omar Da Fonseca. En même temps, Lenglet convainc par son autorité et la valeur de ses relances.
En Liga, celui qui gagnait 1,4 duels aériens par match avec Séville est monté à 2.1. Et celui qui réussissait 83.9% de passes réussies est aussi monté à 88.7%. C’est l’histoire d’un chef discret en avènement. D’ailleurs, l’histoire des meilleurs joueurs au poste de défenseur central montre les bienfaits de l’expérience couplés au talent. Tous de Barzagli à Ramos, en passant par la paire Vidić-Ferdinand ou les monstres Jaap Staam et Puyol, ont connu leurs plus belles années en étant plus proches de la trentaine que de la vingtaine.
Et des Otamendi ou Mascherano à qui l’histoire, pressée, a donné très tôt les espoirs d’une nation (respectivement 21 et 19 ans) ont attendu d’être des Généraux pour faire tenir debout l’Albiceleste. Patience encore.