Après un nul heureux à l’aller, Chelsea est finalement passé à la caisse à domicile, en encaissant 2 buts sur coups de pied arrêtés. À dix pendant une heure et demi, les Parisiens ont (tous) élevé leur niveau technique au bon moment, et réussi à faire jeu égal malgré le rouge d’Ibra.
Entame : Le pressing déjà cassé par la qualité technique
Chelsea a entamé la partie avec le même système défensif qu’au Parc, mais l’appliquant d’une façon beaucoup plus agressive et haute sur le terrain. Dès le coup d’envoi, les Blues font le nombre dans le pressing et vont chercher Paris dans son camp. Les milieux vont jusqu’aux moindres recoins du terrain pour isoler les latéraux du PSG et les latéraux suivent Cavani et Pastore jusque dans le camp adverse. Visible dès la première action du match, la qualité technique des Parisiens leur permet de casser ce pressing agressif. Tous les joueurs se mettent au niveau et la circulation est fluidifiée par des touches de balle réduites, entre une et deux en moyenne.
Comme à l’aller (et comme souvent cette année pour Chelsea) c’est la position de Matic qui pose problème en phase défensive. Habitué à marquer le n°10 adverse face à un 4-2-3-1, le Serbe aura été sans repère individuel face au 4-3-3 du PSG. Il aura souvent hésité entre couvrir ; et marquer Matuidi, Verratti ou Ibra.
Sur la première séquence du match, il couvre lorsque le ballon est à droite et doit sortir sur Verratti quand le PSG le fait basculer à gauche. Cesc ne le couvre pas – ça va de toute façon trop vite – et le PSG crée rapidement un premier 3 contre 3. Le repli s’opère, mais même lors de cette seconde phase défensive (après le pressing), Matic est mobilisé par l’éventuelle projection verticale de Matuidi (voir vidéo).
L’espace offert à Verratti aurait pu créer une énorme occasion par une frappe lointaine. L’Italien choisira Cavani et le PSG est déjà pénétrant après moins de 2 minutes. Cette situation se produira plusieurs fois dans le premier tiers du match.
Jusqu’à l’exclusion d’Ibra, Paris ne sera véritablement mis en danger que sur une contre-attaque mal négociée par Oscar. En attaque placée, les Blues ne passent que par la gauche. Le pied droit d’Azpilicueta, associé à l’application et la solidité de Marquinhos permettent à Paris de gagner en confiance. Diego Costa dézone beaucoup, mais il est tout le temps servi dans les pieds à gauche ; et on ne sent pas que son mouvement peut amener du danger dans l’axe.
À cet égard, le choix de faire débuter Ramires milieu droit n’aide pas Chelsea à gagner en imprévisibilité. Tout le symbole d’un Mourinho puni pour excès de prudence, et manque de volonté offensive.
La gestion du carton rouge : justesse, volume, et dépassement de fonction
Après le rouge, le PSG se réorganise en 4-4-1, Cavani prenant la place d’Ibra et Matuidi celle de milieu gauche. Pastore se retrouve milieu droit et la défense ne bouge pas. En face, Willian remplace un Oscar proche du rouge et Ramires retrouve son poste de n°8 aux côtés de Matic, alors que Cesc est désormais 10.
En théorie, les Blues (en 4-2-3-1) sont en surnombre au cœur du jeu et, si Cavani décroche, Terry et Cahill se retrouvent à « 2 contre zéro ». En théorie seulement car l’Espagnol va vite être promené par le duo Motta-Verratti, alors que l’énorme volume de Cavani permet de compenser l’absence d’un 10 dans ce 4-4-0-1, ou 4-4-1-0, selon les (nombreux) mouvements de l’attaquant uruguayen.
Sur les côtés, en théorie (encore), c’est toujours du 2 contre 2, mais les marquages vont vite voler en éclats. Les mouvements intérieurs de Pastore poussent Azpi à lâcher son marquage, et la surveillance intermittente de Hazard sur Marquinhos lui offre de (petits) décalage que le central brésilien va mettre à profit en élevant lui aussi sensiblement son niveau technique, se montrant capable de jouer en une touche avec précision.
Il est le symbole de la performance parisienne : titularisé à droite pour son application défensive face à Hazard, il a su élever son niveau dans l’utilisation du ballon pour permettre à Paris de créer le danger. La justesse de Cavani dos au but s’inscrit dans la même logique.
De l’autre côté, la donne est la même. Sur la séquence ci-dessous Ivanovic hésite à sortir sur Matuidi. Paris parvient à renverser et exploite l’égalité numérique sur le côté droit de l’attaque, provoquée par le mouvement de Ramires vers Matuidi. Quand le ballon revient après le centre, c’est un marquage trop lâche de Willian sur Maxwell qui offre le second ballon au latéral brésilien.
En mettant en place un système mixte, reposant beaucoup sur le surnombre dans sa propre surface, Mourinho est puni sur coups de pied arrêtés par le PSG.
Les marquages qu’il a mis en place sur les côtés ont explosés lors des deux manches.
À l’aller, Courtois a fait des miracles, même si Paris aurait déjà pu scorer sur coup de pied arrêté, ou dans le jeu. Au retour, Chelsea s’est montré défaillant dans ces séquences malgré le surnombre offert par le rouge.
Les coups de pieds arrêtés
Sur les corners défensifs, Mourinho positionne Costa et Ramires en zone au premier poteau. Au second, il compte sur un marquage rigoureux et sur l’envergure dissuasive de Courtois sur les ballons en cloche (impossible d’atteindre le second poteau avec un ballon tendu).
Sur le premier but, David Luiz fait parler son instinct et sa qualité de démarquage. Grâce à un corner parfaitement tiré – ni trop tendu, ni trop en cloche – par Lavezzi, le PSG est parvenu à atteindre la seule zone dans laquelle il pouvait marquer (à moins d’une bévue) : entre le premier poteau et le point de penalty.
L’égalisation à 2-2 relève plus de la très grosse erreur. Terry prend son coéquipier Cahill au marquage et Silva marque seul au second poteau malgré un surnombre de 4 joueurs.
Mourinho puni
Avec cette élimination prématurée, c’est toute la direction sportive de Mourinho qui est sanctionnée :
Sur le plan offensif, il a échoué à faire transiter Chelsea vers un football de création, ambition qu’il n’a jamais cachée et qui a été confirmée par les 6 premiers mois de cette saison. Le déplacement au Parc face à un PSG ultra-prudent était l’occasion d’exprimer ce talent offensif. Ça n’a pas été le cas, et le nul ramené de France était quasiment miraculeux, et surtout dû au talent de Thibaut Courtois.
Cette saison défensivement, le Portugais s’est contenté d’isoler le créateur adverse par Matic et a voulu bloquer la largeur adverse par des marquages individuels des joueurs latéraux. Finalement, il a mis en place un système relativement passif, concédant plus de situations que l’an passé. En 2 matchs, Chelsea aura concédé 26 tirs et 18 corners. Il n’est pas illogique ou injuste que Paris passe sur coups de pied arrêtés, d’autant que les corners offensifs sont une signature de son coach.
C’est quoi, le football à la Laurent Blanc ?
Sur l’ensemble de ces 2 matchs, Blanc aura montré une définition assez explicite de sa personnalité d’entraîneur. Un football à la fois ambitieux offensivement et prudent défensivement.
À l’aller, dans une période de turbulence pour le PSG, il a entamé le match de façon ultra-défensive, et si son équipe a finalement possédé le ballon, c’est parce que l’adversaire n’en voulait pas non plus.
Au retour après le rouge, le PSG a patiemment stationné en 4-4-1, et laissé faire le trio Pastore–Verratti–Motta dans la salle des machines. Ne restaient que Maxwell et Marquinhos pour animer les côtés, ça a suffi à créer le danger. Pas de folie, ou d’audace disproportionnée, mais de la prudence et du talent pour utiliser le ballon face à un adversaire roublard.
Sur les 2 matchs, à défaut de le faire de façon conquérante, Paris a défendu de façon patiente et appliquée. La prise de pouvoir de Marquinhos à droite de la défense symbolise l’évolution du PSG de 2015, une équipe de possession à la ligne de défense plutôt basse, qu’il ne faut donc pas espérer contrer, ou prendre à défaut dans le dos de sa défense.
Le hors-jeu adverse n’est jamais recherché, et la défense ne joue pas avec le feu. L’espace n’était définitivement pas dans le dos de David Luiz et Thiago Silva, mais plutôt éventuellement devant eux. Le grand tort stratégique de Mourinho restera de ne pas avoir eu l’audace de l’utiliser, en posant au sol le ballon dès le match aller au Parc.
Victor Lefaucheux